Dudumas v Ontario (Superintendent Financial Services), 2016 ONFST 15 (disponible uniquement en anglais)
En aoĂ»t 2016, le Tribunal des services financiers a rendu sa dĂ©cision concernant une demande d’audition dĂ©posĂ©e par Josef Dudumas qui souhaitait qu’il intime au Surintendant des services financiers d’ordonner Ă Crown Metal Packaging Canada LP (Crown) de recalculer la valeur de rachat de ses prestations de retraite. Le Tribunal a rejetĂ© la demande de M. Dudumas au motif qu’il avait reçu l’intĂ©gralitĂ© des prestations de retraite auxquelles il avait droit en vertu du rĂ©gime de retraite et de la Loi sur les rĂ©gimes de retraite (LRR) et que, par consĂ©quent, aucun nouveau calcul de ses prestations n’Ă©tait nĂ©cessaire. Ayant conclu que la demande et le comportement de M. Dudumas Ă©taient dĂ©raisonnables, le Tribunal a accordĂ© les dĂ©pens Ă Crown, les fixant Ă 500 $. La dĂ©cision est importante, car c’est la première fois que le Tribunal accorde des dĂ©pens dans une affaire de pensions de retraite.
M. Dudumas avait Ă©tĂ© employĂ© par Crown du 9 avril 1984 au jour de la cessation involontaire de son emploi le 25 juin 2010 en raison de la fermeture d’une usine. Avant son dernier jour de travail, Crown a demandĂ© Ă M. Dudumas de fournir les documents nĂ©cessaires pour lui permettre de commencer Ă percevoir immĂ©diatement une pension de retraite.
Il a refusĂ© de mettre en Ĺ“uvre une retraite immĂ©diate en 2010, ainsi que de signer tout formulaire de demande connexe Ă des prestations autres que des prestations de retraite telles que l’assurance-vie et les prestations d’assurance du conjoint ou prestations d’assurance collective. La fermeture de l’usine a dĂ©clenchĂ© une liquidation partielle du rĂ©gime auquel participait M. Dudumas. En raison de la liquidation partielle, il a reçu un formulaire de choix et, le 23 avril 2014, il a optĂ© pour un transfert de la valeur de rachat de ses prestations.
Le Tribunal a affirmĂ© que M. Dudumas avait reçu l’intĂ©gralitĂ© des prestations adĂ©quates auxquelles il avait droit en vertu du rĂ©gime de retraite et de la LLR.
Dans le cadre de son mĂ©moire dĂ©posĂ© devant le Tribunal, Crown demandait des dĂ©pens s’Ă©levant Ă 10 000 $. L’article 24 de la Loi de 1997 sur la Commission des services financiers de l'Ontario reconnaĂ®t au Tribunal la compĂ©tence nĂ©cessaire pour accorder des dĂ©pens conformĂ©ment aux règles qui le rĂ©gissent. Selon la règle 40.01 des Règles de pratique et de procĂ©dure pour les instances devant le Tribunal des services financiers :
Lorsque la conduite ou la ligne de conduite d’une partie Ă une instance devant le Tribunal a Ă©tĂ© dĂ©raisonnable, frivole ou vexatoire ou lorsqu’une partie a agi de mauvaise foi au cours d’une instance, le Tribunal peut ordonner Ă la partie en cause de rembourser intĂ©gralement ou partiellement les frais engagĂ©s par une autre partie.
Pour dĂ©terminer si la ligne de conduite de M. Dudumas Ă©tait dĂ©raisonnable, frivole ou vexatoire ou s’il avait agi de mauvaise foi, le Tribunal a utilisĂ© le critère Ă©noncĂ© Ă la règle 41.01. La demande de M. Dudumas a Ă©tĂ© rĂ©putĂ©e « manifestement injustifiĂ©e », dĂ©pourvue de tout fondement juridique et, par consĂ©quent, dĂ©raisonnable. Le Tribunal a en outre soulignĂ© que les nombreux refus opposĂ©s par M. Dudumas Ă l’Ă©gard de l’offre de Crown de lui donner Ă concurrence de 5 000 $ pour se procurer des conseils actuariels ou juridiques Ă©taient un Ă©lĂ©ment pertinent devant ĂŞtre pris en compte pour Ă©tablir s’il avait omis de coopĂ©rer avec les autres parties. Cependant, le Tribunal n’a accordĂ© qu’un poids très limitĂ© Ă l’argument de Crown selon lequel le refus opposĂ© par M. Dudumas d’admettre le rĂ©gime de 2009 en preuve Ă©tait un refus dĂ©raisonnable d’admettre des preuves factuelles ou documentaires extĂ©rieures au litige, car M. Dudumas se reprĂ©sentait lui-mĂŞme. Le Tribunal a soulignĂ© la reconnaissance, par toutes les parties, que M. Dudumas avait le droit de demander une audience, et le fait qu’un demandeur dĂ©boutĂ© ne devrait pas automatiquement se voir imposer le paiement de dĂ©pens. Ce point est particulièrement important dans le contexte des audiences d’un tribunal administratif pour lesquelles un grand nombre de demandeurs se reprĂ©sentent eux-mĂŞmes et dans lequel des enjeux d’accès Ă la justice peuvent survenir.
Alors que le Tribunal a conclu que la ligne de conduite de M. Dudumas Ă©tait dĂ©raisonnable, il a soulignĂ© que ce dernier se reprĂ©sentait lui-mĂŞme et que Crown n’avait dĂ©posĂ© que des preuves et rĂ©fĂ©rences jurisprudentielles limitĂ©es quant Ă la question des dĂ©pens. Bien que demandant 10 000 $ au dĂ©part, les avocats de Crown ont indiquĂ© que leur cliente serait satisfaite par l’octroi de dĂ©pens modiques s’Ă©levant Ă 500 $. Ainsi, le Tribunal a accordĂ© des dĂ©pens symboliques de 500 $ Ă Crown.
L’analyse de la question des dĂ©pens rĂ©alisĂ©e par le Tribunal correspond Ă celle effectuĂ©e dans l’affaire General Motors of Canada Limited v. Ontario (Superintendent Financial Services), 2015 ONFST 39 (CAMI) (disponible uniquement en anglais). Deux Ă©lĂ©ments importants distinguent cependant les dĂ©cisions. En premier lieu, dans la dĂ©cision CAMI, il s’agissait de dĂ©cider si la caisse de retraite devait payer les dĂ©pens au comitĂ©, reprĂ©sentĂ© par un avocat, alors qu’en l’espèce, c’Ă©tait une personne non reprĂ©sentĂ©e qui devait les acquitter. En second lieu, dans l’affaire CAMI, alors que l’analyse donne l’impression que les dĂ©pens ne seront accordĂ©s Ă l’encontre d’une partie que dans des cas très limitĂ©s, il n’y avait aucune analyse de ce qui constitue une ligne de conduite dĂ©raisonnable, frivole ou vexatoire ou fondĂ©e sur la mauvaise foi. Cependant, dans le cas de M. Dudumas, alors que le tribunal hĂ©site Ă imposer des dĂ©pens, il fournit une analyse du comportement particulier pouvant ĂŞtre rĂ©putĂ© dĂ©raisonnable.
Jason R. Paquette est stagiaire en droit auprès de la Commission des services financiers de l’Ontario.