En aoĂ»t 2022, le juge Morgan de la Cour supĂ©rieure de justice de l’Ontario a statuĂ© qu’un propriĂ©taire d’unitĂ© n’avait pas Ă©tĂ© opprimĂ© mĂŞme s’il n’Ă©tait pas satisfait des mesures prises par le conseil d’administration des copropriĂ©taires pour rĂ©pondre Ă ses plaintes concernant le bruit. En janvier 2024, la Cour d’appel de l’Ontario a rejetĂ© l’appel du propriĂ©taire de l’unitĂ©, confirmant ainsi la dĂ©cision du juge Morgan1.
Cette affaire est pertinente pour les associations condominiales, les gestionnaires de copropriétés et leurs assureurs. Voici quelques points clés à retenir :
- Il existe une distinction entre le bruit provenant d’une autre unitĂ© et celui provenant d’un Ă©lĂ©ment commun,
- Il existe une distinction entre le bruit provenant d’une utilisation licite de l’unitĂ© et celui provenant d’une utilisation illicite de cette dernière,
- La prise de dĂ©cision des conseils d’administration des copropriĂ©taires doit faire l’objet de dĂ©fĂ©rence,
- L’insatisfaction d’un propriĂ©taire d’unitĂ© Ă l’Ă©gard de la rĂ©ponse raisonnable du conseil d’administration Ă une plainte relative au bruit ne suffit pas pour Ă©tablir l’oppression.
Histoire du différend relatif au bruit
L’appelant vivait juste au-dessous d’une femme et de ses deux enfants, dont l’un avait besoin de soins mĂ©dicaux 24 heures sur 24, impliquant un certain nombre d’Ă©quipements mĂ©dicaux. Une infirmière Ă©tait prĂ©sente Ă la maison tous les soirs pour s’occuper de l’enfant pendant la nuit.
L’appelant a dĂ©posĂ© des plaintes concernant le bruit auprès de la sĂ©curitĂ© et de la direction, allĂ©guant que le bruit de ses voisins Ă l’Ă©tage Ă©tait perturbateur, surtout la nuit. Il a commencĂ© Ă porter plainte contre le bruit en 2015. Le personnel de l’immeuble a enquĂŞtĂ© Ă plusieurs reprises sur la source du bruit, notamment en discutant avec la rĂ©sidente de l’Ă©tage. Lorsque la copropriĂ©tĂ© a dĂ©terminĂ© que le bruit Ă©tait causĂ© par le fait que la fille de la rĂ©sidente de l’Ă©tage jouait trop fort, elle a envoyĂ© une lettre d’avertissement et la situation a apparemment Ă©tĂ© corrigĂ©e. Le conseil d’administration a proposĂ© de mener une Ă©tude sur le bruit et d’autres inspections du bruit, mais l’appelant a refusĂ©, affirmant que le problème avait largement disparu.
Environ quatre ans plus tard, l’appelant a recommencĂ© Ă porter plainte contre le bruit. En mars 2021, il avait retenu les services d’un conseiller juridique. Le conseil d’administration a initiĂ© plusieurs Ă©tudes de bruit par l’intermĂ©diaire d’un ingĂ©nieur acoustique, qui n’ont rĂ©vĂ©lĂ© aucun problème avec les Ă©lĂ©ments communs en ce qui concerne le contrĂ´le du bruit/vibration ni aucun Ă©vĂ©nement sonore important survenant dans l’unitĂ© de l’appelant. L’appelant a retenu les services d’un ingĂ©nieur acoustique pour effectuer un essai de bruit dont la mĂ©thodologie et les conclusions diffĂ©raient de celles de l’ingĂ©nieur retenu par le conseil d’administration.
La demande
L’appelant (Ă l’Ă©poque le demandeur) a dĂ©posĂ© une requĂŞte allĂ©guant que l’association condominiale l’avait opprimĂ© et n’avait pas fait respecter la Loi sur les condominiums ainsi que les règlements administratifs, dĂ©clarations et règles de l’association.
Dans la dĂ©cision relative Ă la demande2, le juge Morgan a examinĂ© et appliquĂ© la lĂ©gislation portant sur les diffĂ©rends liĂ©s au bruit dans les copropriĂ©tĂ©s, en s’appuyant principalement sur :
Le juge Morgan a statuĂ© que Zaman s’appliquait le plus au cas d’espèce, oĂą la nuisance sonore provenait d’un voisin engagĂ© non pas dans une activitĂ© illĂ©gale ou inappropriĂ©e en soi, mais dans une activitĂ© ordinaire (conversation sur un balcon) Ă des heures inhabituelles de la nuit. Il a conclu que le la cour, dans Zaman, avait statuĂ© qu’un conseil d’administration de copropriĂ©taires n’agissait pas de manière oppressive en ne mettant pas fin Ă ce niveau d’activitĂ©, qu’il existe certaines activitĂ©s dans une unitĂ© privĂ©e que le conseil d’administration n’a tout simplement pas le pouvoir d’arrĂŞter3.
