Modifications proposées au traitement fiscal préférentiel des options d’achat d’actions accordées aux employés

  • 04 septembre 2019
  • Christopher Ross, Kevin Fritz et Alexandre Lamoureux

Le 17 juin dernier, le ministre fédéral des Finances, M. Bill Morneau, a présenté un avant-projet de loi qui aura une incidence sur le traitement fiscal préférentiel accordé aux options d’achat d’actions des employés. Déjà dans le budget fédéral déposé le 19 mars dernier, le gouvernement avait annoncé son intention de mettre ces mesures en place.

Contexte

Les options d’achat d’actions, une méthode alternative de rémunération, confèrent aux employés le droit d’acheter des actions de leur employeur à un prix désigné. Un traitement fiscal préférentiel leur est accordé à l’heure actuelle au Canada. Selon le gouvernement, la justification stratégique de cette imposition préférentielle est d’aider les petites entreprises en croissance, comme les entreprises en démarrage, à attirer et à maintenir en poste des employés de talent. Il est possible que ces entreprises génèrent peu de profits ou éprouvent des difficultés de liquidité, ce qui limite leur capacité à offrir une rémunération concurrentielle.

Le gouvernement constate avec préoccupation que cette déduction fiscale est en fait utilisée en tant que méthode de rémunération bénéficiant d’un traitement fiscal préférentiel pour les dirigeants de grandes entreprises bien établies. Il s’agit donc d’un nouvel objectif stratégique pour le gouvernement, qui accorde un traitement fiscal préférentiel aux options d’achat d’actions depuis des dizaines d’années, sans égard à la taille ni à la maturité de l’entreprise.

La modification proposée vise à remédier à cette préoccupation en imposant un plafond de 200 000 $ CA par employé sur le montant des options d’achat d’actions accordées par certains employeurs qui pourront continuer d’être admissibles à la déduction fiscale actuelle.

Traitement actuel

Voici les principales caractéristiques du traitement fiscal actuel accordé aux options d’achat d’actions des employés :

  • l’employé est présumé avoir reçu un avantage équivalant à la différence entre la juste valeur marchande de l’action en question au moment de l’exercice de l’option et le montant payé par l’employé pour acquérir cette action (et pour acquérir l’option, le cas échéant);
  • l’avantage de l’employé est entièrement imposable soit (i) dans l’année où l’action est acquise, dans le cas d’une action accordée par une société qui n’est pas une société privée sous contrôle canadien (SPCC), ou (ii) dans l’année où l’employé dispose de l’action, dans le cas d’une action accordée par une SPCC;
  • pourvu que certaines conditions soient satisfaites, l’employé a droit à une déduction correspondant à la moitié de l’avantage d’option d’achat d’actions (déduction pour options d’achat d’actions), ce qui fait en sorte que cet avantage est effectivement imposé au même taux (préférentiel) que les gains en capital (par exemple, plutôt que d’être entièrement imposé, il serait imposé à un taux de 50 %);
  • l’employeur n’a droit à aucune déduction à l’égard de l’avantage de l’employé.

Traitement proposé

Voici les principales caractéristiques du traitement fiscal des options d’achat d’actions des employés proposé, lequel s’appliquera aux options accordées à compter du 1er janvier 2020 :

  • si l’employeur est assujetti aux nouvelles règles, il y aura un plafond de 200 000 $ CA sur le montant des options d’achat d’actions des employés pouvant être acquises par un même employé au cours d’une même année et qui pourront continuer d’être admissibles à la déduction actuelle;
  • l’employeur
    • aura droit à une déduction à l’égard des options d’achat d’actions des employés qui sont accordées au-delà du plafond de 200 000 $ CA ou qui sont désignées comme étant inadmissibles à la déduction pour options d’achat d’actions;
    • sera tenu de déclarer (i) à l’employé, par écrit, à la date à laquelle la convention est conclue et (ii) à l’ARC, au moyen du formulaire prescrit produit avec sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition au cours de laquelle l’option est exercée, les options d’achat d’actions des employés qui sont accordées au-delà du plafond de 200 000 $ CA ou qui sont désignées comme étant inadmissibles à la déduction pour options d’achat d’actions.

Personne déterminée

Ces nouvelles règles s’appliquent à tout employeur qui est une personne déterminée, laquelle est définie comme étant une société (ou une fiducie de fonds communs de placement), à l’exception des sociétés (ou une fiducie du fonds commun de placement) ci-après :

  • les SPCC;
  • certaines sociétés qui satisfont certaines conditions prescrites.

Une SPCC est essentiellement une société privée qui réside au Canada et qui n’est pas contrôlée par une ou plusieurs personnes non résidentes ou sociétés publiques.

L’exception s’appliquant à l’employeur qui est une SPCC semble correspondre à l’objectif du gouvernement de réserver le traitement fiscal préférentiel actuel pour les options d’achat d’actions des employés accordées par de petites entreprises en croissance. L’exception s’appliquant à l’employeur qui satisfait les conditions prescrites constitue la reconnaissance du fait que ce n’est pas toutes les petites entreprises en croissance qui sont des SPCC.

Les modifications proposées ne précisent pas les conditions prescrites et le gouvernement demande aux intervenants de bien vouloir lui faire part de leur point de vue par rapport aux caractéristiques qui devraient être prises en considération pour déterminer si une entreprise est en démarrage, émergente ou en expansion, afin d’être admissible à la déduction actuelle. Les intervenants ont jusqu’au 16 septembre 2019 pour soumettre leurs commentaires.

Plafond de 200 000 $

Le plafond de 200 000 $ CA s’applique sur le montant des options d’achat d’actions des employés pouvant être acquises par un employé au cours d’une année donnée. Ce montant est établi selon la juste valeur marchande des actions sous-jacentes au moment de l’octroi des options. Une option est généralement considérée comme acquise lorsqu’elle peut être exercée pour la première fois par un employé. Le plafond s’applique à toutes les conventions d’options d’achat d’actions conclues entre l’employé et son employeur ou entre l’employé et toute société (ou fiducie de fonds communs de placement) qui a un lien de dépendance avec son employeur. 

Dernières observations

La définition qui sera donnée au principal objet de ces mesures, la « grande entreprise bien établie », demeure une question centrale. Plutôt que d’y répondre clairement, les modifications proposées énoncent certaines exceptions; autrement dit, à moins de faire partie des cas d’exception, tous les employeurs sont susceptibles d’être visés par ces nouvelles règles.

Ce type de rédaction législative en termes très généraux risque d’imposer au contribuable un lourd fardeau de conformité, à moins de pouvoir établir qu’il fait partie des cas d’exception. Cette définition devrait être claire pour un employeur qui est une SPCC — un critère clairement balisé qui est de bon augure. Le détail des conditions prescrites, qui sera sans doute présenté peu après la fin de la période de consultation, le 16 septembre prochain, sera donc déterminant.

Comme les modifications proposées s’appliquent aux options d’achat d’actions des employés accordées à compter du 1er janvier 2020, les employeurs susceptibles d’être visés devraient songer à accorder les options d’achat d’actions avant cette date.

Kevin Fritz est associé chez DLA Piper. Christopher Ross et Alexandre Lamoureux sont avocats chez DLA Piper.