La profession juridique va devoir augmenter la pression pour protéger le secret professionnel si on en croit la plus récente communication de la ministre fédérale de la Justice.
Sept mois après avoir rencontrĂ© une dĂ©lĂ©gation dont faisaient partie des reprĂ©sentants de la FĂ©dĂ©ration des ordres professionnels de juristes du Canada et de l’ABC, et six mois après avoir reçu un mĂ©moire rĂ©digĂ© par l’ABC au sujet du projet de loi C-58, la ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, a poliment fait part de son dĂ©saccord avec la position de l’ABC Ă sa prĂ©sidente, Kerry Simmons c.r., concernant le secret professionnel de l’avocat.
Les articles 15 et 50 qui figurent dans les propositions de modification de la Loi sur l'accès Ă l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels permettraient aux commissaires Ă l’information et Ă la protection de la vie privĂ©e d’examiner des documents que le responsable d’une institution gouvernementale refuse de divulguer parce qu’ils sont protĂ©gĂ©s par le secret professionnel, ou par le privilège relatif au litige.
L’argument de l’ABC, prĂ©sentĂ© dans un mĂ©moire (disponible uniquement en anglais) adressĂ© Ă la ministre de la Justice en dĂ©cembre, puis au SĂ©nat en mai, remet en cause ces modifications au motif qu’elles se bornent Ă ajouter la mention du secret professionnel dans la lĂ©gislation sans 1) reconnaĂ®tre que le secret est un droit substantiel et un principe de justice fondamentale jouissant d’une protection rigoureuse, ni 2) justifier la nĂ©cessitĂ© absolue d’autoriser le commissaire Ă examiner les dossiers couverts par le secret professionnel, ni 3) fournir des protections appropriĂ©es pour veiller Ă ce que les dossiers sous le sceau du secret ne soient pas divulguĂ©s d’une façon qui compromette le droit substantiel.
Le mĂ©moire cite des dĂ©cisions de la Cour suprĂŞme qui Ă©noncent que la lĂ©gislation visant Ă lever le voile du secret doit ĂŞtre « claire et non Ă©quivoque », et soutient que les articles proposĂ©s ne satisfont pas Ă cette norme.
[TRADUCTION] « La rĂ©ponse donnĂ©e par la ministre Ă notre mĂ©moire nous déçoit. Cependant, la question est trop importante pour en rester lĂ », a dit la prĂ©sidente de l’ABC. « Nous Ă©crivons pour tenter de persuader son gouvernement de la nĂ©cessitĂ© de rĂ©Ă©tudier la lĂ©gislation proposĂ©e pour mieux l’harmoniser avec la jurisprudence Ă©tablie et pour envisager plus Ă fond les graves rĂ©percussions qu’aura le projet de loi s’il est promulguĂ©. »
Entre autres, le fait d’accorder de tels pouvoirs aux commissaires Ă l’information et Ă la vie privĂ©e pour lever le voile du secret pourrait avoir un effet paralysant sur les consultations entre avocats et clients ou conduire Ă une consignation incorrecte de certains Ă©lĂ©ments. En outre, ajoute l’ABC, contrairement aux juges, les commissaires Ă l’information et Ă la protection de la vie privĂ©e ne sont pas des arbitres impartiaux, car ils pourraient ĂŞtre tenus de comparaĂ®tre devant les tribunaux face Ă des parties dont ils auraient pu avoir la possibilitĂ© de consulter les communications.