L'honorable Julie Philippe

Hon-Julie-Philippe1.jpgQUEL CHEMINEMENT VOUS A MENÉ AU MONDE DU DROIT ET À LA MAGISTRATURE?

J’ai toujours su que je ferais un mĂ©tier oĂč le contact humain est central et qui est stimulant intellectuellement. Je me dirigeais initialement vers la psychologie et j’ai Ă©tĂ© inspirĂ©e au dernier moment par mon frĂšre, qui avait dĂ©butĂ© ses Ă©tudes en droit.

DĂšs mes premiers cours, j’ai tout de suite eu un coup de cƓur pour le droit. Je n’Ă©tais toutefois pas convaincue que j’aurais la force de plaider un jour et encore moins de devenir juge, alors que j’Ă©tais plutĂŽt de nature rĂ©servĂ©e et timide.

Le hasard a voulu que je sois appelĂ©e Ă  plaider dĂšs mon stage, plus que je ne l’avais anticipĂ©, ce qui m’a permis d’apprivoiser peu Ă  peu ce qui Ă©tait un peu contre nature pour moi.

J’ai eu ensuite une pratique trĂšs variĂ©e en litige, oĂč les questions complexes m’Ă©taient confiĂ©es, en plus de m’ĂȘtre Ă©galement impliquĂ©e dans diffĂ©rents projets, oĂč j’ai acquis des compĂ©tences me prĂ©parant pour la suite. J’ai eu la chance de croiser la route de certaines personnes qui ont cru en moi et qui m’ont suggĂ©rĂ© d’appliquer Ă  la magistrature. Je dirais que je suis restĂ©e ouverte aux opportunitĂ©s qui se sont prĂ©sentĂ©es au fil du temps, j’ai persĂ©vĂ©rĂ©, j’ai cru en ce rĂȘve et j’ai foncĂ©. J’ai eu le privilĂšge d’ĂȘtre nommĂ©e Ă  39 ans Ă  la Cour du QuĂ©bec et de devenir ainsi la premiĂšre femme autochtone nommĂ©e Ă  la magistrature au QuĂ©bec. J’y ai retrouvĂ© par le fait mĂȘme mon frĂšre, lui aussi nommĂ© juge quelques annĂ©es avant, celui-lĂ  mĂȘme qui m’avait inspirĂ©, au dĂ©part, Ă  faire des Ă©tudes en droit.

QUELLE EXPÉRIENCE DE VOTRE CARRIÈRE JURIDIQUE VOUS A LE MIEUX PRÉPARÉ À VOTRE TRAVAIL AU SEIN DE LA MAGISTRATURE?

J’ai eu une pratique trĂšs variĂ©e en litige au sein d’un cabinet privĂ©, ce qui a aiguisĂ© mes rĂ©flexes afin de me permettre de faire face Ă  presque tout ce qui pouvait se prĂ©senter Ă  moi en salle d’audience.

L’expĂ©rience qui m’a toutefois le mieux prĂ©parĂ©e Ă  faire la transition vers la magistrature a Ă©tĂ© le fait qu’en plus de ma pratique d’avocate, j’ai Ă©tĂ© appelĂ©e Ă  siĂ©ger comme commissaire aux libĂ©rations conditionnelles du Canada. J’ai occupĂ© cette fonction Ă  temps partiel pendant deux ans et demi avant ma nomination comme juge. Dans le cadre de ces fonctions, j’ai mis en pratique mes compĂ©tences afin de gĂ©rer des audiences et une clientĂšle parfois difficile, prendre des dĂ©cisions trĂšs importantes et les rĂ©diger.

Ce fut Ă©galement l’occasion pour moi de confirmer mon dĂ©sir d’occuper une charge de dĂ©cideur pour la suite de mon parcours. Cette expĂ©rience m’a permis d’ĂȘtre confiante quant Ă  ma dĂ©marche et de croire que je pouvais y arriver.

QUELS CONSEILS DONNERIEZ-VOUS AUX JURISTES QUI COMPARAISSENT DEVANT VOUS?

J’estime que les juristes occupent une place privilĂ©giĂ©e au sein de la sociĂ©tĂ© et qu’il faut ĂȘtre Ă  la hauteur de ce privilĂšge. Cela veut dire faire une bonne analyse de son dossier, arriver prĂ©parĂ© Ă  la cour, donner le meilleur pour prĂ©senter un dossier solide, tout en maintenant une Ă©thique de travail impeccable, tant envers la cour et le public qu’envers les collĂšgues.

Je crois Ă©normĂ©ment aux modes de prĂ©vention et de rĂšglement des diffĂ©rends. J’Ă©tais d’ailleurs mĂ©diatrice avant ma nomination et je prends un immense plaisir Ă  prĂ©sider des confĂ©rences de rĂšglement Ă  l’amiable et Ă  voir les parties trouver des solutions nĂ©gociĂ©es et satisfaisantes. Je rĂ©itĂšre l’importance de considĂ©rer des avenues diffĂ©rentes et de s’assurer d’avoir vidĂ© cette question en temps opportun avant d’avoir recours au processus traditionnel, qui demeure souvent plus long et coĂ»teux. Il arrive rĂ©guliĂšrement de voir des rĂ©sultats positifs ressortir d’une telle dĂ©marche, mĂȘme dans les dossiers oĂč les parties y croyaient peu au dĂ©part.

J’ajouterais qu’il ne faut pas hĂ©siter Ă  s’impliquer dans diverses initiatives au sein de la sociĂ©tĂ© pour faire une diffĂ©rence et d’apporter l’aide que nous pouvons aux causes dans lesquelles nous croyons, puisque nous pouvons faire une rĂ©elle diffĂ©rence avec nos connaissances de juristes, tout en y gagnant en connaissances et en expĂ©riences. Croire en soi et en ses rĂȘves. Faire ce que l’on aime, ce qui forcĂ©ment nous pousse Ă  se dĂ©passer et donner le meilleur de soi. Garder aussi un Ă©quilibre entre la vie personnelle et le travail : oui, c’est possible de rĂ©ussir les deux si on fait les bons choix.  

QUE SOUHAITEZ-VOUS QUE LE PUBLIC SACHE AU SUJET DU SYSTÈME DE JUSTICE?

Je suis convaincue qu’un systĂšme de justice fort et en lequel le public a confiance en est un qui reprĂ©sente tous et chacun des citoyens, donc forcĂ©ment constituĂ© de juristes provenant de tous les horizons et d’une magistrature diversifiĂ©e. En regardant autour de moi, je constate que la diversitĂ© est de plus en plus prĂ©sente et que des efforts concrets sont faits pour que ça se poursuive. J’espĂšre Ă  mon tour pouvoir inspirer, par mon parcours, d’autres personnes issues des communautĂ©s autochtones Ă  aller au bout de leurs rĂȘves.