L'honorable Karan Shaner
QUELLE EXPĂRIENCE DE VOTRE CARRIĂRE JURIDIQUE VOUS A LE MIEUX PRĂPARĂE Ă VOTRE TRAVAIL AU SEIN DE LA MAGISTRATURE?
En tant que juristes, nous servons des personnes de diverses origines culturelles, ethniques, Ă©conomiques et linguistiques. Nos expĂ©riences personnelles modĂšlent nos perceptions et, surtout, la façon dont nous traitons l’information. Les conseils de juristes ne sont utiles que si la personne Ă qui ils sont destinĂ©s les comprend et peut en tirer parti pour prendre une dĂ©cision Ă©clairĂ©e. Le mĂȘme principe s’applique aux procĂ©dures de la cour et aux jugements rendus. Nous devons nous assurer que les personnes impliquĂ©es comprennent la procĂ©dure et le motif de notre dĂ©cision. Cela signifie que nous devons ĂȘtre en mesure de dĂ©terminer si les personnes Ă qui nous nous adressons comprennent rĂ©ellement nos propos et d’adapter notre style de communication en consĂ©quence. J’ai appris Ă dĂ©celer les diffĂ©rences culturelles, les problĂšmes d’apprentissage et d’alphabĂ©tisation ainsi que les barriĂšres linguistiques, aussi subtiles soient-elles, et je modifie mon style de communication en fonction de chaque situation.
QUELS CONSEILS DONNERIEZ-VOUS AUX JURISTES QUI COMPARAISSENT DEVANT VOUS?
MĂȘme s’il peut vous sembler banal, mon conseil est le suivant : considĂ©rez la situation dans son ensemble, et assurez-vous que votre cliente ou votre client fait de mĂȘme. Avant de prendre une mesure pour un dossier, demandez-vous comment le geste que vous comptez poser, comme Ă©crire une lettre assez directe Ă l’intention des juristes de la partie adverse, prĂ©senter une requĂȘte ou Ă©laborer une argumentation, permettra de faire progresser le litige. Souvent, cela requiert une discussion franche avec la personne que vous reprĂ©sentez sur la façon de gĂ©rer le dossier, l’importance de se montrer raisonnable et flexible ainsi que les facteurs qui pourraient entraĂźner une rupture d’accord.
QUE SOUHAITEZ-VOUS QUE LE PUBLIC SACHE AU SUJET DU SYSTĂME DE JUSTICE?
J’aimerais que le public comprenne davantage que les dĂ©cisions que peuvent prendre les cours pĂ©nales sont limitĂ©es en cas de crime. Certes, priver de leur libertĂ© des personnes ayant contrevenu Ă la loi pourrait prĂ©venir de futurs comportements criminels, mais bon nombre de ces personnes se retrouvent devant les tribunaux en raison d’importantes Ă©preuves de vie non rĂ©solues, notamment les traumatismes intergĂ©nĂ©rationnels, la pauvretĂ©, la dĂ©pendance, les maladies mentales, le manque d’Ă©ducation et l’itinĂ©rance. Ces facteurs et leurs effets s’accumulent souvent tout au long de la vie d’une personne ayant contrevenu Ă la loi, et mĂȘme sur plusieurs gĂ©nĂ©rations. Les juges s’efforcent de dĂ©terminer une peine qui encouragera une personne Ă essayer d’obtenir l’aide dont elle a besoin, mais les outils dont nous disposons se limitent Ă la prison, Ă la probation ou Ă une combinaison des deux. La dĂ©termination de la peine n’est qu’un aspect d’un enjeu sur lequel la sociĂ©tĂ© dans son ensemble doit se pencher, c’est-Ă -dire les causes sous-jacentes des activitĂ©s criminelles.