La Cour suprĂŞme n’a laissĂ© aucune possibilitĂ© de doute dans des arrĂŞts successifs au sujet de la nĂ©cessitĂ© de protĂ©ger le secret professionnel de l’avocat, et du fait que tout gouvernement qui souhaite l’abroger, l’Ă©carter ou y porter atteinte doit faire preuve d’une intention lĂ©gislative claire et sans Ă©quivoque de le faire.
L’ABC affirme cela dans une lettre (disponible uniquement en anglais) adressĂ©e au ministère de la Justice de l’ĂŽle-du-Prince-Édouard, rĂ©pondant au nom de sa division pour cette province et de son Sous-comitĂ© de dĂ©ontologie, Ă des documents de consultation publiĂ©s par la province dans le cadre de ses efforts pour moderniser la loi sur la libertĂ© de l’information et la protection de la vie privĂ©e (Freedom of Information and Protection of Privacy Act) de l’ĂŽ.-P.-É. L’ABC rĂ©pondait plus prĂ©cisĂ©ment aux questions connexes au secret professionnel dans le contexte de la lĂ©gislation sur l’accès Ă l’information et la vie privĂ©e.
L’ABC qui, en plus de 20 ans, a comparu devant la Cour suprĂŞme du Canada dans le cadre de plusieurs pourvois portant sur le secret professionnel, a prĂ©sentĂ© le mĂŞme argument (uniquement en anglais) en rĂ©ponse Ă une initiative similaire du gouvernement fĂ©dĂ©ral.
Dans les deux cas, l’ABC affirme que les commissaires Ă la vie privĂ©e respectifs ne devraient pas obtenir l’accès, en vertu de la Loi, Ă des documents protĂ©gĂ©s par le secret professionnel.
Le secret professionnel ne peut pas ĂŞtre simplement revendiquĂ© sans qu’aucune suite ne soit donnĂ©e, affirme l’ABC. Alors que le cadre dirigeant d’une instance gouvernementale jouit du pouvoir discrĂ©tionnaire de divulguer des renseignements confidentiels, l’utilisation de ce pouvoir doit ĂŞtre faite au regard de plusieurs facteurs, dont l’intĂ©rĂŞt public. Le secret doit ĂŞtre revendiquĂ© pour chaque document, et ĂŞtre justifiĂ© de façon dĂ©taillĂ©e.
[TRADUCTION] « Dans le contexte d’un litige, le secret professionnel est gĂ©nĂ©ralement dĂ©montrĂ© au moyen du dĂ©pĂ´t d’un affidavit indiquant la date, la nature du document, l’auteur et le destinataire », dit la lettre. [TRADUCTION] « Il est rarissime qu’un juge examine les documents visĂ©s par la revendication du secret afin d’Ă©valuer l’application dudit secret. »
Les juges tranchent les questions de façon indĂ©pendante et impartiale, alors que l’arrĂŞt rendu par la Cour suprĂŞme du Canada dans l’affaire UniversitĂ© de Calgary Ă©tablit que ce n’est pas le cas des commissaires Ă l’information et Ă la vie privĂ©e.
[…] [I]l convient de signaler que le commissaire n’est pas un dĂ©cideur impartial au mĂŞme titre qu’une cour de justice. La FOIPP lui attribue Ă la fois une fonction juridictionnelle et un pouvoir d’enquĂŞte. Contrairement Ă une cour de justice, le commissaire peut avoir des intĂ©rĂŞts opposĂ©s Ă ceux de l’organisme public.
Obliger les parties Ă divulguer au commissaire des documents qui contiennent des renseignements tombant sous le coup du secret professionnel, mĂŞme aux fins de vĂ©rification de la revendication du secret, constitue [TRADUCTION] « une grave intrusion dans le secret professionnel de l’avocat. La divulgation forcĂ©e Ă une partie pouvant ĂŞtre opposĂ©e est d’autant plus grave. »
L’arrĂŞt UniversitĂ© de Calgary a autorisĂ© le fait qu’une disposition lĂ©gislative puisse lever le secret professionnel. Cependant, son libellĂ© doit ĂŞtre clair et sans Ă©quivoque. En outre, la lĂ©gislation doit [traduction] « satisfaire Ă un examen rigoureux qui est absolument essentiel pour atteindre les objectifs de la lĂ©gislation, gĂ©nĂ©ralement dĂ©crite comme une mesure de dernier recours », affirme l’ABC. [TRADUCTION] « L’approche adoptĂ©e doit minimiser l’effet prĂ©judiciable ou les atteintes au droit substantiel . Des mesures de protection doivent ĂŞtre mises en place. »
Le secret professionnel de l’avocat est un Ă©lĂ©ment fondamental du fonctionnement du système judiciaire canadien, car il permet aux clients de parler librement Ă leurs reprĂ©sentants. En son absence, les clients pourraient Ă©viter de rechercher des conseils juridiques qui leur sont nĂ©cessaires ou limiter les renseignements qu’ils fournissent, ce qui pourrait diminuer la qualitĂ© des conseils qu’ils reçoivent. Pis encore, particulièrement dans le cas d’une institution gouvernementale, cela pourrait se traduire par la recherche et l’obtention de conseil en l’absence de toute trace Ă©crite.
[TRADUCTION] « Ă€ notre avis, la question de politique Ă rĂ©gler n’est pas celle de savoir quel est le libellĂ© lĂ©gislatif qui accordera ce pouvoir au commissaire », conclut l’ABC, « mais bien celle de savoir si c’est absolument nĂ©cessaire Ă l’application de la lĂ©gislation sur la protection de la libertĂ© d’information et de la vie privĂ©e (FOIPP Act). Ce qui, Ă notre avis, n’est pas le cas. »