Note : Cet article a été initialement publié sur LinkedIn le 22 juillet 2018 (en anglais). Il est reproduit avec l’autorisation de l’auteur.
Des racines dans les Lumières, avec une « proposition modeste » moderne?
Comme Ian Hull, K.I. Shulman, Ph.D., et d’autres savants auteurs l’ont récemment souligné dans leur exposé Banks v Goodfellow (1870): Time to update the test for testamentary capacity, le critère qui aide les tribunaux à déterminer si une personne est suffisamment apte mentalement pour faire un nouveau testament tire ses racines de la fin des années 1800.
Les commentaires qui suivent reposent sur les excellents commentaires réfléchis des auteurs et ne les remplacent pas. Je vous suggère d’examiner d’abord leur exposé pour obtenir le contexte essentiel.
Je suis d’accord avec bon nombre des observations qu’ils font dans l’article. Mes commentaires visent respectueusement à ajouter des éléments de réflexion juridique et sociale, dans un sens philosophique, et ne se veulent pas une expression fixe ou exhaustive de « la loi », en soi.
La maladie mentale ou la diminution de la cognition ne ferme pas la porte à la justice
Dans l’affaire Banks, un homme souffrait vraisemblablement de schizophrénie paranoïde. La décision dans cette affaire a été rendue à une époque heureuse pour la théorie juridique. Dans le processus d’évaluation des troubles cognitifs de l’homme et de la validité de son testament final, la Cour a élaboré un nouveau « critère » juridique de détermination de la validité des testaments lorsque la capacité mentale est en cause.
La décision Banks constitue un exposé de philosophie juridique postérieur aux Lumières (voir : Cesare Baccaria, On Crimes and Punishments, pour une bonne lecture). J’estime que c’est une bonne chose, du point de vue où la décision Banks a écarté les règles de droit antérieures sur les testaments qui auraient simplement mené à la conclusion que lorsqu’une personne souffre d’une maladie mentale, elle ne peut pas faire un nouveau testament.
Le critère Banks est un pas en avant, vers l’acceptation des maladies mentales comme réalité sociale. Il préserve la dignité de celui qui en souffre, son indépendance et son droit de bénéficier des outils juridiques pour établir ses plans financiers et successoraux.
Une preuve en faveur de l’amélioration continue
Je suis d’accord avec la principale conclusion des auteurs selon laquelle il est important de tenir compte du contexte de la personne, sur la toile souvent complexe sur laquelle les vies sociales et financières modernes sont peintes. C’est ce qu’on fait en examinant la capacité de la personne de faire ce testament, dans les circonstances de sa vie.
Il est aussi juste de faire remarquer l’importance de ne pas exagérer l’exigence de la mémoire. Il est cependant essentiel que le testateur ait une mémoire opérationnelle suffisamment efficace pour évaluer les facteurs qui comptent, dans le contexte de sa vie, de ses biens et de ses relations, pour démontrer qu’il est, au moment où il fait un testament, en mesure de déterminer librement sa décision.
Concrètement, j’ajouterais que l’une des importantes considérations ayant trait à la mémoire, sur le plan juridique, devrait être qu’une mémoire intacte et raisonnablement fonctionnelle et apte au discernement puisse protéger le testateur contre l’influence indue dans son processus décisionnel.
De même, le critère devrait exiger que le processus d’évaluation de la capacité bénéficie et consigne l’acte par le testateur consistant à déterminer, dans le sens d’obtenir une approximation provenant du fait de l’observer en train de déterminer. Il ne suffit pas de l’observer en train de se rappeler ou en train de décider.
Un critère qui met trop d’accent sur l’historique comparatif des décisions relatives aux anciens testaments omet aussi de tenir compte des deux objectifs importants consistant à pondérer la liberté testamentaire et à favoriser des décisions saines.
L’accent exagéré sur les facteurs historiques porte sur les mauvais moments – le passé et l’avenir – au lieu de porter sur ce qui peut avoir concrètement le plus d’effet : le moment auquel le testateur planifie et choisit, au moment où il porte son attention à la tâche.
Son processus de choix vise l’avenir, mais l’observation de ce processus ne devrait pas assimiler l’avenir à l’acte contextuel d’évaluer la capacité du testateur de réfléchir au sujet de telles décisions. Si on confond ces notions, nous risquons d’obtenir des faussetés comme tenir pour acquis que de simples routines ou souvenirs provoqués, ou des faits antérieurs, confirment la capacité décisionnelle présente.
En ce sens, je suis d’accord avec les savants auteurs, dans leur article intitulé « Time to update the test », qu’il est utile de se pencher sur le raisonnement réfléchi observé.
Le testateur peut‑il canaliser son débit d’actifs, à un certain moment?
J’ajouterais que l’élément temporel est tout aussi important pour l’évaluation. L’expression « fonction exécutive », lorsqu’on la lit en conjonction avec l’exigence d’avoir accès au testateur et de l’observer lors de l’acte même de penser, de déterminer et de planifier, est fondamentale pour atteindre les objectifs d’un jugement social défendable fondé sur la loi au sujet du choix qu’exerce une personne sur ce qu’il y a lieu de faire avec ses biens matériels.
En ce sens, nous pouvons espérer orienter d’une façon moins imparfaite le débit de « l’eau dans ses canaux » (pour prendre une analogie de la fonction sociale de ce critère) afin de préserver la dignité et le sentiment d’appartenance du testateur tout en préservant ce que la société, dans l’optique juridique, juge être une décision socialement fiable ou « saine » au sens normatif.
Il pourrait également être utile de déterminer si le critère de détermination de la capacité testamentaire devrait évaluer la vulnérabilité par rapport à l’influence indue. Il s’agit d’un facteur mesurable qui est influencé par la mémoire et par la progression des troubles cognitifs du testateur.
Le critère pourrait englober l’évaluation de la vulnérabilité à l’influence, particulièrement lorsqu’il pourrait y avoir une influence indue sur le testateur, et vraisemblablement avec une plus grande vigueur lorsque la famille, l’entreprise ou la situation sociale du testateur est plus complexe ou interreliée (même si l’influence n’est pas apparente ou n’est pas observée par l’avocat qui rédige le testament ou par des tiers).
Si ces modifications sont envisagées, le critère pourrait laisser voir encore plus efficacement la pensée du testateur, plutôt que de considérer le testateur par rapport à la toile des attentes sociales comme la question de savoir s’il respecte ou non un modèle prévu de comportement apparent. Par exemple, le maintien de la bienséance ne suffit pas en soi pour soulever ou écarter des préoccupations en matière de capacité mentale même si de tels indices comportementaux constituent un facteur reflétant d’autres aspects du déclin mental en général pour cette personne.
J’ai vraiment apprécié l’analyse très succincte et utile d’Ian Hull, de M. Shulman, Ph.D. et de leurs coauteurs, et j’espère que vous avez apprécié les présents commentaires à son égard.
Benjamin Kormos est associé à Walsh LLP à Calgary.