MĂ©fiez-vous de ce que vous souhaitez

  • 31 mai 2024
  • Dr. A Neil Campbell, Jonathan O’Hara, William Pellerin, Jamie M. Wilks et Tayler Farrell

Affaires mondiales Canada (« AMC ») a fourni ses premières directives sur l’application des sanctions Ă©conomiques prĂ©vues dans la Loi sur les mesures Ă©conomiques spĂ©ciales et dans ses règlements, ainsi que dans la Loi sur la corruption d’agents publics Ă©trangers (Loi Sergei Magnitsky).

Les entreprises canadiennes et internationales demandent depuis longtemps des conseils pratiques sur plusieurs Ă©lĂ©ments clĂ©s du rĂ©gime de sanctions du Canada. Contrairement aux autoritĂ©s chargĂ©es des sanctions dans d’autres territoires alliĂ©s, le manque d’orientation d’AMC ajoute des difficultĂ©s et de l’incertitude pour les entreprises canadiennes qui dĂ©ploient des efforts pour se conformer aux lois.

En vertu des directives qui viennent d’ĂŞtre publiĂ©es, qui sont très attendues et, Ă  certains Ă©gards utiles, AMC adopte une approche affirmĂ©e envers l’interprĂ©tation et l’application des lois canadiennes sur les sanctions. Les directives sont susceptibles d’entraĂ®ner des rĂ©percussions importantes tant pour les entreprises canadiennes que pour les entreprises non canadiennes en matière des sanctions associĂ©es aux lois canadiennes, particulièrement en ce qui concerne les infractions de facilitation.

Les sociĂ©tĂ©s canadiennes et internationales devraient demander l’avis d’un juriste en commerce international afin de tenir compte des consĂ©quences des directives sur les conseils qu’elles ont dĂ©jĂ  reçus relativement aux sanctions canadiennes.

(a) Présentation des directives

Nous prĂ©sentons ci-dessous la position d’AMC sur des enjeux clĂ©s et nous discutons de diffĂ©rents scĂ©narios.

(i) Transactions avec une entité qui traite avec une personne désignée (infraction de facilitation)

En vertu du Règlement sur les mesures Ă©conomiques spĂ©ciales visant la Russie (le « Règlement »), il est interdit Ă  toute personne au Canada et Ă  tout Canadien Ă  l’Ă©tranger (une « partie canadienne ») de faciliter directement ou indirectement des transactions liĂ©es Ă  des transactions portant sur un bien avec des personnes sanctionnĂ©es.

Il Ă©tait gĂ©nĂ©ralement interprĂ©tĂ© que cette interdiction s’appliquait Ă  deux parties canadiennes : la partie canadienne faisant affaire avec les biens d’une personne sanctionnĂ©e et la partie canadienne facilitant une telle transaction (parfois appelĂ©e l’exigence de « deux parties canadiennes »).

Toutefois, les directives affirment que cette interdiction de facilitation s’applique Ă©galement aux transactions de personnes non canadiennes. Elles prĂ©cisent que le Règlement interdit de faciliter directement ou indirectement des opĂ©rations avec une personne dĂ©signĂ©e.

Les directives fournissent Ă©galement l’exemple suivant pour « faciliter » une opĂ©ration interdite :

ScĂ©nario 1 : Une entreprise canadienne (A) est l’utilisateur final d’un type de produit qu’elle achète Ă  un fournisseur Ă©tranger non dĂ©signĂ© (B). L’entreprise B fabrique ce produit en utilisant des matĂ©riaux qu’elle obtient directement d’une entreprise rĂ©cemment dĂ©signĂ©e en vertu du Règlement sur les mesures Ă©conomiques spĂ©ciales visant la Russie (C).

Bien qu’il puisse ĂŞtre lĂ©gal pour l’entreprise B de traiter avec l’entreprise C en dehors du Canada, les transactions rĂ©sultant d’une transaction entre l’entreprise A et l’entreprise B sont maintenant considĂ©rĂ©es comme interdites en vertu des lois canadiennes sur les sanctions. Il s’agit d’un fait notable, car l’entreprise B est un fournisseur Ă©tranger, et le scĂ©nario met en Ă©vidence les profondes rĂ©percussions de la nouvelle interprĂ©tation des lois canadiennes sur les sanctions qu’impose AMC.

