L’honorable Rita-Jean Maxwell

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QUEL CHEMINEMENT VOUS A MENÉ AU MONDE DU DROIT ET À LA MAGISTRATURE?

Les expériences que j’ai vécues en grandissant dans une petite ville du nord-est du Nouveau-Brunswick ont façonné mes objectifs professionnels et ont contribué à jeter les bases de ma vie dans la fonction publique.

Mon père a immigré au Canada du Ghana, un pays d’Afrique occidentale, dans les années 1950. Avec ma mère, une Canadienne d’origine française et irlandaise, il s’est établi au Nouveau-Brunswick pour élever ses cinq filles et fonder un cabinet de médecine familiale. Nous étions la seule famille afro-canadienne de la communauté. Mes parents ont été confrontés à de nombreux défis, comme des préjugés raciaux, de la discrimination institutionnelle et systémique, et des ressources économiques limitées. Pourtant, leur engagement à servir notre communauté et à traiter tout le monde avec dignité et respect ne s’en est jamais ressenti. En prenant exemple d’eux, j’ai su très tôt que je voulais consacrer mon temps, ma passion et mon énergie à avoir une incidence positive sur la vie des gens.

L’attrait qu’exerçait sur moi le service public a bien servi de complément à ma passion pour les débats et la défense des droits. Depuis mon enfance, j’ai toujours été attirée par les débats animés entre spécialistes. J’ai été élevée dans une famille où le partage d’opinions et les discours ouverts faisaient partie de la vie quotidienne, peu importe votre âge ou l’étape à laquelle vous étiez dans votre vie. Cela a fini par se développer en un amour plus formel pour la défense des droits. Mes années de participation à des débats nationaux et internationaux et à des concours d’art oratoire ont renforcé mon désir de servir le public par le biais de la défense des droits.

Après mon admission au barreau, ma carrière n’a pas suivi un trajet particulièrement droit. J’ai pris des risques calculés et j’ai laissé mes intérêts et mon instinct me guider, ce qui m’a d’abord mené à Bay Street en tant qu’avocate plaidante en droit civil, puis au bureau du procureur de la Couronne, où j’ai occupé un poste d’avocate de première instance. Au cours des années qui ont suivi, je me suis consacré à d’autres domaines du droit. J’ai eu de merveilleuses expériences en droit pénal international et en droit de la personne à La Haye. J’ai fait du travail juridique bénévole éprouvant, mais extrêmement gratifiant avec l’initiative Innocence Project aux États-Unis. J’ai travaillé comme conseillère juridique à la Cour d’appel de l’Ontario. Ma carrière n’a peut-être pas été rectiligne, mais chaque étape m’a semblé sensée parce que chacune d’elles était significative et m’a donné des occasions d’apporter ma pierre à l’édifice. Il n’est pas toujours facile de sortir des sentiers battus, mais il vaut la peine de relever des défis nouveaux et intéressants.

QUELLE EXPÉRIENCE DE VOTRE CARRIÈRE JURIDIQUE VOUS A LE MIEUX PRÉPARÉ À VOTRE TRAVAIL AU SEIN DE LA MAGISTRATURE?

La diversité de mon expérience d’avocate plaidante m’a beaucoup apporté, ce qui a été inestimable dans ma préparation au rôle de juge. Le travail en première instance, que j’ai fait tout au long de ma carrière, m’a donné les outils et les connaissances requis pour gérer efficacement les procédures en première instance en tant que juge.

J’ai commencé ma carrière dans les litiges civils, traitant un éventail de questions, des litiges commerciaux aux affaires de faute médicale et de discipline professionnelle, en passant par des procédures de responsabilité des produits et de faillite.

Plus tard, à titre de procureure adjointe de la Couronne au bureau du procureur de la Couronne du centre-ville, j’ai acquis une expertise en droit pénal et en procédure criminelle. Mon travail de procureure adjointe de la Couronne m’a également fait prendre conscience des « lignes de faille » qui existent au sein du système de justice, des immenses défis qui surgissent lorsque les justiciables n’ont pas un accès suffisant à la justice et du rôle essentiel que jouent les tribunaux dans la protection des droits des accusés.

Lors de ma nomination à la Cour de justice de l’Ontario en 2017, j’ai vécu l’expérience du droit pénal à travers l’optique de personnes issues de tous les milieux, particulièrement lorsque j’ai présidé des cours spécialisées, comme la cour des peuples autochtones (tribunaux Gladue) et le tribunal de traitement de la toxicomanie.

L’expérience du droit pénal acquise à travers différentes lentilles a renforcé l’importance que j’accorde à l’écoute attentive, à l’ouverture d’esprit et à l’absence de jugement, ce qui est essentiel pour rendre justice et indispensable pour permettre à toutes les parties du système de justice d’être entendues. Ces valeurs sont ancrées dans mon raisonnement juridique de juge de première instance.

L’autre partie de mes antécédents juridiques qui m’a bien servi dans mon rôle de juge est mon amour de la recherche, de la rédaction et de l’étude du droit. J’ai toujours aimé décortiquer et analyser des problèmes complexes. Lors de mes études de premier cycle à Harvard, j’ai écrit une thèse dans le cadre de mon baccalauréat ès arts en histoire. Au début de ma carrière en droit, j’ai recherché des occasions de rédiger des travaux savants, y compris une thèse de maîtrise à Georgetown Law en droit international de la personne et en droit pénal, qui a été publiée dans un chapitre d’un recueil sur les crimes contre l’humanité, et dans mon travail à la Cour pénale internationale et à la Cour d’appel de l’Ontario, tous deux à titre de conseillère juridique.

Maintenant, en tant que juge, je continue d’analyser des questions juridiques complexes, essayant de résumer des questions ardues en raisons claires et compréhensibles pour les parties. Ce défi peut être intimidant, mais très satisfaisant. Je me considère comme une étudiante en droit pour la vie et j’apprends quelque chose de nouveau à chaque affaire que j’entends.

QUELS CONSEILS DONNERIEZ-VOUS AUX JURISTES QUI COMPARAISSENT DEVANT VOUS?

Les juristes les plus efficaces sont ceux qui sont bien préparés. Les avocats bien préparés sont en mesure d’expliquer leur cause et leurs arguments à la cour de façon claire et concise. Ils connaissent les points forts de leur dossier et sont capables d’amener le tribunal à porter son attention sur les éléments importants. Ils sont plus perspicaces dans leur plaidoyer, favorisant une série d’arguments triés sur le volet plutôt que d’en lancer une multitude dans l’espoir d’en trouver un qui produit les effets escomptés. Les juristes bien préparés reconnaissent la valeur des concessions sur des points qui ne sont pas contestés.

Il est également très important que le civisme dans la salle d’audience soit prioritaire pour tous les juristes, envers les autres juristes, les plaideurs, le personnel et la magistrature.

QUE SOUHAITEZ-VOUS QUE LE PUBLIC SACHE AU SUJET DU SYSTÈME DE JUSTICE?

J’aimerais que le public sache que la véritable valeur et la force de notre système de justice ne peuvent pas être mesurées par les résultats de cas individuels ou d’une histoire dans les médias, mais par la façon dont nous nous efforçons de protéger les droits individuels et d’assurer l’intégrité de notre processus en revoyant, en réévaluant, et en recalibrant constamment notre façon de rendre la justice. De nombreuses personnes travaillent d’arrache-pied, à tous les niveaux, dans une tentative d’atteindre les plus grands idéaux de notre système de justice.