Le gouvernement canadien a publiĂ© un arrĂŞtĂ© d’urgence en vertu de la Loi sur la quarantaine, en vertu duquel toute personne qui pĂ©nètre sur le territoire canadien par la voie des airs, des mers ou des terres est tenue de s’isoler pendant 14 jours, quelle ait ou non des symptĂ´mes d’infection par le virus COVID-19. L’arrĂŞtĂ© publiĂ© le 25 mars demeure en vigueur jusqu’au 30 juin 2020.
Les articles pertinents de la Loi
La personne qui ne se conforme pas aux termes de l’isolement obligatoire encourt une amende maximale de 750 000 $ ou un emprisonnement de six mois, ou les deux. En outre, toute personne qui en expose une autre Ă un danger imminent de mort ou de blessures graves, en contrevenant intentionnellement ou par insouciance Ă la Loi (y compris l’isolement obligatoire), est passible d’une amende maximale d’un million de dollars ou d’un emprisonnement allant jusqu’Ă trois ans, ou les deux. L’Agence de la santĂ© publique du Canada a confirmĂ© que des vĂ©rifications alĂ©atoires seront effectuĂ©es pour vĂ©rifier le respect de l’isolement obligatoire et de la Loi.
L’isolement obligatoire peut Ă©galement avoir d’importantes rĂ©percussions sur les sociĂ©tĂ©s et leurs dirigeants, plus particulièrement dans les secteurs dĂ©signĂ©s comme Ă©tant des services essentiels. La Loi impose expressĂ©ment une obligation d’assurer la conformitĂ© sous peine de poursuites sanctionnĂ©es par une amende maximale de 750 000 $ ou un emprisonnement de six mois, ou les deux.
En premier lieu, l’article 73 de la Loi exige de chaque administrateur et dirigeant d’une sociĂ©tĂ© qu’il prenne toutes les mesures raisonnables pour veiller Ă ce que la sociĂ©tĂ© respecte la Loi.
En second lieu, l’article 74 de la Loi prĂ©voit que pour que la responsabilitĂ© pĂ©nale d’une sociĂ©tĂ© soit engagĂ©e, il suffit de prouver qu’une infraction Ă la Loi a Ă©tĂ© commise par un employĂ© ou un mandataire. Dans ces circonstances, le seul moyen de dĂ©fense possible est de dĂ©montrer que (i) l’infraction a Ă©tĂ© commise Ă l’insu ou sans le consentement de la sociĂ©tĂ© et que (ii) la sociĂ©tĂ© a pris toutes les prĂ©cautions voulues pour empĂŞcher la perpĂ©tration de l’infraction.
Par exemple, un employĂ© est revenu au Canada, en provenance des États-Unis il y a cinq jours. Personne dans la sociĂ©tĂ© ne savait que l’employĂ© avait quittĂ© le pays. L’employĂ© revient au travail le lendemain de son retour, faisant fi de l’obligation d’isolement obligatoire.
Il est moins manifeste que la sociĂ©tĂ© ou ses administrateurs et dirigeants pourraient s’exposer Ă une possible enquĂŞte et Ă des poursuites, sauf s’ils peuvent indiquer les mesures proactives mises en place pour prĂ©venir la transgression de l’employĂ© et certains risques que cela a fait courir aux autres employĂ©s.
L’interprĂ©tation de la responsabilitĂ© de l’entreprise et des administrateurs
Les tribunaux canadiens ne se sont jamais prononcĂ©s concernant les articles 73 et 74 de la Loi. NĂ©anmoins, on peut tirer des infĂ©rences de dĂ©cisions portant sur les obligations « de prendre toutes les mesures voulues » et de « prendre toutes les mesures raisonnables » prĂ©vues dans d’autres lois fĂ©dĂ©rales. Par consĂ©quent, la dĂ©termination de ce qui constitue les mesures voulues relève d’une analyse hautement objective et axĂ©e sur les faits. Elle exige que compte soit tenu de ce qu’une personne raisonnable aurait fait dans des circonstances similaires.
Ă€ tout le moins, les normes de diligence requise et de mesures raisonnables exigent de la sociĂ©tĂ© qu’elle Ă©tablisse un protocole pour veiller au respect de la loi. Ce protocole doit prĂ©voir la confirmation que les employĂ©s connaissent les exigences lĂ©gales, et l’existence de voies de communication efficaces. Les employĂ©s doivent pouvoir demander des clarifications Ă la personne appropriĂ©e s’ils ont des doutes quant Ă la signification de quelque règle ou instruction que ce soit.
Les pratiques exemplaires pour garantir le respect de la loi
Les mesures mises en place pour s’acquitter des obligations imposĂ©es par la Loi devraient ĂŞtre communiquĂ©es aux employĂ©s dans les deux langues officielles, le cas Ă©chĂ©ant. Qui plus est, tous les employĂ©s devraient ĂŞtre tenus de confirmer qu’ils ont reçu et lu les nouvelles politiques. Enfin, il importe que les sanctions applicables en cas de non-conformitĂ© soient imposĂ©es et communiquĂ©es aux employĂ©s.
Les exemples ci-dessous sont des pratiques exemplaires qui peuvent être insérées dans une telle politique. Naturellement, cette longue liste non exhaustive devrait être adaptée aux réalités de chaque entreprise, particulièrement dans le cas des secteurs désignés comme fournissant des services essentiels.
- Désignez une personne à laquelle les employés rendront compte.
- Fournissez régulièrement des mises à jour à tous les employés.
- Interdisez tous les dĂ©placements d’affaires non essentiels.
- Veillez à ce que les déplacements passés et futurs des employés à des fins professionnelles et personnelles soient signalés aux ressources humaines, de préférence à une personne désignée.
- Autant que possible, imposez un arrêt temporaire des activités internes et externes en personne.
- Refusez l’accès aux installations de l’entreprise aux employĂ©s visĂ©s par l’isolement obligatoire et, dans la mesure du possible, autorisez-les Ă travailler Ă distance.
- Créez un numéro de téléphone ou une adresse électronique permettant à quiconque de rendre compte de toute non-conformité réelle ou présumée, sous le sceau de la confidentialité.
- Veillez Ă ce que la direction rende compte rĂ©gulièrement au conseil d’administration concernant le respect de la loi et des politiques internes.
Matthew S. Shadley est associé et Lauren Shadley est avocate dans le cabinet Shadley Bien-Aimé.
Léon H. Moubayed est associé et Sarah Gorguos est avocate dans le cabinet Davies Ward Phillips & Vineberg