Quelles sont les questions à prendre en considération pour le personnel de première ligne des municipalités lorsque l’ombudsman appelle?
L’ombudsman de l’Ontario est l’enquêteur par défaut des réunions municipales à huis clos depuis le 1er janvier 2008. Le 1er janvier 2016, le projet de loi 8, Loi sur la responsabilisation et la transparence du secteur public et des députés, a modifié la Loi sur l’ombudsman et la Loi de 2001 sur les municipalités, élargissant les pouvoirs d’enquête de l’ombudsman au-delà des organisations gouvernementales pour y inclure les municipalités. Les administrations municipales s’ajustent e sont depuis au rôle de surveillance élargi de l’ombudsman. Souvent, le personnel du Bureau de l’Ombudsman appelle directement le personnel municipal de première ligne. Lorsque l’ombudsman appelle, quelles sont les questions clés qu’il ne faut pas perdre de vu?
Tout d’abord, le pouvoir d’enquête de l’ombudsman est défini très globalement : « L’ombudsman enquête sur les décisions prises, les recommandations formulées, les actions accomplies ou les omissions faites par un[e municipalité] dans le cours de ses activités et qui affectent un particulier ou un groupe de particuliers à ce titre »1. « L’ombudsman peut enquêter sur la plainte de tout intéressé, qu’il reçoit directement ou que lui communique un député à l’Assemblée, ou de sa propre initiative2. » Les tribunaux ont interprété très largement les compétences de l’ombudsman, y compris le pouvoir d’enquête sur le bien-fondé de sa capacité décisionnelle3. Si l’ombudsman décide d’enquêter sur des cas présumés de mauvaise administration municipale, il a la compétence pour le faire.
Toutefois, l’ombudsman est une création de la loi et sa compétence est définie en conséquence. Par exemple, l’ombudsman n’a pas l’autorité pour « enquêter sur une plainte concernant une décision, recommandation, action ou omission qui relève de la compétence de l’ombudsman municipal pour la cité de Toronto4 ». En outre, il n’a pas non plus l’autorité pour « enquêter sur une décision, recommandation, action ni omission […] d’un conseiller juridique d[e la municipalité]5 ».
Le point le plus important est peut-être que la compétence de l’ombudsman consiste à « enquêter ». Il est donc important de déterminer les circonstances et les moments où il « mène une enquête ». L’ombudsman ne mène pas une enquête à moins qu’il ait donné un avis d’intention à cet égard : « Avant d’enquêter, l’ombudsman informe de son intention le chef de [la municipalité] en cause6 ».
Qui est le « chef » d’une municipalité? Pour toutes les municipalités locales, le « chef » est son conseil.
Comment communiquer avec un conseil municipal? On communique avec un conseil municipal par l’intermédiaire du greffier de la ville, qui inscrit la correspondance à l’ordre du jour d’une réunion correctement constituée du conseil. Par conséquent, à moins que l’ombudsman n’ait donné un avis d’enquête au conseil par l’intermédiaire du greffier de la ville, il n’a pas entamé une « enquête » dans le cadre de sa compétence élargie.
L’avis d’enquête de l’ombudsman est important pour au moins trois raisons.
Premièrement, les municipalités sont déjà le niveau de gouvernement considéré le plus proche des citoyens qu’elles desservent7. La mobilisation citoyenne comprend la participation aux réunions ouvertes du conseil et la prise de parole à ces occasions, l’accès direct à des conseillers municipaux individuels, l’accès à des dossiers municipaux, et la possibilité de déposer des plaintes concernant les intérêts pécuniaires et les infractions présumées aux codes de conduite municipaux des membres. Cette proximité distingue les administrations municipales des autres « organismes du secteur public » qui relèvent des compétences de l’ombudsman. Par conséquent, si la surveillance de l’ombudsman rime avec l’utilisation de ressources municipales et provinciales supplémentaires, il est dans l’intérêt des contribuables que ces ressources soient déployées efficacement.
