Le 8 septembre 2017, le ministère des Finances du Canada a publié un projet de loi modifiant les dispositions de la Loi sur la taxe d’accise qui portent sur les sociétés en commandite de placement, et avait invité les membres du public canadien à faire part de leurs commentaires, jusqu’au 10 octobre 2017.
Si les modifications proposées sont mises en vigueur, certaines sociétés en commandite auront l’obligation de payer la taxe sur les produits et services et la taxe de vente harmonisée (TPS/TVH) sur les services de gestion et d’administration rendus par un commandité, et ce, même si le commandité rend le service concerné en vertu de son obligation à titre d’associé de la société en commandite.
Incidences des propositions de modifications
Sous le régime actuel, un commandité qui exerce des activités en sa qualité de commandité ne sera – en règle générale – pas considéré comme ayant fourni un bien ou un service à la société en commandite de placement, à la condition toutefois que ces activités n’aient pas été exercées « en dehors du cadre des activités de la société » et qu’aucune TPS/TVH ne s’applique à des distributions servant de rémunération pour les activités du commandité. Cependant, il n’était pas toujours possible d’affirmer avec certitude soit que le commandité fournissait ses services dans le cadre des activités de la société (et qu’il était donc raisonnable de conclure – comme le pensaient de nombreux avocats-fiscalistes – qu’aucune TPS/TVH ne s’appliquait), soit qu’il s’agissait de services imposables qui avaient été fournis à la société en commandite de placement (exposant ainsi les parties au risque réel d’une révision comptable). Les modifications proposées règlent ce problème pour certaines sociétés en commandite, en établissant que tout service de gestion ou d’administration rendu par un commandité à une société en commandite de placement est réputé ne pas être un acte accompli par le commandité à titre d’associé de la société et que la fourniture du service en question par le commandité est réputée avoir été effectuée en dehors du cadre des activités de la société.
Les modifications proposées rejoignent les règles actuelles au sujet de services fournis par des commandités à une société en commandite de placement, en dehors du cadre des activités de la société. Selon les règles actuelles, le commandité est réputé avoir fourni les services dont la contrepartie est due au moment de la fourniture, pour la juste valeur marchande à ce même moment, déterminée comme si la partie en question n’était pas un commandité de la société et n’avait pas de lien de dépendance avec celle-ci.
En pratique, cela signifie que les commandités qui fournissent des services de gestion ou d’administration à des sociétés en commandite de placement doivent s’inscrire à un compte de TPS/TVH et, pour autant que les services sont fournis sur une base régulière, doivent effectuer des versements réguliers de TPS/TVH pour les montants qui répondent au critère d’indépendance. Les règles déterminatives n’exigent pas expressément d’un commandité qu’il facture la TPS/TVH sur ses intérêts passifs ou sur d’autres distributions de la part de la société en commandite de placement. Selon ces règles, un certain montant de contrepartie, établi en fonction des critères d’indépendance et de juste valeur marchande, est simplement réputé avoir été payé au commandité, qui a l’obligation de verser la TPS/TVH sur ce montant, indépendamment de toutes distributions effectuées par la société en commandite. Cela dit, les nouvelles modifications, en combinaison avec les règles actuelles, entraîneront vraisemblablement une surveillance accrue des activités de sociétés en commandite de placement. Elles pourraient aussi conférer à l’Agence du revenu du Canada (ARC) davantage de latitude pour faire valoir, dans le cadre d’une révision comptable, que certaines distributions (ou portions de distributions) de sociétés en commandite devraient être considérées comme des honoraires imposables touchés pour des services fournis, et pourraient mener à un plus grand nombre de contestations portant sur la juste valeur marchande de ces services.
Les règles proposées comprennent également une définition large de « société en commandite de placement », dont l’intention semble être d’englober les sociétés en commandite dont le principal objet consiste à investir des fonds dans des instruments financiers. Les nouvelles règles ne devraient pas être applicables aux sociétés dont le principal objet consiste à acheter ou gérer directement des actifs immobiliers ou actifs d’infrastructure. Elles pourraient toutefois s’appliquer à certaines sociétés de personnes qui font partie de la structure institutionnelle de la société en commandite de placement, mais qui ne détiennent pas directement les actifs immobiliers.
Une fois que les nouvelles règles deviendront loi, une contrepartie pour des services de gestion ou d’administration rendus par un commandité, qui sera due à compter du 8 septembre 2017, sera assujettie à la TPS/TVH (dans l’hypothèse où le commandité n’aura pas facturé de taxe sur ses services avant cette date). Si le commandité a facturé la TPS/TVH sur des frais de services de gestion ou d’administration avant le 8 septembre 2017, les nouvelles règles habiliteront l’ARC à procéder à une révision comptable portant sur des périodes antérieures (afin, notamment, de décider si les montants de ces frais correspondaient à leur juste valeur marchande).
Modifications des règles sur les institutions financières désignées particulières (IFDP)
En outre, les modifications proposées augmentent la portée des règles sur les institutions financières désignées particulières (IFDP) de manière à ce qu’elles s’appliquent aux sociétés en commandite de placement qui ont le statut d’IFDP, pour leurs exercices qui débutent après 2018.
Selon les modifications proposées, les sociétés en commandite de placement admissibles seront traitées d’institutions financières désignées, ce qui pourrait avoir comme conséquence qu’elles seront considérées comme des IFDP. En règle générale, une société en commandite de placement sera considérée comme une IFDP si elle tient un établissement permanent dans une province où l’on doit prélever la TVH et un établissement permanent dans n’importe quelle autre province. On jugera qu’une société en commandite de placement tient un établissement permanent dans une province donnée si un commandité qui détient une part ou plus du régime de placement de la société (par exemple, s’il détient une participation dans cette société) est un résident de la province concernée ou y est habilité à vendre ou distribuer ses parts. Les propositions de modifications augmentent également la portée de la définition de « régime de placement par répartition » afin qu’elle englobe les sociétés en commandite de placement. Par conséquent, les dispositions de règles sur les IFDP qui s’appliquent aux régimes de placement par répartition s’appliqueront aussi, en règle générale, aux sociétés en commandite de placement.
Allan Gelkopf et Robert Kreklewich sont associés et Zvi Halpern est avocat salarié chez Blake, Cassels & Graydon S.E.N.C.R.L./s.r.l.