L’honorable Aline Quach
QUEL CHEMINEMENT VOUS A MENÉ AU MONDE DU DROIT ET À LA MAGISTRATURE?
Je suis arrivée au Canada à l’âge de deux ans en tant que réfugiée, avec mes parents et ma sÅ“ur. Nous avons fui le Vietnam, un pays devenu communiste. Mes parents ont reconstruit leur vie ici et travaillé dur afin que ma sÅ“ur et moi puissions faire des études universitaires. J’ai eu le privilège de poursuivre mes études secondaires au Collège Sainte-Marcelline, une école dirigée par des religieuses. C’est là que j’ai acquis des valeurs qui ne m’ont plus quittées, soit le partage et l’altruisme. Ainsi, durant mes études au Collège Sainte-Marcelline, ces valeurs m’ont indiqué le chemin à suivre tout au long de ma carrière professionnelle : travailler pour aider les autres et donner un sens à ma vie. J’ai donc décidé de devenir avocate. Durant mes études de droit, je savais alors que je voulais aider le plus de justiciables possible et travailler pour l’Aide juridique. Après l’École du Barreau, j’ai eu la chance de poursuivre mon stage au sein de l’Aide juridique de Montréal. Comme il n’y avait pas de poste disponible à la fin du stage, j’ai travaillé en pratique privée durant trois ans avant de retourner comme avocate permanente à l’Aide juridique jusqu’à ma nomination à la Cour supérieure..
QUELLE EXPÉRIENCE DE VOTRE CARRIÈRE JURIDIQUE VOUS A LE MIEUX PRÉPARÉ À VOTRE TRAVAIL AU SEIN DE LA MAGISTRATURE?
En travaillant à l’Aide juridique, j’ai participé à favoriser l’accès à la justice de mes concitoyens. Cela m’a permis d’être proche de la population, d’être à l’écoute de ses besoins et de développer une sensibilité à ses multiples problématiques sociales et juridiques. J’ai grandi et vécu dans la diversité ethnoculturelle, ayant vécu et travaillé à Montréal depuis mon arrivée au Canada. Tout au long de ma pratique, je crois que les gens se sont facilement identifiés à moi car j’ai vécu ce qu’ils ont vécu : l’exil, l’intégration, des origines modestes, la détermination, la possibilité de réussir. En ce sens, ils m’ont naturellement fait confiance. Compte tenu de la diversité de la clientèle que j’ai représenté, j’ai été sensibilisée à de multiples problématiques sociales et juridiques. Durant plus de 17 ans de pratique au sein de cet organisme, j’ai plaidé devant diverses instances et représenté une clientèle hétéroclite. J’ai eu l’opportunité de développer une expertise en droit familial et en enlèvement international d’enfants mais aussi, d’être une avocate polyvalente, ayant traité des dossiers en droit civil, droit administratif et droit social. Étant plaideuse, j’ai été extrêmement familière avec les cours de pratique et le fonctionnement de la Cour. Je crois que toutes ces expériences m’ont préparé à devenir juge.
QUELS CONSEILS DONNERIEZ-VOUS AUX JURISTES QUI COMPARAISSENT DEVANT VOUS?
Je crois que l’intégrité est une qualité fondamentale chez toute personne désirant exercer la profession d’avocat. Il ne faut pas oublier qu’une réputation prend beaucoup de temps à bâtir mais peut être détruite instantanément. J’apprécie les avocats qui démontrent de la courtoisie professionnelle entre eux, sont respectueux du décorum et bien préparés. En effet, la préparation d’un dossier est associée à la compétence d’un avocat et est primordiale. Il ne faut jamais tenir pour acquis que le juge devant lequel vous allez plaider connaît les réponses aux questions de droit que vous soulevez. Le droit est tellement vaste. Il est du devoir du juriste d’éclairer le tribunal et de lui présenter sa théorie de la cause de la façon la plus claire et simple possible.
QUE SOUHAITEZ-VOUS QUE LE PUBLIC SACHE AU SUJET DU SYSTÈME DE JUSTICE?
J’aimerais que les justiciables sachent que nous, Canadiens et Canadiennes, sommes vraiment chanceux de vivre au sein d’une démocratie, dans un pays où le système de justice n’est pas influencé par le parti politique au pouvoir, où les juges jouissent de l’indépendance judiciaire, où une Constitution définit les principes qui régissent le pays et où une Charte des droits et libertés protègent nos droits fondamentaux. Nous devons tous apprécier la chance que nous avons et collectivement nous assurer de préserver la démocratie et le système de justice au Canada.