Loin d’ĂŞtre considĂ©rĂ©e comme Ă©tant anachronique, la tradition sĂ©culaire du port de la toge par les juristes lorsqu’ils comparaissent en cour est vue de nos jours comme le meilleur moyen de promouvoir l’Ă©galitĂ©, obligeant Ă Ă©couter ce que disent les juristes au lieu de s’appesantir sur la tenue qu’ils portent. Toutefois, les règles actuelles en rendent certains plus Ă©gaux que d’autres.
Pour les personnes qui ne peuvent pas revĂŞtir la « toge d’Ă©galitĂ© » pour des raisons telles qu’une grossesse ou leur situation personnelle, qu’il s’agisse d’une incapacitĂ© ou d’un problème de santĂ©, il existe bien de l’incertitude quant Ă ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. De plus, il n’est pas toujours clair Ă qui il faut s’adresser pour expliquer pourquoi elles doivent modifier leur tenue, et Ă quel moment cela doit ĂŞtre fait.
Selon les lignes directrices propres Ă chaque cour en la matière (s’il existe mĂŞme des directives), les juristes ne peuvent pas toujours le faire en toute discrĂ©tion. Pour certains juristes, l’absence de souplesse des lignes directrices vestimentaires pourrait constituer un obstacle Ă leur comparution mĂŞme.
En 2016, l’ABC a adoptĂ© une rĂ©solution exhortant les cours canadiennes Ă adopter des règles de pratique autorisant les juristes Ă modifier leur tenue vestimentaire traditionnellement exigĂ©e pour comparaĂ®tre, le cas Ă©chĂ©ant lors d’une grossesse, et Ă offrir un processus adĂ©quat pour informer la cour de la prise de ces mesures. Depuis lors, un bon nombre de cours canadiennes ont modifiĂ© leurs règles quant Ă la tenue vestimentaire.
Au moyen de lettres rĂ©cemment adressĂ©es Ă la Cour suprĂŞme du Canada, Ă la Cour fĂ©dĂ©rale, Ă la Cour d’appel fĂ©dĂ©rale et Ă la Cour canadienne de l’impĂ´t, le Forum des avocates de l’ABC continue Ă exercer des pressions pour obtenir une plus grande clartĂ© et une souplesse accrue des lignes directrices en matière de tenue vestimentaire, cherchant Ă les ouvrir Ă des situations personnelles autres que la grossesse.
La Cour fĂ©dĂ©rale et la Cour d’appel fĂ©dĂ©rale possèdent toutes deux des politiques en matière vestimentaire qui autorisent des modifications en cas de grossesse Ă condition que les vĂŞtements modifiĂ©s soient de couleur sombre et respectent le dĂ©corum. Les lignes directrices exhortent les avocates Ă informer le registraire, avant le dĂ©but de l’audience, du fait qu’elles vont porter une tenue modifiĂ©e. La politique de la Cour fĂ©dĂ©rale renferme de plus vastes exemptions qui visent d’autres circonstances personnelles. Le Forum des avocates et le ComitĂ© de liaison entre la magistrature des Cours fĂ©dĂ©rales et le barreau proposent Ă la Cour d’appel fĂ©dĂ©rale [TRADUCTION] « d’assouplir ses règles un peu plus pour tenir compte de situations personnelles […] telles qu’un problème de santĂ© ou des incapacitĂ©s ». Ils ajoutent que les politiques des cours devraient indiquer expressĂ©ment que les juristes ne seront pas tenus de parler de leur tenue ou des motifs de sa modification lors de l’audience publique.
La Cour canadienne de l’impĂ´t, quant Ă elle, ne prĂ©voit aucune exemption visant les cas dans lesquels une situation particulière pourrait empĂŞcher un juriste de porter la tenue prĂ©vue.
[TRADUCTION] « Cela a pour effet d’exclure les juristes qui ne comptent pas sur l’aide de mentors de confiance chevronnĂ©s pour s’informer de la tenue adĂ©quate Ă porter dans le cas d’une grossesse, d’un problème de santĂ© ou d’une incapacitĂ© », Ă©crivent le Forum des avocates et le ComitĂ© de liaison de la Cour canadienne de l’impĂ´t. « Une exemption manifeste pour toute personne nĂ©cessitant plus de flexibilitĂ© lors d’une comparution envoie un message clair d’inclusion. Les juristes qui doivent dĂ©roger aux exigences traditionnelles sauraient que la cour les accepte. »
Le Forum des avocates a Ă©laborĂ© un modèle de lignes directrices en matière vestimentaire Ă l’intention des cours, affirmant que toute ligne directrice dans ce domaine devrait comporter les quatre Ă©lĂ©ments suivants :
- une exemption explicite pour certaines situations personnelles,
- une exigence selon laquelle la tenue modifiée doit respecter le décorum,
- une exigence selon laquelle les juristes sont tenus d’informer la cour de la modification de la tenue vestimentaire,
- une procĂ©dure qui permet aux juristes d’informer la cour en privĂ© et non au moment de l’audience, sans que cela n’apparaisse au dossier.
« Nous croyons que si elles comportent ces Ă©lĂ©ments, les directives seront claires, inclusives et instructives. Grâce Ă ce document d’orientation, les cours et les juristes connaĂ®tront la marche Ă suivre en cas de modification de la tenue en raison d’une situation personnelle », Ă©crivent le Forum des avocates et les comitĂ©s de liaison.
« Les modifications proposĂ©es amĂ©lioreront aussi l’accessibilitĂ© des cours et dĂ©montreront que la profession juridique et le système judiciaire peuvent agir de façon proactive pour favoriser l’inclusivitĂ©. »