Les sociétés qui prévoient de recevoir des remboursements de taxe nette au titre de la TPS/TVH pourraient se demander si la période pendant laquelle l’ARC peut retenir leur remboursement est limitée dans le temps. Cette question est particulièrement importante pour les sociétés qui se trouvent généralement dans une position où elles ont droit à un remboursement de taxe nette (comme les sociétés qui effectuent des fournitures détaxées et ne factureraient pas la TPS/TVH sur lesdites fournitures mais auraient droit aux crédits d’impôt sur les intrants les concernant). La pandémie de COVID-19 place également une pression financière importante sur toute société qui dépend des remboursements de TPS/TVH pour maintenir son flux de trésorerie.
Les dispositions légales qui prévoient le moment du versement des remboursements fournissent la réponse. La Loi sur la taxe d’accise (« LTA ») prévoit dans son paragraphe 229(1) : « Le ministre verse avec diligence le remboursement de taxe nette payable à la personne qui le demande dans sa déclaration produite en application de la présente section ». Malheureusement, ce qui constitue la « diligence » n’est pas clair.
Deux arrêts récents, Express Gold Refining Ltd. c. Canada (Revenu National) (2020 CF 614) et Iris Technologies Inc. c. Canada (Revenu national) (2020 CAF 117), ont abordé cette question. Les deux affaires découlaient chacune d’une demande de contrôle judiciaire afin d’obtenir une ordonnance de mandamus pour obliger l’ARC à verser les remboursements.
Dans l’affaire Express Gold, la contribuable achetait de la ferraille d’or et d’autres métaux précieux, pour les raffiner puis les revendre sous forme purifiée. La contribuable se trouvait constamment en position de crédit car ses achats de ferraille étaient assujettis à la TPS/TVH, mais ses ventes de métaux précieux raffinés étaient détaxées. Lors de vérifications antérieures, l’ARC avait retardé le paiement des remboursements de TPS/TVH de la contribuable pendant des périodes prolongées et les avis de nouvelle cotisation n’ont pas été émis avant que plusieurs années ne se soient écoulées depuis le début de chacune des vérifications. L’ARC a réalisé une vérification subséquente couvrant la période allant du 1er juin 2016 au 31 octobre 2018 et a de nouveau indiqué qu’elle allait retenir les fonds jusqu’à ce que la vérification soit terminée.
Dans l’affaire Iris Technologies, la contribuable fournissait des services de télécommunications et était la seule fournisseuse de certains services dans de nombreuses communautés éloignées du Nord du Canada. L’ARC a effectué une vérification de la contribuable pour la période allant du 1er janvier 2019 au 29 février 2020 et n’a pas versé les remboursements de TPS/TVH pour cette période. La contribuable a demandé que l’ARC verse les remboursements pour la période en cours de vérification, indiquant que l’absence de versement avait de graves conséquences sur sa capacité à poursuivre ses activités. Sa demande lui avait été accordée à l’égard d’une vérification antérieure, mais cette fois-ci, l’ARC a refusé d’y faire droit.
Dans les deux cas, la Cour a conclu qu’il était raisonnable que l’ARC ne verse pas les remboursements avant la fin de la vérification. Le paragraphe 229(1) mentionne un « remboursement de taxe nette payable », c’est-à-dire que seuls les remboursements « payables » en vertu de la LTA doivent être versés. Malheureusement, ce libellé signifie que le ministre peut choisir de réaliser une vérification pour déterminer si le remboursement demandé est effectivement dû au contribuable, faisant courir le risque au contribuable d’absence de remboursement desdits fonds jusqu’à ce que la vérification soit terminée.
Les deux cours ont également spécifiquement indiqué que l’ARC nourrissait des préoccupations légitimes qui avaient conduit à la décision d’effectuer des vérifications. Dans l’affaire Express Gold, l’ARC avait conclu que les demandes de remboursement de taxe nette faites par la contribuable avaient considérablement augmenté au fil de plusieurs années, ce qui préoccupait l’Agence en raison de son opinion préexistante selon laquelle l’achat et la vente de ferraille d’or étaient une activité à haut risque de non-conformité avec les règles fiscales. Dans l’affaire Iris Technologies, l’ARC était préoccupée par la possible participation de la contribuable à une « fraude carrousel » (soit un mécanisme dans le cadre duquel l’entreprise perçoit des remboursements de taxe nette, mais la TPS/TVH n’est jamais versée à l’autre bout de la chaîne d’approvisionnement).
Par conséquent, pour le moment, il semble que les contribuables qui attendent des remboursements soient à la merci de l’ARC. Comme le dit la CAF dans son arrêt Iris Technologies : « La "diligence" est un concept axé sur les faits et le contexte qui s’apprécie en fonction de la complexité de la vérification, des sommes en jeu, de la diligence de l’Agence dans son exécution et du degré de coopération du contribuable ».
Lorsqu’une vérification se prolonge pendant une période déraisonnable, le contribuable peut tenter d’obtenir un contrôle judiciaire pour forcer l’ARC à terminer la vérification ou la détermination de la nouvelle cotisation (lire Nautica Motors Inc. c. Canada (Ministre du revenu national), 2002 CFPI 422). Toutefois, les cours auprès desquelles de telles demandes sont déposées vont probablement se ranger du côté de l’ARC dans toutes les instances sauf celles qui sont véritablement exceptionnelles. Les cours, cela peut sans doute se comprendre, reconnaissent l’intérêt qu’à l’ARC à vérifier les montants des remboursements avant de les verser, particulièrement si elle nourrit des préoccupations légitimes au sujet du bien-fondé des demandes. Malheureusement pour les contribuables, cette approche peut avoir de graves répercussions sur les flux de trésorerie des sociétés qui ont présenté des demandes de remboursement de bonne foi et pourraient se retrouver sans aucun recours en cas de vérification qui s’échelonne sur une longue durée.
Rebecca D. Loo et Robert G. Kreklewetz, Millar Kreklewetz LLP, Toronto