La situation est si grave pour les ressortissants afghans vulnĂ©rables qui espèrent se rĂ©installer au Canada en tant que rĂ©fugiĂ©s que le gouvernement devrait utiliser tous les mĂ©canismes juridiques Ă sa disposition pour les sauver. VoilĂ en abrĂ©gĂ© le message envoyĂ© au ministre de l’Immigration, des RĂ©fugiĂ©s et de la CitoyennetĂ© Canada, Sean Fraser, par la Section du droit de l’immigration de l’Association du Barreau canadien.
En septembre 2021, la section a lancĂ© l’Initiative pro bono de l’ABC pour la crise en Afghanistan, dans le cadre de laquelle des juristes fournissent certains services, notamment des conseils juridiques, Ă ceux et celles qui cherchent Ă se prĂ©valoir de la promesse faite par le gouvernement canadien de rĂ©installer jusqu’Ă 40 000 rĂ©fugiĂ©s afghans au pays.
« L’expĂ©rience des juristes bĂ©nĂ©voles de l’ABC rĂ©vèle que les mesures d’aide actuelles aux Afghans sont insuffisantes, qu’elles sont trop restrictives et qu’elles sont compromises par de longs retards, un manque de clartĂ© et l’indisponibilitĂ© de certains renseignements nĂ©cessaires aux demandeurs », affirme la section dans sa lettre (disponible uniquement en anglais, les citations qui en sont tirĂ©es sont des traductions) au ministre Fraser. Les juristes reçoivent de nombreuses demandes de consultations et des appels Ă l’aide dĂ©sespĂ©rĂ©s, mais hĂ©las, dans de trop nombreux cas, les règles du programme elles-mĂŞmes les empĂŞchent d’aider les Afghans qui sont souvent la cible de reprĂ©sailles des talibans.
La section propose plusieurs changements pour amĂ©liorer la rĂ©ponse du Canada Ă la crise humanitaire en Afghanistan. Outre l’amĂ©lioration des dĂ©lais de traitement et des mĂ©thodes de communication avec les Afghans qui cherchent Ă se rĂ©installer au Canada, le gouvernement devrait suspendre l’exigence rĂ©glementaire qui oblige les demandeurs Ă passer par le parrainage privĂ© de rĂ©fugiĂ©s. Il devrait Ă©galement Ă©largir l’admissibilitĂ© au parrainage sous la catĂ©gorie du regroupement familial aux Afghans qui sont des membres de la famille Ă©largie de citoyens et de rĂ©sidents permanents canadiens.
Renoncer Ă l’exigence du statut officiel de rĂ©fugiĂ©
Le parrainage privĂ© de rĂ©fugiĂ©s peut ĂŞtre entrepris par le biais de trois catĂ©gories de groupes, explique la lettre de l’ABC : les signataires d’entente de parrainage (SEP), les rĂ©pondants communautaires et les groupes de cinq. Seule la première catĂ©gorie est exemptĂ©e de l’exigence rĂ©glementaire qui oblige les demandeurs Ă avoir un statut de rĂ©fugiĂ© officiel du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les rĂ©fugiĂ©s (HCR) ou d’un État Ă©tranger.
Selon les membres de l’ABC qui participent Ă l’Initiative pro bono pour l’Afghanistan, la majoritĂ© des Afghans qui ont fui vers des pays voisins (le Pakistan et l’Inde principalement) rencontrent des obstacles sĂ©rieux, dont des temps d’attente de plusieurs annĂ©es, qui les empĂŞchent d’obtenir le statut officiel de rĂ©fugiĂ© dans la plupart des cas.
La lettre au ministre Fraser cite des reportages qui rapportent notamment que le HCR et les ambassades du Canada où ils se retrouvent se renvoient la balle et que les Afghans doivent escalader des murs bureaucratiques avec très peu de ressources à leur disposition.
« Bien que les SEP ne soient pas assujettis Ă l’exigence du statut officiel de rĂ©fugiĂ© pour les personnes dĂ©placĂ©es qu’ils souhaitent parrainer, ils sont limitĂ©s dans l’aide qu’ils peuvent leur apporter au Canada pour au moins 12 mois », souligne la section. Sans compter qu’Immigration, RĂ©fugiĂ©s et CitoyennetĂ© Canada limite le nombre de demandes de parrainage que les SEP peuvent prĂ©senter chaque annĂ©e.
La solution pour rĂ©installer le plus grand nombre possible d’Afghans vulnĂ©rables au Canada rĂ©side dans l’augmentation du nombre de groupes de cinq et de rĂ©pondants communautaires, qui peuvent ĂŞtre constituĂ©s rapidement. Mais pour cela, il faut d’abord que l’exigence du statut officiel de rĂ©fugiĂ© soit suspendue.
La section recommande par consĂ©quent au ministère « de reconnaĂ®tre les Afghans dĂ©placĂ©s comme des rĂ©fugiĂ©s prĂ©sumĂ©s et de renoncer Ă l’exigence du statut officiel de rĂ©fugiĂ© dans le cadre du parrainage privĂ© offert par les rĂ©pondants communautaires et les groupes de cinq ». Un mĂ©canisme juridique est dĂ©jĂ prĂ©vu Ă cette fin Ă l’article 25.2 de la Loi sur l’immigration et la protection des rĂ©fugiĂ©s, et il a Ă©tĂ© utilisĂ© aussi rĂ©cemment qu’en 2015 et 2016 pour faciliter la rĂ©installation des rĂ©fugiĂ©s syriens et irakiens au Canada.
« Au moment d’Ă©crire ces lignes, en novembre 2021, seuls 400 Afghans dont le statut de rĂ©fugiĂ© a Ă©tĂ© reconnu par le HCR ou par un État Ă©tranger ont pu ĂŞtre admis au Canada dans le cadre du programme humanitaire actuel, fait valoir la lettre de l’ABC. Il est peu probable que le Canada arrive Ă respecter son engagement d’accueillir 40 000 Afghans Ă risque d’ici 2023, Ă moins qu’il n’adopte une politique spĂ©ciale en vertu de l’article 25.2 de la LIPR et renonce aux plafonds de parrainage. »