Remarque : Cet article a Ă©tĂ© publiĂ© pour la première fois sur le site Convivialism Transnational (disponible uniquement en anglais). Il est publiĂ© de nouveau avec l’autorisation de l’auteure. Son style et son orthographe ont Ă©tĂ© lĂ©gèrement Ă©ditĂ©s. Veuillez vous rĂ©fĂ©rer Ă l’article original pour les rĂ©fĂ©rences.
Introduction
Les gouvernements, ainsi que les organisations internationales et les organisations non gouvernementales tirent une portion considĂ©rable de leur comprĂ©hension de la corruption et des moyens de s’y opposer Ă partir de rĂ©sultats de recherche indĂ©pendante. Ă€ date, la facette approvisionnement de la corruption, soit les entitĂ©s devant fournir les fonds (ainsi que les produits ou services) pour que leurs intĂ©rĂŞts soient satisfaits, a fait l’objet de vastes Ă©tudes, particulièrement dans le contexte de l’aide au dĂ©veloppement international1, alors que la facette demande est demeurĂ©e relativement peu Ă©tudiĂ©e2. La rĂ©cente attention portĂ©e par Transparency International3 sur les « bĂ©nĂ©ficiaires », soit les personnes naturelles dissimulĂ©es derrière le voile de l’entitĂ© juridique4 qui profitent des opĂ©rations entachĂ©es de corruption, est un ajout bienvenu. Dans le prĂ©sent article, j’approfondis l’analyse en examinant les bĂ©nĂ©ficiaires indirects, ceux qui tirent un profit indirect de l’opĂ©ration principale entachĂ©e de corruption et en sont des acteurs nĂ©cessaires mais au « deuxième degrĂ© » 5. Le prĂ©sent article aborde donc la question des effets secondaires de la demande indirecte attachĂ©s aux opĂ©rations entachĂ©es de corruption. Il est axĂ© sur les bĂ©nĂ©ficiaires dans le secteur immobilier rĂ©sidentiel au sein des grandes villes qui facilitent, sciemment ou non, le blanchiment et donc l’intĂ©gration des produits de la corruption dans l’Ă©conomie du logement.
Bien que les villes dĂ©veloppĂ©es se placent aux dernières positions sur les indicateurs de la corruption6, leurs administrations s’Ă©tant engagĂ©es envers une coopĂ©ration officialisĂ©e dans des fora internationaux et transnationaux, les dix dernières annĂ©es suscitent des prĂ©occupations. Le secteur de l’immobilier rĂ©sidentiel fait partie des domaines touchĂ©s, plus particulièrement celui des rĂ©sidences de luxe7 attribuĂ© Ă des investissements Ă©trangers directs Ă grande Ă©chelle dans les activitĂ©s commerciales et le dĂ©veloppement dans le secteur immobilier. Par rapport aux mentions de plus en plus frĂ©quentes dans les mĂ©dias, les Ă©tudes thĂ©oriques axĂ©es sur la facette demande de la corruption qui alimente cette augmentation demeurent rares. Il n’existe aucune Ă©tude portant sur les bĂ©nĂ©fices indirects revenant aux industries satellites du secteur immobilier et aux pouvoirs publics qui desservent par inadvertance les opĂ©rations immobilières fondĂ©es sur des produits de la corruption, et ultĂ©rieurement, la demande suscitĂ©e Ă l’Ă©gard des opĂ©rations immobilières financĂ©es de la sorte. Il n’existe aucune Ă©tude des incidences de la demande indirecte sur les sociĂ©tĂ©s dĂ©veloppĂ©es, ni des efforts dĂ©ployĂ©s pour s’y opposer, de façon unilatĂ©rale ou en collaboration avec des États ayant adoptĂ© le mĂŞme point de vue.
Le prĂ©sent article s’aventure donc en territoire inconnu. L’infusion massive de fonds qui alimentent le secteur immobilier rĂ©sidentiel dans de grands centres urbains tels que Sydney et Melbourne, Londres (Royaume-Uni), Vancouver et Toronto, New York et San Francisco, a Ă©tĂ© attribuĂ©e aux principales Ă©conomies Ă©mergentes bordant l’ocĂ©an Pacifique, et tout particulièrement la Chine8. Une demande indirecte des fonds importĂ©s est apparue dans les pays hĂ´tes, qui bien qu’Ă©tant « invisible » a causĂ© une Ă©rosion graduelle de la rĂ©partition relativement Ă©gale de la prospĂ©ritĂ© matĂ©rielle Ă l’Ă©chelle locale.
Causant un effet de vague, Ă Vancouver l’activitĂ© houleuse au sein du marchĂ© de l’immobilier a bouleversĂ© le sens de la communautĂ© dans les quartiers touchĂ©s, suscitant la mĂ©fiance face Ă la soliditĂ© de la primautĂ© du droit sur laquelle reposent les pouvoirs publics9. Face Ă une tentation matĂ©rielle jamais Ă©galĂ©e, la rĂ©silience de certains secteurs Ă©conomiques a montrĂ© des signes d’usure. L’organe exĂ©cutif des pouvoirs publics (municipalitĂ©, ordre fĂ©dĂ©ral et infra-fĂ©dĂ©ral) ont pĂŞchĂ© par nĂ©gligence, d’abord en ne reconnaissant pas la pression Ă©conomique crĂ©Ă©e par l’argent blanchi dans le pays puis en n’y rĂ©sistant pas10. Ce n’est que rĂ©cemment, alors qu’il est devenu impossible de faire abstraction des stupĂ©fiants effets nĂ©fastes et alors que les Ă©lections provinciales et municipales en Colombie-Britannique approchaient, que les pouvoirs publics ont Ă©tĂ© obligĂ©s (par les mĂ©dias) Ă introduire de la lĂ©gislation et de la règlementation visant Ă les attĂ©nuer. Naturellement, le milieu Ă©conomique rĂ©ceptif de la Colombie-Britannique s’est Ă©galement avĂ©rĂ© un objet de prĂ©occupation pour les pouvoirs publics victimes d’Ă©vasion fiscale Ă l’Ă©gard de fonds dĂ©posĂ©s en toute sĂ©curitĂ© sous la fausse bannière de placements immobiliers. Au moins depuis 2015, la Chine tente-t-elle, « en vertu d’une opĂ©ration appelĂ©e “Sky Net” » 11, de rapatrier certains de ses ressortissants soupçonnĂ©s de corruption.
J’utilise l’analyse suivante pour souligner que les politiques de lutte contre la corruption doivent voir au-delĂ de la lutte contre les Ă©lĂ©ments immĂ©diats de la corruption. Ă€ moins que des mĂ©canismes de contrĂ´le soient mis en place pour combattre la demande indirecte des produits de la corruption, les retombĂ©es contagieuses corruptrices dans la sociĂ©tĂ© en gĂ©nĂ©ral ne pourront ĂŞtre enrayĂ©es.
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