L'honorable Audrey Ramsay

Justice-Audrey-Ramsay.jpgQUEL A ÉTÉ VOTRE CHEMINEMENT DANS LE MONDE DU DROIT ET DE LA MAGISTRATURE?

Mon histoire n’est en aucun cas unique et trouvera probablement Ă©cho dans de nombreuses familles d’immigrants de première gĂ©nĂ©ration. J’ai dit par le passĂ© que mon cheminement Ă  la magistrature a suivi un tracĂ© improbable. Alors que je pense de nouveau Ă  mon enfance et mon adolescence, je ne peux m’empĂŞcher d’en faire le bilan, de m’Ă©merveiller encore une fois et de reconnaĂ®tre que sans l’encouragement et le soutien d’innombrables personnes, je ne serais pas ici aujourd’hui. C’est une reconnaissance de l’importance de la famille, du mentorat et du parrainage.

Quand j’Ă©tais enfant, je suis arrivĂ©e d’un pays en dĂ©veloppement, j’ai connu des difficultĂ©s avec la langue, on m’a diagnostiquĂ© Ă  tort un trouble d’apprentissage et j’ai vĂ©cu de l’aide sociale dans des logements subventionnĂ©s avec cinq jeunes frères et sĹ“urs et une mère monoparentale. J’Ă©tais l’aĂ®nĂ©e, avec tout ce que cela impliquait. Ma grand-mère, orpheline elle-mĂŞme, et ma mère accordaient toutes deux une grande valeur Ă  deux choses : l’entraide et l’Ă©ducation. Avec ces prĂ©ceptes, et en dĂ©pit de nombreux dĂ©fis Ă  surmonter, j’ai toujours Ă©tĂ© clairement Ă©veillĂ© Ă  l’importance de l’Ă©ducation, quels que soient les dĂ©fis.

Étant la première de ma famille Ă  frĂ©quenter l’universitĂ©, je n’avais pas de modèle, mais ce manque ne constituait pas un obstacle parce qu’Ă  chaque niveau, quelqu’un me prenait toujours sous son aile et m’encourageait Ă  aller de l’avant. J’ai d’abord pensĂ© faire carrière en politique. Après avoir fait des recherches et dĂ©couvert que de nombreux politiciens avaient un diplĂ´me en droit, j’ai pensĂ© que c’Ă©tait la voie Ă  suivre. J’ai fini par obtenir en mĂŞme temps des diplĂ´mes avec distinction en sciences politiques et en français. J’ai eu la chance d’avoir une place au programme de stages convoitĂ© pour ce premier diplĂ´me, ce qui m’a donnĂ© l’occasion de travailler Ă  Ottawa pendant deux Ă©tĂ©s dans deux ministères. Aussi, le hasard faisant bien les choses, j’ai Ă©galement gagnĂ© un concours de la facultĂ© de français pendant ma quatrième annĂ©e d’Ă©tudes, ce qui m’a donnĂ© l’occasion d’enseigner pendant un an l’anglais Ă  un lycĂ©e en France. Avec une certaine apprĂ©hension, j’ai retardĂ© d’un an mon entrĂ©e Ă  la facultĂ© de droit pour me rĂ©ajuster parce que j’avais dĂ©cidĂ© qu’une carrière en politique ne faisait plus partie de mon plan de match. D’autre part, mon stage Ă  Ottawa m’a permis de travailler de façon bilingue et m’a Ă©galement donnĂ© l’occasion de m’occuper de projets de recherche intĂ©ressants, d’analyser de l’information et de rĂ©diger des rapports, toutes des tâches que, assez Ă©tonnamment, j’ai bien aimĂ©es. Avec le recul, je me rends compte que la dĂ©cision de pratiquer le droit s’est prise de manière tout Ă  fait naturelle et sans heurt.

Avant ma nomination, armĂ©e des principes que m’ont inculquĂ©s ma grand-mère, ma mère et plus tard une tante bien-aimĂ©e, j’ai entrepris de nombreuses activitĂ©s bĂ©nĂ©voles dès l’Ă©cole secondaire. Puisque mes activitĂ©s de bĂ©nĂ©volat comprenaient toujours un aspect d’enseignement ou de mentorat, devenir instructrice Ă  l’Ă©cole du Barreau, dans le programme des compĂ©tences et de la responsabilitĂ© professionnelle, Ă©tait une progression naturelle pour moi. Dans les premiers temps, j’ai Ă©tĂ© instructrice pour les cours de recherche, de litiges civils et de responsabilitĂ© professionnelle, des domaines qui Ă©taient en harmonie avec ma pratique privĂ©e. Au fil des ans, j’ai fait du bĂ©nĂ©volat pour des associations professionnelles de barreaux (assumant progressivement des rĂ´les de leadership dans certaines d’elles) et j’ai continuĂ©, dans une certaine mesure, Ă  faire du bĂ©nĂ©volat dans la collectivitĂ©. Les gens que j’ai rencontrĂ©s pendant mes activitĂ©s bĂ©nĂ©voles, notamment des juges, qui m’ont encouragĂ© Ă  postuler Ă  la magistrature, sont les personnes qui, de loin, m’ont Ă©tĂ© les plus utiles dans mon cheminement.

QUELS CONSEILS DONNERIEZ-VOUS AUX JURISTES QUI COMPARAISSENT DEVANT VOUS?

Tout ce que je peux dire Ă  ce sujet se rĂ©sume Ă  un mot : « rĂ©putation ». Les juristes devraient toujours examiner la façon dont leurs paroles et leur comportement ont une incidence sur leur rĂ©putation. Cela commence bien avant de comparaĂ®tre dans la salle d’audience, car les paroles, actes ou comportements, qu’ils se traduisent Ă  l’oral ou Ă  l’Ă©crit, peuvent ĂŞtre pleinement exposĂ©s pour tous, y compris les clients, pendant une audience. Il va sans dire que les juristes peuvent ĂŞtre des dĂ©fenseurs fĂ©roces tout en faisant preuve de courtoisie. Ils peuvent prendre des positions fermes tout en sachant faire des concessions (si cela ne porte pas prĂ©judice Ă  leur client). Ils ne devraient jamais induire le tribunal en erreur. Il est peut-ĂŞtre beaucoup plus prĂ©cieux pour les juristes de gagner la confiance et le respect de la magistrature, de leurs collègues et de leurs adversaires que de remporter une victoire Ă  la Pyrrhus.