(ii) Quand une interdiction s’applique-t-elle?

Les directives prĂ©cisent le calendrier des interdictions de sanctions et l’absence d’effet rĂ©troactif. AMC fournit des exemples significatifs qui confirment que les contrats et les transactions conclus avant qu’une personne ne soit sanctionnĂ©e ne contreviennent pas Ă  l’interdiction des transactions.

Plus instructif encore, les directives stipulent que la rĂ©ception de marchandises d’une entitĂ© sanctionnĂ©e après sa dĂ©signation ne violera pas l’interdiction de transactions tant qu’aucune transaction ultĂ©rieure n’aura lieu avec l’entitĂ© inscrite sur la liste. En effet, AMC considère qu’il n’est pas interdit de recevoir des marchandises d’une partie sanctionnĂ©e s’il n’y a aucun autre paiement ou transfert d’avantages Ă  la partie sanctionnĂ©e.

(iii) Traiter avec les filiales d’une sociĂ©tĂ© dĂ©signĂ©e

Tant la Loi sur les mesures Ă©conomiques spĂ©ciales que la Loi sur la corruption d’agents publics Ă©trangers assujettissent Ă  l’interdiction d’opĂ©rations les biens qui sont dĂ©tenus ou contrĂ´lĂ©s par une sociĂ©tĂ© sanctionnĂ©e. Historiquement, il n’Ă©tait pas clair si le bien de la filiale d’une sociĂ©tĂ© dĂ©signĂ©e Ă©tait le « bien » de la sociĂ©tĂ© sanctionnĂ©e, et donc aussi assujetti Ă  l’interdiction d’opĂ©rations.

Pour rĂ©gler ce problème, le gouvernement du Canada a introduit une disposition relative Ă  la propriĂ©tĂ© prĂ©sumĂ©e pour toute entitĂ© que la sociĂ©tĂ© dĂ©signĂ©e « contrĂ´le ». Si l’une des conditions suivantes s’applique, une sociĂ©tĂ© sanctionnĂ©e est rĂ©putĂ©e « contrĂ´ler » la filiale et celle-ci est alors rĂ©putĂ©e ĂŞtre un bien « dĂ©tenu » par la sociĂ©tĂ© dĂ©signĂ©e :

  • la personne sanctionnĂ©e dĂ©tient, directement ou indirectement, 50 % ou plus des actions ou des titres de participation de l’entitĂ© ou au moins 50 % des droits de vote;
  • la personne sanctionnĂ©e est en mesure, directement ou indirectement, de modifier la composition ou les pouvoirs du conseil d’administration de l’entitĂ©;
  • il est raisonnable de conclure que la personne sanctionnĂ©e est en mesure, directement ou indirectement et par tout moyen, de diriger les activitĂ©s de l’entitĂ©.

Cette disposition a alimenté les doutes et ajouté beaucoup de complexité à tout ce qui touche les efforts de conformité.

Les nouvelles directives ajoutent de l’incertitude. La FAQ indique que lorsqu’une sociĂ©tĂ© dĂ©signĂ©e « exerce une influence considĂ©rable sur la prise de dĂ©cisions stratĂ©giques [de la filiale] », la règle de la propriĂ©tĂ© prĂ©sumĂ©e s’applique. Il n’est pas clair si l’« exercice d’une influence considĂ©rable » tente d’Ă©largir le sens ordinaire du critère de la « direction des activitĂ©s de la filiale » prĂ©vu dans la loi ni dans quelle mesure.

(b) Conclusion

Nous ignorons si AMC publiera d’autres directives pour clarifier la première sĂ©rie de questions soulevĂ©es dans la FAQ. Dans un monde de chaĂ®nes d’approvisionnement mondiales complexes, ces nouveaux libellĂ©s exerceront une grande incidence sur les entreprises ou les particuliers canadiens, oĂą qu’ils se trouvent, ainsi que sur les entreprises Ă©trangères qui exercent leurs activitĂ©s au Canada.


Neil Campbell, Jonathan O’Hara, William Pellerin et Jamie M. Wilks sont associĂ©s, alors que Tayler Farrell est sociĂ©taire chez McMillan.