Tate v. Gueguegirre[1] est une affaire à la fois récente et courte traitée par la Cour divisionnaire de la Cour supérieure de justice de l’Ontario. La décision rendue offre des éléments supplémentaires quant à ce qui pourrait constituer des preuves ou des indices de l’existence d’une influence indue dans le contexte de la rédaction d’un testament.
Le testament du défunt a été contesté sur la base du manque de capacité à tester et de l’influence indue.[2] Le juge du fond a conclu qu’il existait des [traduction] « circonstances suspectes », mais « une absence de toute influence indue » et que « le testament a été fait par une personne possédant la capacité de tester ».[3]
En appel, la Cour divisionnaire a conclu que le juge du fond avait analysé correctement la question de la capacité à tester du testateur :
[Traduction] Le juge du fond a résumé la preuve des circonstances suspectes et conclu que lesdites circonstances réfutaient la présomption de capacité, laissant au défendeur la responsabilité de prouver la capacité en vertu de la prépondérance des probabilités. Le juge du fond a ensuite analysé la preuve de la capacité et a conclu que le défendeur " a, au regard de la norme civile, prouvé sur la base de la prépondérance des probabilités, que le testateur était en possession de la capacité de tester au moment de la signature du testament définitif.[4]
Cependant, le juge du fond n’a pas analysé la preuve ni n’a atteint de conclusions de fait quant à l’influence indue. La Cour divisionnaire a conclu que la question de l’influence indue n’avait pas été analysée et à l’absence de conclusions de fait ou de motifs pour justifier la conclusion du juge du fond selon laquelle le testament avait été fait en l’absence d’influence indue[5]. Il importe de remarquer que la Cour divisionnaire a souligné que
[Traduction] [i]l existait des preuves importantes suggérant que le testament était le produit d’une influence indue, y compris
- l’isolement croissant du testateur;
- la dépendance du testateur à l’égard du défendeur;
- les transferts considérables de biens réalisés antérieurement à son décès par le testateur au profit du défendeur;
- les inquiétudes exprimées par le testateur, bien qu’apparemment sans fondement, quant au fait qu’il arrivait au bout de ses ressources financières;
- le fait que le testateur n’a fourni aucune raison ou explication concernant sa décision de léguer l’intégralité de son patrimoine au défendeur et d’exclure ses filles du partage de ses biens;
- les changements fondamentaux de la situation entre le moment de la signature du premier testament et celui de la signature du testament final qui remettraient en cause les raisons antérieurement exprimées pour favoriser son fils dans son testament;
- le déménagement du testateur à Bobcaygeonn, qui a accru son isolement, et le contrôle exercé sur lui par le défendeur;
- les circonstances de la rédaction du testament, y compris les suivantes :
- le fait de faire appel aux services d’un avocat que ne connaissait pas le testateur et choisi par le défendeur;
- le fait que le défendeur a donné des instructions à l’avocat concernant le contenu du testament;
- le fait que le défendeur a apparemment reçu une copie préliminaire du testament antérieurement à sa signature par le testateur, avant d’emmener ce dernier chez l’avocat pour la signature du testament;
- es déclarations documentées du testateur selon lesquelles il craignait le défendeur.[6]
La Cour divisionnaire a conclu que l’influence indue était un élément fondamental de l’affaire; élément qui devait être évalué séparément de la question de la capacité à tester. Elle a renvoyé l’affaire devant un juge du fond différent pour qu’il se prononce.[7]
Conclusion
Les facteurs ou indices de l’existence potentielle d’une influence indue observés par la Cour divisionnaire correspondent à la liste (non exhaustive) dressée par la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans sa décision de 2013 rendue dans l’affaire Gironda v. Gironda et pourraient même l’étendre :
[Traduction]
- la personne qui fait le testament dépend du bénéficiaire pour satisfaire à ses besoins émotionnels ou physiques;
- la personne qui fait le testament est isolée du point de vue social;
- la personne qui fait le testament a vécu de récents conflits familiaux;
- la personne qui fait le testament a vécu un deuil récent;
- la personne qui fait le testament a fait un nouveau testament qui ne correspond pas au précédent;
- la personne qui fait le testament a apporté des changements à son testament qui correspondent à ceux apportés à d’autres documents tels que des procurations.[8]
La liste dans l’arrêt Gironda et celle de l’arrêt Tate peuvent fournir de précieux indices et rappels pour les praticiens qui doivent remarquer les signaux d’alarme lorsqu’ils rédigent des documents de nature testamentaire pour des clients qui pourraient être vulnérables face à une influence indue.
Pour obtenir une liste de vérification destinée aux praticiens énumérant les facteurs à examiner en cas d’inquiétude au sujet de l’influence indue, veuillez consulter la page suivante : Whaley Estate Litigation Resource Centre et télécharger le document « Undue Influence Checklist: Estates and Related Matters » offert uniquement en anglais.
À propos de l'auteur
Kimberly A. Whaley est directrice chez Whaley Estate Litigation à Toronto.
Notes de fin
[1] Tate v. Gueguegirre, 2015 ONSC 844 (CanLII).
[2] Estate of David Bruce Tate, 2012 ONSC 6890 (CanLII).
[3] Ibid. para 2.
[4] Supra note 1, paras 3 et 4.
[5] Supra note 1, para 8.
[6] Supra note 1, para 9.
[7] Supra note 1, para 10.
[8] John Gironda et al. v. Vito Gironda et al., 2013 ONSC 4133, para 77 (CanLII).