Il est largement accepté, en principe à tout le moins, que les employeurs devraient offrir le même salaire aux employés qui accomplissent les mêmes tâches. En réalité, toutefois, les femmes gagnent souvent moins que les hommes, même si ce qui sous-tend cet écart salarial entre les sexes ne se résume pas nécessairement au simple fait que les employeurs se contentent de dire « vous êtes une femme, je peux moins bien vous payer. »
Le plus récent calcul de l’Ontario Equal Pay Coalition indique que l’écart de rémunération entre les genres dans la province est d’environ 30 pour cent lorsque l’on examine les gains annuels moyens dans l’ensemble des industries. Cet écart n’a chuté que de six pour cent depuis la fin des années 1980. Au Manitoba, les statistiques démontrent que les travailleuses âgées de 24 à 54 ans gagnaient 90,24 pour cent du salaire horaire moyen des hommes en 2016. Les données sur le revenu total médian démontrent que les Manitobaines touchaient un revenu qui était de 32 pour cent inférieur à celui des hommes en 2016.
Même s’il est vrai que cette disparité s’explique possiblement en partie par les différences dans les types d’emploi et l’ancienneté, l’écart existe également dans le milieu du droit, où la seule différence est le sexe.
En juillet 2016, trois avocates de l’aide juridique de l’Ontario ont déposé une plainte devant la Commission de l’équité salariale de l’Ontario, exigeant qu’Aide juridique Ontario procède à une évaluation des postes sans discrimination de sexe afin de s’assurer que les paies des avocates correspondent à celles des avocats réalisant des tâches semblables.
Au sens de la Loi sur l’équité salariale de la province, les postes d’avocats au sein du personnel de l’aide juridique sont réputés comme faisant partie d’une « catégorie d’emplois à prédominance féminine », car plus de soixante pour cent des membres sont des femmes. Aussi, Aide juridique Ontario est considérée comme l’un des groupes où la diversité raciale est la plus élevée des juristes du secteur public de la province. La plainte cite le salaire moyen que touchent les titulaires d’autres postes juridiques au sein du gouvernement (comblés majoritairement par des hommes), lequel est considérablement plus élevé que celui auquel a droit le personnel de l’aide juridique.
Comment cela se traduit-il dans la pratique privée? Il est plus ardu de quantifier le phénomène, car la plupart des cabinets d’avocats du Canada ne divulguent pas leurs revenus.
Dans la pratique privée, la rémunération est censée être calculée directement comme un pourcentage de la productivité et des encaissements. La raison pour laquelle les femmes gagnent moins dans ce système prétendument exempt de discrimination de sexe a tendance à être que, puisqu’elles prennent du temps pour avoir des enfants, et qu’une fois qu’elles ont des enfants elles ont plus d’exigences en matière de garde d’enfants, les femmes sont tout simplement moins productives.
En fait, les fausses excuses pour offrir aux femmes un salaire inférieur à celui de leurs homologues masculins sont variées et font partie de ce qui peut être décrit aussi bien comme un écart exploitable que comme un écart salarial. Par exemple :
- Les femmes ont moins d’occasions de travailler sur les dossiers qui rapportent les honoraires les plus élevés. Les avocats chevronnés préfèrent travailler avec des associés de même sexe en raison des intérêts qu’ils partagent, comme le golf et le hockey. Les mères de jeunes enfants peuvent être laissées de côté parce qu’elles sont considérées comme moins dévouées à leur carrière que les pères de jeunes enfants. Les femmes peuvent être exclues de dîners ou d’activités avec des clients où des conversations grivoises pourraient offenser leur délicat tempérament féminin.
- Les femmes sont moins susceptibles de refuser de travailler sur des affaires moins attrayantes où des rabais ou remises risquent de s’appliquer à la facturation.
- Les femmes sont plus enclines à pratiquer dans des domaines du droit qui rapportent de moindres honoraires que les domaines dominés par les hommes.
- Les attentes sont plus élevées envers les femmes lorsqu’il faut « jouer en équipe » en accomplissant plus de travail non rémunéré, indépendamment du nombre d’heures consacrées.
Les hommes et les femmes sont tous aussi nombreux à sortir de la faculté de droit et ils commencent leur carrière avec un régime de rémunération semblable, mais les femmes quittent le panier à crabes dans une proportion immensément plus élevée, ce qui fait en sorte qu’elles sont moins nombreuses à atteindre des postes d’associées principales. Toutes les situations évoquées ci-dessus contribuent dans une certaine mesure à cette disparité.
En 2018, le Forum des avocates s’efforcera d’aborder l’enjeu des inégalités salariales dans la profession juridique. Pour ce faire, nous avons besoin de données. La première étape consistera donc à mener un sondage sur la rémunération auprès des associés dans le but de déterminer s’il existe un problème d’équité salariale dans les cabinets comptant cinquante juristes ou plus et, si c’est le cas, d’en expliquer les raisons. Nous espérons qu’en comprenant mieux ce qui cause l’écart de rémunération entre les genres, nous acquerrons de nouvelles perspectives sur ce qu’il faut faire pour éradiquer la disparité.
Ce n’est pas seulement un « problème de femmes ». Les écarts de rémunération entre les genres traitent de la problématique plus importante de l’équité pour tout un chacun dans notre pays. Dans la population active globale, les salaires inférieurs systémiques mènent à la féminisation de la pauvreté. Nous ne suggérons pas que la majorité des avocates sont frappées par la pauvreté, mais nous croyons qu’elles ont la responsabilité sociale de dénoncer la disparité salariale. Si les femmes ne peuvent atteindre l’équité salariale dans le domaine du droit, les femmes qui vivent bel et bien dans la pauvreté n’ont aucune chance de s’en sortir.
Tanya Keller et Megan Spencer sont toutes les deux avocates salariées chez Sternat Manaigre Law Corporation à Winnipeg.