L'honorable Tracey K. DeWare

Chief-Justice-DeWare-1.jpgQUEL CHEMINEMENT VOUS A MENÉ AU MONDE DU DROIT ET À LA MAGISTRATURE?

Adolescente, je m’intĂ©ressais beaucoup Ă  la politique et aspirais Ă  travailler un jour sur la Colline du Parlement. Cet intĂ©rĂŞt m’a amenĂ©e Ă  suivre un programme de premier cycle en sciences politiques, puis Ă  soumettre une demande d’admission Ă  la facultĂ© de droit au cours de ma troisième annĂ©e. Ă€ ce moment-lĂ , j’hĂ©sitais encore Ă  me lancer dans des Ă©tudes de droit, et j’envisageais sĂ©rieusement de poursuivre un programme de maĂ®trise Ă  la suite de ma quatrième annĂ©e d’Ă©tudes en sciences politiques. Ă€ ma grande surprise, j’ai Ă©tĂ© admise Ă  la facultĂ© de droit de l’UniversitĂ© du Nouveau-Brunswick au cours de l’Ă©tĂ© de ma troisième annĂ©e de premier cycle. Dès que la lettre de l’UniversitĂ© du Nouveau-Brunswick est arrivĂ©e, mon destin Ă©tait scellĂ©! J’ai adorĂ© la facultĂ© de droit dès l’instant oĂą je suis entrĂ©e dans Ludlow Hall, et la passion qui m’animait au dĂ©but de mes Ă©tudes de droit, puis durant mes annĂ©es de pratique n’a jamais faibli.

Par chance, j’ai Ă©tĂ© engagĂ©e par un cabinet de contentieux oĂą j’ai pu effectuer mes stages et me lancer dans mes premières annĂ©es de pratique. Ă€ l’Ă©poque, ce cabinet fort achalandĂ© Ă©voluait dans le domaine de la dĂ©fense des dossiers d’assurance, ce qui donnait aux jeunes juristes de nombreuses occasions de mener des interrogatoires et de prĂ©senter des requĂŞtes au tribunal. MĂŞme si tous les aspects de la pratique du contentieux m’intĂ©ressaient, les temps forts demeuraient Ă  mes yeux les journĂ©es passĂ©es au tribunal. Au dĂ©but, j’aimais regarder les juristes d’expĂ©rience plaider, puis cette montĂ©e d’adrĂ©naline que nous connaissons bien m’a envahie lorsque j’ai pu commencer Ă  plaider moi-mĂŞme. Les juges qui instruisaient nos requĂŞtes me fascinaient, tant par l’approche adoptĂ©e pour gĂ©rer leurs salles d’audience que par les dĂ©cisions rendues. Je dois avouer que dès que j’ai commencĂ© Ă  comparaĂ®tre devant les tribunaux, je regardais les juges instruire les affaires, et je ne cessais de me dire : « Un jour, j’aimerais vraiment ĂŞtre assise sur ce banc! ».

Tout au long de ma carrière juridique, j’ai continuĂ© Ă  pratiquer le contentieux au sein de cabinets spĂ©cialisĂ©s dans ce domaine. Les dernières annĂ©es prĂ©cĂ©dant ma nomination, j’ai eu le privilège de travailler chez l’un des plus grands cabinets de l’Atlantique. Plusieurs personnes de ce cabinet avaient Ă©tĂ© nommĂ©es Ă  la magistrature dans les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes et d’autres pendant que j’y Ă©tais. Je pense que le fait d’avoir collaborĂ© avec des personnes qui siĂ©geaient maintenant comme juges m’a fait envisager cette nomination comme rĂ©alisable. J’ai soumis ma candidature et, Ă  ma grande joie, j’ai reçu un appel tĂ©lĂ©phonique en juin 2012, il y a de cela dix ans, me demandant si j’Ă©tais prĂŞte Ă  accepter une nomination Ă  la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick, dans le district judiciaire de Campbellton. Ma rĂ©ponse a Ă©tĂ© aussi favorable qu’enthousiaste, et je ne l’ai jamais regrettĂ©.

QUELS CONSEILS DONNERIEZ-VOUS AUX JURISTES QUI COMPARAISSENT DEVANT VOUS?

Si j’avais Ă  donner un conseil, sans surprise, ce serait de bien de se prĂ©parer! Il ne fait aucun doute que des juristes bien prĂ©parĂ©s qui se prĂ©sentent devant le tribunal en s’appuyant sur une organisation rigoureuse et une connaissance parfaite de tous les aspects de leur dossier recevront un accueil favorable. Des juristes qui se prĂ©sentent avec un dossier bien prĂ©parĂ© inspirent la confiance, et ce, en dĂ©pit de leur nervositĂ© ou d’un dossier peu reluisant. Le fait de se prĂ©parer permet de relater facilement les faits, de pouvoir faire usage de la loi et de rĂ©pondre aux questions du tribunal. Malheureusement pour nous, il n’existe pas de solution de facilitĂ© pour se prĂ©parer. Soit vous avez bien prĂ©parĂ© votre dossier, soit vous ne l’avez pas fait, ce qui fait toute la diffĂ©rence dans l’impression que vous laisserez aux juges qui instruiront vos affaires.

Mon deuxième conseil, non moins important que le premier, serait de faire preuve d’intĂ©gritĂ©. L’intĂ©gritĂ© des juristes joue un rĂ´le capital dans leur capacitĂ© Ă  reprĂ©senter adĂ©quatement les intĂ©rĂŞts de leur clientèle devant les tribunaux. Nous avons tous entendu l’adage selon lequel il faut toute une vie pour se forger une rĂ©putation, mais il suffit de quelques secondes pour la dĂ©truire. RĂ©putation et intĂ©gritĂ© vont de pair. Que vous vous adressiez Ă  la personne que vous reprĂ©sentez, Ă  d’autres juristes ou au tribunal, il est primordial d’ĂŞtre fiable et digne de confiance. C’est sur ces Ă©lĂ©ments essentiels que repose l’intĂ©gritĂ©. En tout temps, vous devez tenir parole. Respectez les engagements que vous avez pris envers la personne que vous reprĂ©sentez, le tribunal et les juristes de la partie adverse. 

Enfin, j’ajouterais qu’il est important de faire preuve de compassion. Les juristes peuvent dĂ©fendre avec ferveur tout en faisant preuve de compassion dans leurs interactions avec les personnes impliquĂ©es dans la procĂ©dure judiciaire. Ces deux qualitĂ©s ne sont pas incompatibles. Aujourd’hui, de plus en plus de personnes se reprĂ©sentent elles-mĂŞmes devant les tribunaux. J’Ă©prouve toujours une profonde reconnaissance envers les juristes qui font preuve de patience et de bienveillance avec ces personnes au lieu de chercher Ă  les rabaisser ou Ă  les intimider. Le caractère antagoniste qui rĂ©git la plupart des procĂ©dures est bien connu des juristes qui passent leurs journĂ©es dans des salles d’audience, mais il en va tout autrement pour la plupart des gens. Il est important de garder Ă  l’esprit que vous avez souvent affaire Ă  des personnes dans un Ă©tat de grande vulnĂ©rabilitĂ©, qui vivent fort probablement les jours les plus difficiles de leur vie.