Un tribunal de la Colombie-Britannique donne un coup de barre à l’obligation de défense de l’assureur

  • 21 novembre 2024
  • Amrit Kalra

L’obligation de défense, enchâssée dans les polices, est un élément clé des protections d’assurance. C’est une obligation fondamentale de l’assureur, qui doit fournir une représentation juridique et une aide financière quand une action est intentée contre l’assuré.

Dans la décision Surrey (City) v. Co-operators General Insurance Company 2023 BCSC 955, la Cour a confirmé que cette obligation s’applique non pas quand la couverture est certaine, mais plutôt dès qu’il est possible que l’action relève bien de la police d’assurance.

La Ville de Surrey (« Surrey ») a intenté une action par voie de procès sommaire, demandant une ordonnance pour obliger la Compagnie d’assurance générale Co-operators (« Co-operators ») à la défendre dans une procédure sous-jacente ayant trait à un préjudice corporel.

Cette procédure avait un lien avec une action pour négligence intentée par M. Lanki pour des dommages-intérêts à la suite d’un incident où il s’est blessé en utilisant une presse à jambes au centre de conditionnement physique de Surrey. Il alléguait qu’une barre s’insérant dans cette presse – qui n’était pas conçue pour l’appareil – est tombée, ce qui lui a causé une blessure

Surrey était liée par des ententes de services à son sous-traitant (« Elk ») qui fournissait des services d’entretien périodique, de réparation et de prévention pour les appareils du centre de conditionnement physique. Surrey était nommée comme assurée additionnelle dans l’assurance responsabilité civile générale souscrite par Elk avec Co-operators, assurance qui comportait une disposition de non-responsabilité dans le cas des lésions corporelles survenant du fait de toute action ou omission de la part de Surrey ou de ses employés.

S’appuyant sur cette disposition et sur sa position dans la procédure sous-jacente, Co-operators a refusé d’indemniser Surrey. De son côté, Co-operators a intenté une action pour obtenir le rejet du procès par voie sommaire, niant toute responsabilité dans la procédure sous-jacente en faisant valoir que ce n’était pas Elk qui avait placé la barre manquante et que l’incident résultait d’actions de la part de Surrey ou d’un tiers.

Dans sa contestation de la demande de défense déposée par Surrey, Co-operators a fait observer que s’il était fait droit à la demande de procès sommaire, elle serait dégagée de son obligation de défendre Surrey, sa protection d’assurance ne couvrant pas les lésions corporelles causées par l’assurée additionnelle (Surrey) ou ses employés.

Y a-t-il un devoir de défense à remplir?

La Cour a examiné les principes bien connus à la base de toute interprétation d’une police d’assurance, principes s’appliquant également à l’obligation de défense et aux dispositions de non-responsabilité :

  1. L’objet général d’une police d’assurance est de protéger l’assuré contre les pertes découlant d’actions imprévues ou accidentelles.
  2. Les contrats d’assurance doivent être interprétés selon la compréhension qu’en aurait un profane qui demande une police, et non d’après les perceptions qu’en auraient les spécialistes du droit des assurances.
  3. Les tribunaux devraient interpréter le contrat d’assurance dans son ensemble.
  4. Quant aux contrats d’adhésion, les tribunaux devraient privilégier les interprétations reflétant les attentes raisonnables des parties et se garder d’interprétations qui déboucheraient sur un résultat irréaliste ou qui n’était pas envisagé par les parties à la signature du contrat.
  5. Quand la police est ambiguë ou obscure, le problème d’interprétation doit être résolu en faveur de l’assuré.
  6. L’assureur a l’obligation de défense uniquement quand les faits allégués dans la procédure, s’ils étaient prouvés, l’obligeraient à indemniser l’assuré (la « règle des actes de procédure »).
  7. La simple possibilité qu’une action relève de la protection stipulée par la police d’après l’examen de la procédure est suffisante pour justifier l’obligation de défense.
  8. Si la plaidoirie est trop imprécise, il y a obligation de défense dès qu’il est possible de déduire la présence d’une protection d’après une lecture raisonnable de cette plaidoirie.
  9. Pour qu’une disposition de non-responsabilité l’emporte sur l’obligation de défense, elle doit s’appliquer clairement et sans équivoque à toutes les actions intentées contre l’assuré.
  10. L’expression « découlant de » est à interpréter dans le sens d’une « suite ininterrompue de causes et d’effets » et d’un lien causal qui va plus loin qu’un lien « simplement accidentel ou fortuit ».

La Cour, au vu du critère sous-tendant l’obligation de défense d’après la règle des actes de procédure, a reconnu que la preuve extrinsèque peut servir à déterminer les véritables nature et portée de l’obligation de défense de l’assureur. Toutefois, la Cour a souligné qu’il ne faut pas tenir compte d’une preuve prématurée qui exigerait que soient tirées des conclusions susceptibles d’influer sur le litige sous-jacent, car cela reviendrait à préconiser abusivement une méthode qui ferait de la demande relative à l’obligation de défense « un procès à l’intérieur d’un procès ».

La Cour a soigneusement analysé les actes de la procédure sous-jacente et conclu que Co-operators serait obligée de défendre Surrey d’après les allégations faites par M. Lanki quant à la négligence dans l’entretien et l’état de la presse à jambes. Elle a tenu compte de la suite ininterrompue de causes et d’effets et du lien allégué entre l’assuré principal (Elk) et les activités à l’origine de l’action contre Surrey.

La Cour a aussi souligné l’importance des dispositions de non-responsabilité et la nécessité d’un libellé clair et sans équivoque pour justifier les arguments contre l’obligation de défense. En présence d’ambiguïté, le tribunal tranche en faveur de l’assuré. En l’espèce, la Cour a conclu que Co-operators ne s’était pas acquittée du fardeau de prouver que la disposition de non-responsabilité s’appliquait de façon à exclure son obligation de défense vu l’absence de faute indépendante de la part de Surrey dans les actes de procédure, et il n’y avait pas moyen de distinguer les actions contre Surrey de celles couvertes par l’assurance de Co-operators.

Le fardeau de la preuve repose sur l’assureur, qui doit démontrer que la disposition de non-responsabilité s’applique sans équivoque et exclut l’obligation de défense. La Cour a souligné qu’il serait injuste d’exiger que l’assuré établisse les conditions de protection avant d’être saisi d’une défense.

Les polices d’assurance sont essentielles à la protection des personnes physiques et morales contre les obligations potentielles. La décision susmentionnée confirme que l’obligation de défense s’applique lorsqu’il y a possibilité de couverture, et non d’après le jugement définitif.


Amrit Kalra est juriste au cabinet Brownlee Law.