Les tribunaux seront toujours nĂ©cessaires et positionnĂ©s de bon droit au centre de notre système judiciaire. Cependant, si les rĂ©percussions de la pandĂ©mie de COVID-19 nous ont appris quelque chose, c’est que nous devons trouver un moyen de recourir Ă leurs services moins souvent.
C’est ce qui forme la base des travaux de divers groupes d’intervenants qui Ă©tudient les rĂ©percussions de la pandĂ©mie sur le système judiciaire canadien et sur la profession juridique, et qui envisagent une nouvelle façon de travailler Ă l’avenir. Parmi eux figure le groupe de travail de l’ABC sur la COVID-19 et le ComitĂ© national d'action sur l'accès Ă la justice en matière civile et familiale.
Ce message n’est pas nouveau, selon Patricia Hebert, c.r., qui exerce le droit de la famille dans le cabinet Bruyer & Mackay Ă Edmonton. MaĂ®tre Hebert siège comme reprĂ©sentante de l’ABC au ComitĂ© national d'action qui a publiĂ© son document intitulĂ© Une feuille de route pour le changement en 2013. Elle Ă©tait membre du ComitĂ© sur l’Accès Ă la justice de l’ABC lorsqu’il a publiĂ© son rapport Justice pour tous la mĂŞme annĂ©e.
« Ces rapports n’ont rien perdu de leur pertinence », a dit Patricia Hebert dans une entrevue. Tous deux expriment le mĂŞme point principal, Ă savoir que les clients, donc les utilisateurs, doivent ĂŞtre au centre du système. Il doit rĂ©pondre Ă leurs attentes et Ă leurs besoins.
« Les utilisateurs veulent que leurs problèmes soient rĂ©glĂ©s. L’accès Ă la justice ne signifie pas l’accès aux tribunaux. Si le règlement d’un litige peut avoir lieu au moyen d’un processus communautaire Ă la fois efficacement et rapidement, il s’agit alors de la solution prĂ©fĂ©rable. »
« Pendant que les gens attendent les dĂ©cisions des tribunaux, il n’est pas rare que leurs problèmes s’aggravent. Si nous pouvons trouver des moyens d’amener les gens Ă rĂ©gler leurs problèmes plus tĂ´t, nous savons que cela aura des effets sur toute la communautĂ©. Cela Ă©conomise des sommes ainsi que des frustrations incalculables. »
MaĂ®tre Hebert, mĂ©diatrice agrĂ©Ă©e qui exerce principalement dans le domaine du règlement des diffĂ©rends, est tout Ă fait convaincue du pouvoir de la collaboration pour atteindre les meilleurs rĂ©sultats. Dans un exposĂ© prĂ©sentĂ© au Groupe de travail de l’ABC sur les enjeux liĂ©s Ă la justice soulevĂ©s par la COVID-19, elle a dit espĂ©rer que le groupe et le ComitĂ© national d’action pourront collaborer pour envisager les meilleurs moyens de nĂ©gocier le virage vers la nouvelle rĂ©alitĂ©.
Le ComitĂ© national d’action a commencĂ© Ă dresser un inventaire d’innovations qui ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es Ă divers Ă©chelons dans l’ensemble du pays afin d’obtenir une optique nationale de ce qui fonctionne. C’est un domaine dans lesquels les groupes peuvent mettre des renseignements en commun pour peut-ĂŞtre crĂ©er un guide des pratiques exemplaires, dit-elle. Il y aura Ă©galement maintes autres occasions d’Ă©changes mutuels productifs.
« Les tribunaux doivent fonctionner et reprendre leurs activitĂ©s efficacement. Cependant, il est encore plus important de s’assurer que les gens peuvent se rendre ailleurs qu’au palais de justice lorsque ses portes sont fermĂ©es », a-t-elle dit aux membres du groupe de travail.
La technologie a fourni une solution provisoire nĂ©cessaire pour remĂ©dier Ă ces portes fermĂ©es, par exemple en rĂ©duisant ou en Ă©liminant l’exigence de prĂ©sence en personne et de documents imprimĂ©s , ce qui Ă©conomise temps et argent, sans compter des forĂŞts entières, et en fournissant une plateforme pour les audiences Ă distance. Cependant, cela ne peut pas ĂŞtre la seule rĂ©ponse si l’on tient compte entièrement des besoins de toutes les personnes qui ont recours aux tribunaux.
« Nous avons dĂ©sormais un certain accès en ligne aux tribunaux et c’est très bien, mais pour les gens rĂ©ellement marginalisĂ©s, il est difficile de savoir comment accĂ©der Ă ces audiences virtuelles, voire Ă avoir accès Ă un ordinateur. Un grand nombre de personnes marginalisĂ©es se rendent dans les bibliothèques pour utiliser les ordinateurs, mais celles-ci ont Ă©tĂ© fermĂ©es pendant la pandĂ©mie de COVID-19. Alors, que peuvent-elles faire? Nous ne pouvons pas tout simplement les laisser pour compte. »
Le système judiciaire, et la profession juridique, doivent s’efforcer de crĂ©er des possibilitĂ©s de règlement fondĂ©es dans la communautĂ©, lĂ oĂą les conseils et les interventions juridiques sont disponibles au besoin. Cependant, une rĂ©solution appropriĂ©e dĂ©pend de chaque utilisateur. Cela signifie que si les juristes peuvent s’effacer, ils devraient le faire. Quelles que soient les solutions choisies par ces groupes qui se penchent en ce moment sur le problème, elles devront ĂŞtre axĂ©es sur les besoins des clients.
« Les juristes n’ont rien Ă perdre. Si nous devons nous trouver un emploi diffĂ©rent parce que nous avons rĂ©solu les problèmes, je serai la première Ă chercher. Je m’orienterai vers l’immobilier. »
Portant un regard sur les quelques derniers mois et sur la façon dont le système judiciaire et la profession juridique se sont dĂ©jĂ adaptĂ©s aux mesures de distanciation sociale mises en place pour combattre la pandĂ©mie, MaĂ®tre Hebert dit qu’elle « a adorĂ© l’idĂ©e que nous pouvons regarder quelque chose et dire “avons-nous vraiment besoin de nous rencontrer et d’utiliser nos ressources de cette façon?”. »
Elle fait remarquer qu’avant la pandĂ©mie, personne dans nos tribunaux en manque de personnel et en manque de fonds n’avait la capacitĂ© supplĂ©mentaire pour concevoir des manières plus efficientes de faire les choses ou de les mettre en Ĺ“uvre. La pandĂ©mie a forcĂ© les tribunaux Ă repenser leurs processus, et leur a accordĂ© le temps nĂ©cessaire pour le faire.
« Il y a certaines choses auxquelles nous n’avons pas besoin de retourner ou continuer Ă faire de la mĂŞme façon. Nous n’allons pas reprendre les anciens processus, sauf si nous choisissons de le faire parce qu’ils sont la solution la plus adaptĂ©e pour un accès et des rĂ©sultats les meilleurs possibles. »