Alors qu’elles sont dĂ©tenues dans des Ă©tablissements correctionnels ou de dĂ©tention, les personnes transgenres courent des risques considĂ©rablement plus Ă©levĂ©s d’ĂŞtre victimes de harcèlement sexuel, d’agression sexuelle, de suicide ou mĂŞme de meurtre. Afin de mieux reflĂ©ter l’Ă©volution du droit et des normes de soin connexes aux droits des personnes transgenres au Canada, le Service correctionnel du Canada modifie ses politiques pour faire face Ă certaines difficultĂ©s auxquelles sont confrontĂ©es les personnes transgenres alors qu’elles sont incarcĂ©rĂ©es. En mai, les membres du comitĂ© de direction de la Section de la CommunautĂ© sur l’orientation et l’identitĂ© sexuelles ont eu l’occasion de discuter de ces questions avec les responsables de l’Ă©laboration des politiques au cours d’une rĂ©union en personne. Les membres de la CORIS ont rencontrĂ© Ivan Zinger, Ph. D, chef du Bureau de l’EnquĂŞteur correctionnel du Canada, des reprĂ©sentants du SCC et Marcella Daye, de la Commission canadienne des droits de la personne.
Environ 14 500 personnes sont dĂ©tenues dans les Ă©tablissements du SCC. Le Bureau de l'EnquĂŞteur correctionnel est un ombudsman Ă©tabli en 1973 qui se penche sur des questions spĂ©cifiques liĂ©es aux personnes dĂ©tenues ainsi que sur des enjeux plus vastes qui surviennent Ă l’Ă©chelle du système. Son pouvoir est limitĂ© Ă l’expression de recommandations. Les membres du Bureau de l'EnquĂŞteur correctionnel qui rencontrent les personnes dĂ©tenues plusieurs fois par an ont conclu que ce sont les soins de santĂ© qui sont l’objet principal des plaintes. Le Bureau prĂ©sente un rapport annuel et des rapports spĂ©ciaux axĂ©s sur des points particuliers. Ă€ l’occasion, il peut Ă©galement dĂ©poser des rapports sur des questions systĂ©miques.
M. Zinger a soulignĂ© que la rĂ©ponse du gouvernement fĂ©dĂ©ral aux questions liĂ©es au sexe s’est amĂ©liorĂ©e dans les dernières annĂ©es. Ainsi, parmi les recommandations faites dans son rapport pour 2015-2016, deux visaient spĂ©cifiquement les personnes transgenres dĂ©tenues : 1) le critère de l'expĂ©rience « rĂ©elle » devrait tenir compte du temps passĂ© Ă vivre en tant que personne transgenre pendant l'incarcĂ©ration et 2) sur demande, et selon l'examen des besoins de traitement au cas par cas et des questions relatives Ă la sĂ©curitĂ© et Ă la protection des renseignements personnels, les dĂ©tenus transgenres ou intersexuĂ©s ne devraient pas se voir refuser le placement dans un Ă©tablissement destinĂ© aux personnes du sexe auquel ils s'identifient. Le SCC a d’emblĂ©e acceptĂ© la première recommandation, mais rejetĂ© la seconde. Cependant, motivĂ© par l’indignation du public, il a rapidement annoncĂ© qu’il accepterait Ă©galement la seconde.
Les nouvelles politiques du SCC concernant la dysphorie de genre reprĂ©sentent un changement de mentalitĂ© motivĂ© principalement, selon les reprĂ©sentants du SCC, par la façon dont une personne s’identifie et non ses attributs sexuels physiques de naissance. La politique se veut ouverte et elle inclut les considĂ©rations liĂ©es au sexe de façon gĂ©nĂ©rale sans se limiter aux personnes transgenres qui sont dĂ©tenues. Elle vise tant les personnes qui entrent dans les Ă©tablissements fĂ©dĂ©raux que celles qui y sont dĂ©jĂ incarcĂ©rĂ©es. En rĂ©ponse aux questions connexes Ă certains des points abordĂ©es au cours de la rĂ©daction, le SCC a indiquĂ© que le fait qu’il s’agisse d’une population vulnĂ©rable est extrĂŞmement pertinent; pertinent pour l’Ă©valuation tant des risques courus par la personne dĂ©tenue que de ceux courus par les autres. Il est Ă©galement essentiel que le SCC n’Ă©tablisse pas de processus rigoureux mais envisage la question sous tous ses angles et que, dans le cadre de l’Ă©tablissement des politiques, il consulte tous les intervenants, y compris des experts en matière de santĂ©, des reprĂ©sentants des peuples Autochtones, et des femmes, afin de veiller Ă n’omettre aucun point de vue.
Les modifications apportĂ©es Ă la politique du SCC l’ont Ă©tĂ© en parallèle Ă l’examen du projet de loi C-16; un projet de loi du gouvernement fĂ©dĂ©ral visant Ă inclure l’identitĂ© de genre et l’expression de genre dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui a reçu la sanction royale le 19 juin 2017. Marcella Daye, de la Commission canadienne des droits de la personne, a indiquĂ© que la Commission appuyait sans aucune restriction le projet de loi C-16 et avait entrepris un certain nombre d’initiatives pour le soutenir. La Commission a organisĂ© des discussions et des consultations avec environ 270 personnes transgenres et sympathisantes de tout le pays.
Alors que d’aucuns pourraient affirmer que ces initiatives sont un peu tardives et ne vont pas assez loin, il est certain que ces changements constituent un pas dans la bonne direction pour garantir les droits Ă l’ensemble de la population canadienne.
Dorianne Mullin est avocate auprès du ministère de la Justice de la Nouvelle-Écosse