Lors de son entrĂ©e en vigueur, le 31 octobre 2017, le projet de loi S-14, Loi modifiant la Loi sur la corruption d’agents publics Ă©trangers a abrogĂ© l’exception des « paiements de facilitation » prĂ©vue par la Loi sur la corruption d'agents publics Ă©trangers du Canada.
Un « paiement de facilitation » est une somme versĂ©e Ă un fonctionnaire du gouvernement en vue de faciliter l’approbation de certains types de transactions ou d’activitĂ©s commerciales. Dans certains pays, les paiements de facilitation peu Ă©levĂ©s sont considĂ©rĂ©s comme des frais officieux ou des « pourboires » plutĂ´t que comme des pots-de-vin puisqu’ils favorisent un service de qualitĂ© au profit d’une personne y ayant dĂ©jĂ plein droit. Il importe, pour les ressortissants des pays de l’AmĂ©rique du Nord, de ne pas oublier que, dans un grand nombre de pays, l’État possède de très nombreuses entreprises. Par consĂ©quent, des employĂ©s du secteur hĂ´telier, de la restauration, de l’installation de lignes tĂ©lĂ©phoniques ou du raccordement aux services publics et autres pourraient ĂŞtre des « fonctionnaires du gouvernement » aux fins des paiements de facilitation. Imaginez que vous vous installez dans un pays Ă©tranger et que vous ne pouvez pas relever votre courrier, tĂ©lĂ©phoner, vous chauffer ou obtenir un quelconque service public pour votre maison parce que la liste d’attente est longue de trois ans, sauf si vous « graissez des pattes » pour accĂ©lĂ©rer la prestation de services auxquels vous avez par ailleurs pleinement droit.
Les AmĂ©ricains ont Ă©tĂ© les pionniers de la lĂ©gislation visant Ă lutter contre la corruption. En vertu de leur loi intitulĂ©e Foreign Corrupt Practices Act, promulguĂ©e en 1977, les paiements de facilitation versĂ©s pour accĂ©lĂ©rer la prise de mesures ou la prestation de services gouvernementaux (obtention de permis, traitement de documents du gouvernement, protection policière, services postaux et publics) Ă©taient autorisĂ©s car certains pays ne les considèrent pas comme des pots-de-vin tant qu’ils ne sont versĂ©s ni pour obtenir ou conserver des contrats commerciaux, ni pour crĂ©er un avantage injuste ou indu par rapport Ă une autre entreprise. Ces pays peuvent penser que de tels paiements font tout simplement partie du coĂ»t de l’exploitation d’une entreprise, particulièrement lorsque la rĂ©munĂ©ration des fonctionnaires de bas Ă©tage, en l’absence de ces versements, serait inĂ©quitable. Traditionnellement, certains pays vendent des charges gouvernementales aux particuliers, puis autorisent ces particuliers Ă produire un revenu en monnayant leur charge moyennant le paiement de droits pour la dĂ©livrance de permis gouvernementaux.
La Convention des Nations Unies contre la corruption interdit les paiements de facilitation. Le statut juridique de ces paiements varie en fonction des pays. Le Canada les ayant dĂ©sormais dĂ©clarĂ©s illĂ©gaux et les États-Unis continuant Ă les autoriser Ă condition qu’ils figurent sur les Ă©tats financiers consolidĂ©s de la sociĂ©tĂ©, les sociĂ©tĂ©s canadiennes devront revoir leurs pratiques Ă l’Ă©chelle mondiale, particulièrement si elles ont une sociĂ©tĂ© mère ou des filiales aux États-Unis qui pourraient ne pas ĂŞtre au courant de la modification de la loi. Matière Ă rĂ©flexion : les chefs de nos Premières Nations sont-ils des « fonctionnaires du gouvernement »? L’Ă©change de cadeaux dans le cadre de tractations avec nos peuples autochtones est-il dĂ©sormais « hors la loi » en tant que « paiement de facilitation »?
David Debenham est avocat dans le cabinet McMillan LLP