Santé mentale dans la profession juridique : posons-nous les bonnes questions?

Le 6 avril 2019, l’Association du Barreau canadien a accueilli sa toute première conférence sur la santé et le mieux-être au Centre Shaw à Ottawa. La conférence a proposé un tour d’horizon complet de certaines des questions les plus pressantes auxquelles est confrontée notre profession, en couvrant des sujets tels que les ressources basées sur la technologie pour la promotion de la santé mentale, les façons de faire face aux préjugés portant sur les maladies mentales, la réduction des risques de traumatisme secondaire et d’usure de compassion, et l’état des dépendances chez les juristes.

Alors que j’écoutais les exposés et les discussions informelles qui ont eu lieu au cours de la journée, j’ai souvent pensé, ou plutôt je me suis demandé : « Posons-nous les bonnes questions? » Je défends ardemment la prise de décisions fondée sur des faits avérés. Je pense que pour créer des solutions, nous devons comprendre le problème à fond. Par conséquent, que savons-nous des difficultés vécues par les juristes au Canada en matière de santé mentale?

Nous savons tout d’abord que les juristes font partie des trois catégories de professionnels qui font le plus souvent face à des questions de dépendances, aux côtés des médecins et des policiers. Nous savons qu’approximativement 58 % des juristes au Canada ont vécu un stress important et un épuisement professionnel, 48 % ont fait face à l’anxiété et 26 % ont composé avec la dépression. Nous savons en outre que les juristes perçoivent le stress, l’épuisement professionnel, l’anxiété et la dépression comme faisant partie des enjeux majeurs auxquels est confrontée notre profession. Par ailleurs, nous savons que ces renseignements proviennent d’un sondage réalisé en 2012 et que seules certaines personnes choisissent de répondre aux sondages, et que d’autres n’y répondent pas en toute franchise. À la lumière de ces points, il est difficile d’affirmer que nous avons aujourd’hui une vue véritablement objective et complète de l’état de du mieux-être au sein de notre profession.

Alors que ces renseignements constituent un point de départ incroyablement important, je ne pense pas qu’ils nous suffisent pour prendre des décisions en connaissance de cause concernant les mesures les plus adaptées que nous devrions prendre pour relever ce défi et améliorer le mieux-être des juristes au Canada. Alors que je ne suis pas experte en recherche et que je ne possède aucune compétence en matière de collecte et d’analyse de données, je pense que nous devons poser plus de questions et que nous devons nous assurer qu’elles produiront les réponses dont nous avons besoin pour élaborer une stratégie ou une approche ciblée pour améliorer la santé et le mieux-être dans la profession. Si nous avons les ressources pour faire passer un autre sondage aux juristes, je pense que nous devrions aussi poser des questions concernant les domaines suivants.

• Données démographiques ventilées. L’élaboration de solutions passe nécessairement par la compréhension de la démographie du bien-être mental. Nous devons mieux comprendre la manière dont la santé mentale touche les jeunes juristes, les juristes appartenant à des minorités ethniques, les juristes de la communauté LGBTQ2IS et les juristes autochtones, entre autres acteurs de la profession. Nous devons savoir si certaines tranches de population courent plus de risques de se voir confrontées à des difficultés particulières en matière de santé mentale, le cas échéant.
• Capacité existante pour améliorer le mieux-être. Les juristes sont intelligents et résilients. Ils vont mettre en œuvre leurs propres mécanismes pour faire face et trouver leurs propres ressources et soutiens lorsque se présentent les difficultés, allant parfois les trouver hors de la communauté juridique. On pourrait s’appuyer sur la connaissance que nous avons des stratégies et mécanismes déjà utilisés par les juristes pour soutenir et maintenir leur mieux-être afin de déterminer de nouvelles approches et solutions qui seront adaptées à notre profession dans son ensemble.

Il est essentiel pour l’avancement de cette question que nous nous interrogions sans cesse sur ce que devraient être les prochaines étapes.

Je souhaite souligner les très importants travaux réalisés lors de la Conférence sur la santé et le mieux-être. Les membres des groupes de discussion étaient exceptionnels et le contenu de la conférence, excellent. Les représentants du Programme d’aide aux juristes ont poursuivi leurs travaux vitaux et ont toujours démontré leur engagement envers l’amélioration du mieux-être au sein de la profession lors de chacune des tables rondes auxquelles j’ai eu le plaisir d’assister.

Enfin, je remercie sincèrement l’Association du Barreau canadien pour son rôle de chef de file dans le domaine de la santé mentale au sein de la profession juridique et pour son fidèle appui envers la participation des jeunes juristes à ces importantes conversations.

P.-S. Je remercie en outre Pooja Chugh, représentante du PAJ des Territoires du Nord-Ouest qui a fait danser toute l’assistance à « Applebottom Jeans ». C’est une expérience dont je ne savais pas qu’elle manquait à mon palmarès, mais que je suis vraiment heureuse de l’y avoir ajoutée.

Candice Ashley Pollack est directrice générale de Hub APPTA et membre à titre particulier de la Section des jeunes juristes de l’ABC.