Deuxièmement, la pratique de l’ombudsman de faire des enquêtes directement auprès du personnel municipal et des conseillers avant l’avis d’enquête constitue un risque juridique potentiel pour la personne et pour la municipalité dans la mesure où les protections mentionnées au paragraphe 19(3.1) de la Loi sur l’Ombudsman sont prévues pour les divulgations d’informations personnelles « qui ont trait à l’objet de l’enquête ».
Troisièmement, les règles générales de l’ombudsman8 ont pour champ d’application les [traduction] « enquêtes préliminaires » dans les cas où des informations complémentaires sont requises par l’ombudsman, soit pour confirmer une plainte, soit dans le cas où l’aide immédiate d’un plaignant est requise et où les circonstances de la plainte rendent impossible la mise en œuvre immédiate des exigences établies de la Loi.
Il est intéressant de noter que le rapport annuel de l’ombudsman pour la période se terminant le 31 mars 2022 décrit une participation importante à la résolution des « affaires » plutôt que des enquêtes ou des étapes préliminaires dans le cadre des règles générales relatives à la confirmation d’une plainte9
« Lors de la dernière année écoulée, nous avons traité 2877 cas concernant des questions municipales générales, soit une hausse par rapport aux 2 281 de 2020-2021. Aucun de ces cas n’a mené à une enquête officielle, car nous réglons la grande majorité des cas en collaborant étroitement avec les municipalités pour faciliter ces règlements et partager des pratiques exemplaires afin de les aider à améliorer leurs processus. Depuis que le mandat de l’Ombudsman a été élargi pour la première fois à ce domaine en 2016, nous avons reçu presque 20 000 plaintes et demandes de renseignements, et mené 6 enquêtes officielles. »
À tout le moins pour ces raisons, il faudrait envisager d’établir des lignes directrices ou des directives qui orienteront le personnel municipal dans ses communications avec le bureau de l’Ombudsman ou qui leur apporteront de l’aide dans ces situations. Le personnel et les membres du conseil voudront également s’assurer d’agir dans les limites de leurs pouvoirs, y compris aux fins de l’assurance ou du respect des conditions d’un arrêté d’indemnisation, le cas échéant. Au minimum, le personnel municipal et les membres du conseil peuvent considérer qu’il est souhaitable de renvoyer les demandes de renseignements de l’ombudsman au greffier de la ville qui, à son tour, peut recevoir un avis d’enquête de l’ombudsman ou l’aider à obtenir toute information de la municipalité afin de confirmer une plainte dans le champ d’application des règles générales de l’ombudsman.
L’article a déjà été publié sur la page des articles de la Section du droit municipal de l’ABO le 21 février 2023.
David J. Potts est le conseiller juridique de la ville de Peterborough (Ontario) et le coordonnateur régional du comité de direction de la Section du droit municipal de l’Association du Barreau de l’Ontario. Il est accrédité par le Barreau de l’Ontario à titre de spécialiste en droit municipal (administrations municipales).
NOTES DE FIN
1 Loi sur l’ombudsman, L.R.O. 1990, chap. O.6 (Loi sur l’O.) art. 14(1).
2 Loi sur l’O., art. 14(2).
3 Voir, par exemple, Ombudsman de l’Ontario et Commission des relations de travail de l’Ontario (1986), [1987] O.J. No. 7 (C.A.); conf. (1987), [1987] C.S.C.R. 174.
4 Loi sur l’O., art. 14(4.2).
5 Loi sur l’O., art. 14(4(b)).
6 Loi sur l’O., art. 18(1)
7 Toronto (Cité) c. Ontario (Procureur général),2021 CSC 34 au ¶118.
8 R.R.O. 1990, Reg. 865, s. 4(1).
9 Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario, Rapport annuel 2021-2022, (Toronto : Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario, août 2022), p. 26, en ligne. Texte en gras dans l’original.