Quel a été votre cheminement vers le droit et la magistrature?
J’aimerais d’abord dire combien je suis honorĂ©e de contribuer Ă ce projet et de figurer au cĂ´tĂ© de toutes ces femmes accomplies. Le chemin qui m’a menĂ© jusqu’ici a Ă©tĂ© sinueux. J’ai envisagĂ© des Ă©tudes en droit quand j’Ă©tais au secondaire et au baccalaurĂ©at, mais j’ai interrompu mes Ă©tudes un moment, et quand je suis enfin entrĂ©e Ă la FacultĂ© de droit de l’UniversitĂ© Dalhousie, Ă Halifax, j’avais 25 ans. Je vivais dans la campagne nĂ©o-Ă©cossaise Ă l’Ă©poque et je me voyais exercer le droit dans le cabinet gĂ©nĂ©raliste d’une petite communautĂ©. Ă€ la fin de ma première annĂ©e, j’Ă©tais mordue de droit pĂ©nal, je savais que c’Ă©tait ce que je voulais faire. J’ai eu la chance de faire mon stage dans un petit cabinet criminaliste de Toronto, puis j’ai eu un poste d’avocate de service de l’aide juridique au centre-ville de Toronto, oĂą mes clients Ă©taient souvent dĂ©munis et aux prises avec des problèmes de santĂ© mentale et de dĂ©pendance. Environ quatre ans plus tard, j’ai vu une petite annonce dans le journal pour un poste de procureure de la Couronne dans les Territoires du Nord-Ouest, et comme j’avais envie d’aventure, j’ai postulĂ©. Pendant les dix annĂ©es suivantes, j’ai sillonnĂ© les T.N.-O. et le Nunavut, oĂą j’ai fait de mon mieux pour aider les tribunaux et les collectivitĂ©s Ă combattre la violence et la criminalitĂ© dans un contexte de pauvretĂ©, de changements sociaux rapides et de sĂ©quelles laissĂ©es par les pensionnats indiens. Après dix ans dans le Nord, je suis retournĂ©e dans le Sud. J’ai eu le bonheur d’atterrir Ă Winnipeg, oĂą j’ai poursuivi mon travail de procureure avant d’ĂŞtre nommĂ©e Ă la Cour du Banc de la Reine en 2014. Je souhaitais ĂŞtre juge parce que le travail reprĂ©sente un dĂ©fi sur le plan intellectuel et Ă©motionnel. Il faut concilier pensĂ©e analytique et empathie, dĂ©tachement objectif et compassion. Ça mobilise entièrement l’âme et l’esprit. Et c’est une occasion extraordinaire de servir la collectivitĂ©. Je suis honorĂ©e qu’on m’ait confiĂ© cette responsabilitĂ©.
Quels conseils donneriez-vous aux juristes qui comparaissent devant vous?
Je vais me faire l’Ă©cho des conseils de mes collègues. Soyez prĂ©parĂ©s. PrĂ©sentez bien Ă l’avance un mĂ©moire pertinent. MaĂ®trisez votre dossier. Sachez comment rĂ©pondre aux arguments de la partie adverse. Reconnaissez honnĂŞtement les faiblesses de votre dossier. Soyez prĂŞts Ă rĂ©pondre aux questions. Faites des concessions raisonnables. Forgez-vous une rĂ©putation d’intĂ©gritĂ©. Pour dĂ©velopper vos aptitudes, rendez-vous en salle d’audience et observez. Apprenez des autres, mais en restant fidèle Ă votre propre style. DĂ©veloppez l’art d’interroger les tĂ©moins de façon efficace. Posez une question Ă la fois. Utilisez un langage simple. Écoutez attentivement la rĂ©ponse. Puis posez la question suivante. Souvenez-vous que pour obtenir gain de cause, des arguments convaincants ne suffisent pas : il faut aussi une preuve solide. Contre-interrogez les tĂ©moins de la partie adverse avec Ă©gards. N’oubliez jamais que les parties et les tĂ©moins sont des ĂŞtres humains et qu’ils mĂ©ritent le respect. Évitez le sarcasme et les emportements : ils ne vous favoriseront jamais. En tant que juge, je m’attends Ă ce que les juristes m’aident Ă rendre une dĂ©cision juste et Ă©quitable, et Ă ce titre un argument soignĂ© et posĂ© est toujours plus utile qu’une rhĂ©torique Ă©loquente.