Remarque : Cet article a été publié pour la première fois (disponible uniquement en anglais) par McInnes Cooper le 30 janvier 2017. Il est reproduit avec l’autorisation de l’auteure.
Le 27 janvier 2017, la Cour suprême du Canada a affirmé dans l’arrêt Sabean c. Portage La Prairie Mutual Insurance Co. que les futures prestations d’invalidité du RPC ne sont pas déductibles de la couverture fournie par un avenant SEF 44. La CSC a affirmé que les prestations d’invalidité du RPC ne sont pas des prestations au titre d’une « police d’assurance » au sens de l’avenant. La décision de la Cour a tranché entre diverses opinions judiciaires sur la question, mais uniquement dans le contexte de l’avenant SEF 44. La question du caractère déductible des prestations d’invalidité du RPC dans le contexte des dommages-intérêts délictuels demeure en cours d’examen par les tribunaux; la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse devant rendre une décision plus tard en 2017. Voici ce que l’arrêt de la Cour signifie pour les assureurs.
M. Sabean a été blessé dans un accident automobile et a présenté une réclamation en responsabilité civile contre le conducteur fautif. L’assureur de l’intimé a versé environ 382 000 $, laissant un découvert d’environ 83 400 $ au titre des dommages-intérêts. M. Sabean a demandé le solde à son propre assureur en vertu de l’avenant SEF 44. Ledit avenant ne fait pas partie intégrante de la police normalisée d’assurance automobile. Il s’agit d’un contrat pour une garantie complémentaire en sus des sommes versées à l’assuré par le conducteur fautif. Portage cherchait à déduire les prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada devant être versées à M. Sabean à l’avenir en vertu de la clause 4(b)(vii) de l’avenant SEF 44. Aux termes de cette clause, un montant recouvrable par l’assuré en vertu « de toute police d’assurance stipulant une indemnité d’invalidité ou de réadaptation, ou une indemnité pour manque à gagner ou frais médicaux » est déductible de toute somme due à l’assuré par l’assureur signataire de l’avenant SEF 44. M. Sabean alléguait que les prestations d’invalidité du RPC à venir n’étaient pas versées en vertu d’une police d’assurance et n’étaient par conséquent pas déductibles.
Jusqu’à cette affaire, cette question de déductibilité avait donné lieu à de la jurisprudence divergente de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse et de celle du Nouveau-Brunswick. L’arrêt rendu en l’espèce ayant tranché la question est maintenant la jurisprudence applicable partout au Canada en matière de polices libellées de façon similaire. La Cour suprême du Canada a conclu que les prestations d’invalidité du RPC à venir ne seront pas versées conformément à une véritable « police d’assurance ». Par conséquent, elles ne peuvent correctement être déduites en vertu de la clause 4(b)(vii) de l’avenant SEF 44.
Réexamen de l’arrêt Ledcor et les principes d’interprétation des contrats
La Cour a réitéré les principes de l’interprétation des contrats en ce qu’ils s’appliquent aux contrats types. Elle a récemment confirmé dans l’arrêt Ledcor Construction Ltd. c. Société d’assurance d’indemnisation Northbridge (décision disponible ailleurs en français, mais lien disponible uniquement en anglais) que lorsque le libellé d’une clause en litige ne comporte aucune ambigüité, l’interprétation devrait donner effet à ce texte clair de la clause. La CSC a conclu que le libellé de la clause 4(b)(vii) n’était pas ambigu. Pour évaluer l’ambigüité, la Cour a indiqué que l’interprétation doit être faite par rapport à ce que comprendrait une personne ordinaire qui cherche à conclure un contrat d’assurance. Un acheteur d’assurance moyen interprèterait l’expression une « police d’assurance » comme un contrat d’assurance privé et non les prestations versées en vertu d’un mécanisme obligatoire tel que le RPC. Le fait d’adopter une lecture non technique des termes du contrat empêche les assureurs d’élargir la signification du libellé au-delà de ce qui est couché sur le papier.
Les incidences de l’arrêt Sabean sur l’administration de l’avenant SEF 44 et autres contrats d’assurance
Cette décision pourrait avoir un certain nombre d’effets sur les assureurs.
La Cour indique sans laisser de doute que le droit de base de l’interprétation des contrats s’appliquera. Les interprétations créatives des contrats types auront moins de chance d’être acceptées. Les tribunaux n’interprèteront le contrat que lorsque son libellé n’est pas clair. Les assureurs devraient veiller à ne pas lire entre les lignes des polices qu’ils proposent. La mise en garde de la Cour faite aux assureurs qui voudraient se fonder sur leur « connaissance spécialisée de la jurisprudence » pourrait devenir un extrait fréquemment cité dans le cadre de litiges portant sur la couverture.
Les assureurs devraient en outre savoir que bien que les actions en responsabilité délictuelle et la couverture de l’avenant SEF 44 se chevauchent, l’avenant SEF 44 sera lu pour ce qu’il prévoit, sans égard à la question de savoir s’il s’agit d’une couverture d’assurance « excessive ». « Les principes généraux du droit de la responsabilité délictuelle ne sauraient remplacer le libellé de la police » et l’indemnisation excessive n’est pas nécessairement évitée. Si les assureurs souhaitent déduire les prestations d’invalidité du RPC (ou toute autre prestation) de la couverture fournie, ils devront inclure une mention particulière de la déduction envisagée. Ainsi, les prestations d’accident du travail sont déductibles en vertu de la clause 4(b)(vii) de l’avenant SEF 44. De telles révisions devraient être claires tout en contenant autant de détails que possible puisque les clauses d’exclusion ambiguës seront lues de façon très restrictive en vertu de la doctrine contra proferentum (contre l’offrant, c’est-à-dire, l’assureur).
Le caractère déductible des prestations d’invalidité du RPC dans le contexte de la responsabilité délictuelle est une question en suspens devant la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse (Tibbets v Murphy) (disponible uniquement en anglais), qui devrait rendre une décision au printemps 2017. La jurisprudence au Canada n’est pas unanime et chaque région base le caractère déductible des prestations de remplacement du revenu et autres prestations sur son propre mécanisme législatif à cet égard. Restez à l’écoute.
Jillian Kean est avocate dans le cabinet McInnes Cooper à Halifax.
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