En l’espèce, l’attention portĂ©e par le conseil d’administration aux plaintes du demandeur a Ă©tĂ© « au-delĂ » de ce Ă quoi on pouvait s’attendre4 :
Lorsque l’appelant a produit des rapports d’expertise dĂ©crivant des bruits inhabituels la nuit, la dĂ©fenderesse a rĂ©pondu avec ses propres rapports d’expertise. Ces rapports indiquaient que la construction du bâtiment Ă©tait satisfaisante et qu’il n’y avait pas de niveau sonore excessif. Les avocats du demandeur contestent ces rapports, mais c’est ce qu’ils disent. On ne peut pas dire que la dĂ©fenderesse n’a rien fait alors qu’elle a retenu deux experts diffĂ©rents qui ont produit des rapports que le demandeur n’aime toutefois pas.
Le juge Morgan a Ă©galement refusĂ© d’ordonner Ă la voisine du dessus d’installer un plancher surĂ©levĂ© et rembourrĂ©, ce qui semblait ĂŞtre le principal recours demandĂ© en plus des dommages-intĂ©rĂŞts pour la prĂ©sumĂ©e oppression. En consĂ©quence, il a rejetĂ© la demande.
La Cour d’appel a confirmĂ© le rejet de la demande
L’appel portait sur la dĂ©cision du juge Morgan de ne pas ordonner Ă la voisine du dessus d’installer un plancher surĂ©levĂ© et rembourrĂ©. L’appelant a soutenu que l’article 134 de la Loi sur les condominiums autorisait une telle ordonnance. Cependant, la Cour a notĂ© que l’objectif du juge Morgan Ă©tait de rendre cette ordonnance comme remède Ă une prĂ©tendue oppression. La Cour d’appel a statuĂ© qu’en changeant l’orientation de son appel, l’appelant ignorait les arguments avancĂ©s devant le juge Morgan5. La Cour d’appel a statuĂ© que l’appelant ne devrait pas ĂŞtre autorisĂ© Ă « reformuler sa demande » si tard dans le processus d’appel, alors que son choix initial n’a pas eu l’issue escomptĂ©e6. Par consĂ©quent, seul le rejet du recours pour oppression par le juge Morgan a Ă©tĂ© examinĂ© en appel.
La Cour d’appel n’avait aucune raison de modifier la conclusion du juge Morgan selon laquelle le conseil d’administration avait agi raisonnablement. La Cour n’a pas non plus jugĂ© bon de modifier la conclusion selon laquelle le juge Morgan ne pouvait pas ordonner le rĂ©amĂ©nagement de l’unitĂ© situĂ©e Ă l’Ă©tage parce que cela n’avait pas Ă©tĂ© associĂ© Ă la procĂ©dure. Selon la Cour, cela revenait au cĹ“ur de l’affaire portĂ©e devant le juge chargĂ© de la demande, Ă savoir la rĂ©paration contre le conseil d’administration au moyen du recours pour oppression. En consĂ©quence, l’appel a Ă©tĂ© rejetĂ©.
Commentaires
Les plaintes concernant le bruit peuvent ĂŞtre des questions compliquĂ©es. Elles deviennent plus complexes lorsqu’il s’agit d’une autre unitĂ© qui est prĂ©sumĂ©e ĂŞtre Ă l’origine du bruit, par opposition Ă un Ă©lĂ©ment commun. Le conseil d’administration se retrouve confrontĂ© Ă la tâche difficile de dĂ©cider de la marche Ă suivre appropriĂ©e. Parfois, il sera nĂ©cessaire de faire appel Ă des experts pour vĂ©rifier le bruit reprochĂ©. MĂŞme si les tribunaux doivent faire preuve de dĂ©fĂ©rence Ă l’Ă©gard de la dĂ©cision du conseil d’administration, ils s’attendent Ă une rĂ©ponse raisonnable de sa part. Les conseils d’administration et les gestionnaires de copropriĂ©tĂ© devraient envisager de consulter un conseiller juridique ou une conseillère juridique pour les aider Ă formuler une rĂ©ponse appropriĂ©e Ă de telles plaintes.
Avi Sharabi est associé et Leigh Clark est avocate chez Stieber Berlach LLP.
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