La maladie mentale peut affecter n’importe qui. Nous devons oublier la honte et le stigmate social, ĂŞtre honnĂŞtes avec nous-mĂŞmes et accepter qu’aucun d’entre nous n’est Ă l’abri – et que les juristes y sont particulièrement vulnĂ©rables.
La maladie mentale, surtout la dĂ©pression et l’anxiĂ©tĂ©, est frĂ©quente dans notre profession. Les juristes sont 3,5 fois plus enclins Ă souffrir de dĂ©pression que la population gĂ©nĂ©rale, et six fois plus susceptible de commettre un suicide.
Depuis 2012, j’ai parlĂ© de santĂ© mentale Ă des milliers de juristes et d’Ă©tudiants et d’Ă©tudiantes en droit de partout au Canada, et je me suis entretenu en privĂ© avec plusieurs d’entre eux, qui m’ont racontĂ© ce qu’ils ont vĂ©cu. Ce que je retiens de ces conversations et des recherches que j’ai personnellement menĂ©es est que chaque histoire est diffĂ©rente. Chaque personne est confrontĂ©e Ă une expĂ©rience de cette nature pour des raisons diffĂ©rentes, mais le dĂ©nominateur commun est l’environnement qui règne dans les facultĂ©s et la pratique du droit. Il s’agit d’une profession noble. Une profession que j’ai pratiquĂ©e avec fiertĂ© pendant 23 ans. Toutefois, je comprends maintenant qu’elle comporte des risques qui doivent ĂŞtre abordĂ©s avec doigtĂ©.
Mon expĂ©rience avec la maladie mentale a commencĂ© il y a plusieurs annĂ©es. La genèse a Ă©tĂ© le dĂ©cès de ma femme. Du jour au lendemain, j’Ă©tais père monoparental. Je me suis remariĂ©, notre famille a grandi et j’ai montĂ© un cabinet de juristes. Mais mon incapacitĂ© Ă affronter cette perte, combinĂ©e avec les pressions de la vie et de la pratique professionnelle, m’a fait sombrer peu Ă peu dans la dĂ©pression. Cependant, ce n’est pas avant de frĂ´ler le suicide que j’ai finalement reconnu mon problème.
Les gens qui m’entouraient savaient que quelque chose clochait, mais ne comprenaient pas la cause. Ils m’ont incitĂ© Ă chercher de l’aide, ce que j’ai fini par faire. J’ai lentement pris du mieux grâce aux mĂ©dicaments, Ă la psychothĂ©rapie et au soutien de ma famille et de mes amis. En moins de deux ans, j’ai recouvrĂ© la santĂ©.
Mon histoire en est une d’espoir. J’ai survĂ©cu, je me suis remis sur pied et je suis passĂ© Ă autre chose. Je suis toujours ici pour ma famille et ma communautĂ©. Je n’ai ni souffert du stigmate social ni Ă©prouvĂ© de honte. Cette histoire pourrait ĂŞtre celle de n’importe qui.
Contrairement Ă presque toutes les autres maladies, la dernière personne Ă reconnaĂ®tre la prĂ©sence d’une maladie mentale est celle qui en souffre. Les analyses sanguines, les rayons X et les tomodensitogrammes ne permettent pas de diagnostiquer une maladie mentale. Pour la plupart des gens, il s’agit d’un processus subtil et graduel qui finit par changer leur vie, ou par y mettre fin s’ils ne la reconnaissent pas assez tĂ´t...
Le conseil que je donnerais Ă quiconque Ă©tudie Ă la facultĂ© de droit ou pratique le droit serait d’ĂŞtre vigilant, d’ĂŞtre honnĂŞte envers lui-mĂŞme et de se fier aux gens qui l’entourent lorsqu’ils lui font part de ce qu’ils observent. Obtenez de l’aide de votre mĂ©decin ou d’un psychologue, ou bien par l’entremise du programme d’aide aux juristes. Plus que tout, n’ayez pas honte et ne soyez pas gĂŞnĂ©. Lorsque je me prĂ©sente Ă des juristes, je demande Ă tous ceux et celles qui ont eu une maladie mentale ou qui ont connu quelqu’un qui en a souffert de lever la main. Chaque fois, toutes les mains se lèvent. Vous n’ĂŞtes pas seul. Vous ĂŞtes malade. Vous avez une maladie et vous pouvez vous en sortir. Les journĂ©es de honte et de stigmate doivent ĂŞtre relĂ©guĂ©es aux oubliettes. Je sais que c’est le cas pour moi.