Des pratiques commerciales susceptibles d’ĂŞtre considĂ©rĂ©es comme anti-concurrentielles en temps normal pourraient ĂŞtre exactement ce dont on a besoin en temps de pandĂ©mie, tout comme la collaboration entre concurrents pourrait s’avĂ©rer nĂ©cessaire pour garder les chaĂ®nes d’approvisionnement essentiel ouvertes.
Ă€ cette fin, la Section du droit de la concurrence a Ă©crit au ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie (ISI) et au commissaire de la concurrence pour leur faire parvenir des suggestions constructives sur la meilleure façon de s’y prendre.
Dans la lettre du 9 avril [en anglais seulement] qu’elle a adressĂ©e au ministre de l’ISI, M. Navdeep Bains, la Section exhorte ce dernier Ă modifier la Loi sur la concurrence afin de lui permettre de soustraire Ă l’application de la loi certaines ententes et fusions entre concurrents, lorsque celles-ci sont conclues pour des motifs d’intĂ©rĂŞt public en rĂ©ponse Ă la pandĂ©mie.
[TRADUCTION] « Dans le contexte actuel, nous croyons que des mesures urgentes s’imposent afin de s’assurer que la Loi sur la concurrence n’a pas d’effet paralysant sur la capacitĂ© des entreprises de fournir des produits et des services qui rĂ©pondent aux besoins des Canadiens », observe la Section. « Alors que la situation d’urgence provoquĂ©e par la COVID-19 s’accentue et s’allonge, il existe un risque bien rĂ©el que les chaĂ®nes d’approvisionnement ne fournissent plus, que les entreprises fassent faillite et que les produits et services essentiels ne soient plus disponibles. »
La Section a Ă©galement fait part au commissaire de la concurrence des prĂ©occupations concernant la dĂ©claration du 8 avril dans laquelle le Bureau de la concurrence explique son approche Ă l’Ă©gard de la collaboration entre concurrents durant la crise. La Section est d’avis que certains Ă©lĂ©ments du contenu de la dĂ©claration pourraient limiter les collaborations entre concurrents motivĂ©s par le « dĂ©sir d’apporter leur contribution Ă la rĂ©ponse Ă la crise ».
Par exemple, il se pourrait que le message envoyĂ© par le Bureau soit contradictoire au sujet de la flexibilitĂ© dont il fera preuve, puisqu’il souligne Ă©galement qu’il n’aura aucune tolĂ©rance envers toute tentative d’abuser de cette flexibilitĂ© en vue de dissimuler un comportement non nĂ©cessaire qui enfreindrait la Loi sur la concurrence. [TRADUCTION] « Nous recommandons que l’expression “aucune tolĂ©rance” soit strictement rĂ©servĂ©e aux leurres qui ne seraient pas des tentatives lĂ©gitimes de rĂ©soudre des enjeux liĂ©s Ă la COVID-19. Le Bureau devrait Ă©galement prĂ©ciser qu’il n’aura pas recours Ă son pouvoir discrĂ©tionnaire de traiter comme criminelle une conduite qui outrepasserait ce qu’il considère comme absolument nĂ©cessaire pour rĂ©soudre l’enjeu liĂ© Ă la COVID-10 qui a motivĂ© cette conduite. »
Quelques modifications dans la formulation permettraient en outre de clarifier les intentions du Bureau quant Ă l’exercice de son pouvoir discrĂ©tionnaire. Par exemple, la Section suggère d’utiliser la formule « le Bureau s’abstiendra d’exercer un contrĂ´le » dans certaines situations plutĂ´t que « le Bureau s’abstiendra gĂ©nĂ©ralement d’exercer un contrĂ´le ».
Il y a en outre la question de savoir Ă quel point cette dĂ©claration sera contraignante, Ă©tant donnĂ© que le Bureau qualifie d’« informelle » son orientation sur la collaboration liĂ©e Ă la COVID-19.
[TRADUCTION] « Pour certains, cela laisse entendre que cette orientation n’aura aucune force exĂ©cutoire (mĂŞme pour le commissaire). Puisqu’enfreindre l’article 45 constitue un acte criminel grave, plusieurs entreprises auront besoin d’ĂŞtre rassurĂ©es davantage sur le fait qu’elles ne feront pas l’objet de poursuites criminelles. »
La Section note quelques autres préoccupations, dont les suivantes :
- L’incertitude entourant l’exigence de « bonne foi »
- Les délais de réponse du Bureau
- La question de savoir si le processus du Bureau pourra ĂŞtre utilisĂ© de façon anonyme par l’intermĂ©diaire d’un avocat indĂ©pendant
- Des prĂ©occupations Ă l’Ă©gard de la confidentialitĂ©
- Un risque accru de recours privés