La Loi no 2 d’exĂ©cution du budget de 2018 (projet de loi C-86), dĂ©posĂ©e Ă la Chambre des communes le 29 octobre, a reçu la sanction royale le 13 dĂ©cembre. Elle regroupe des dispositions lĂ©gislatives et rĂ©glementaires visant les consommateurs et renforce les dispositions sur la protection des consommateurs s’appliquant aux banques et aux banques Ă©trangères autorisĂ©es en vertu de la Loi sur les banques.
Le rĂ©gime de protection des consommateurs devrait rĂ©gler de nombreux problèmes soulevĂ©s par l’Agence de la consommation en matière financière du Canada dans l’Examen des pratiques de vente au dĂ©tail des banques canadiennes et le Rapport sur les pratiques exemplaires en matière de protection des consommateurs de produits et services financiers. La portĂ©e du projet de loi ne se fera vĂ©ritablement jour que lorsque le projet de règlement sera publiĂ©, mais nous pouvons d’ores et dĂ©jĂ faire Ă©tat des nouveautĂ©s les plus importantes.
ResponsabilitĂ© accrue des conseils d’administration pour la protection des consommateurs
Sous le nouveau régime, les banques devront nommer un comité responsable du respect des dispositions de protection des consommateurs pour en assurer une surveillance accrue. Ce comité devra :
- requĂ©rir de la direction qu’elle Ă©tablisse des marches Ă suivre pour veiller au respect de ces dispositions;
- vérifier si ces marches à suivre sont de nature à assurer effectivement le respect de ces dispositions;
- requĂ©rir de la direction qu’elle lui remette, au moins une fois par annĂ©e, un rapport sur l’application des marches Ă suivre et sur les autres activitĂ©s de protection de la clientèle de la banque.
Comportement commercial responsable
Le nouveau régime comporte diverses exigences nouvelles visant à encourager un comportement commercial responsable et un traitement équitable des consommateurs.
Un des principaux changements obligera les banques Ă se doter de politiques et de marches Ă suivre garantissant que les produits et services qu’elles offrent ou vendent sont adaptĂ©s Ă la situation personnelle du client, et notamment Ă ses besoins financiers. Bien que l’obligation se limite Ă l’adoption de politiques et de marches Ă suivre, il s’agit d’une exigence considĂ©rable si on la conjugue aux dispositions qui obligent aussi les banques Ă faire en sorte que :
- la rémunération de leurs dirigeants et employés, ainsi que tout paiement ou avantage qui leur est offert, ne portent pas atteinte à leur capacité de se conformer à ces politiques et marches à suivre;
- leurs dirigeants et employĂ©s soient formĂ©s relativement aux politiques dont elles se seront dotĂ©es et aux marches Ă suivre qu’elles auront Ă©tablies afin de se conformer aux dispositions visant les consommateurs.
Plusieurs autres dispositions favorisent un comportement commercial responsable. Ainsi :
- il sera interdit de communiquer ou de fournir autrement des renseignements faux ou trompeurs aux clients, au public ou au commissaire de l’ACFC;
- en plus des restrictions concernant les ventes liĂ©es, il sera interdit d’exercer des pressions indues sur une personne pour quelque fin que ce soit ou de profiter d’une personne;
- les clients commerciaux seront désormais eux aussi protégés par certaines des dispositions de protection des consommateurs;
- le client disposera dĂ©sormais d’une pĂ©riode de rĂ©flexion pour annuler sans frais un contrat qu’il a signĂ© concernant certains produits et services;
- il sera obligatoire d’avertir par voie Ă©lectronique une personne dont le solde du compte de dĂ©pĂ´t ou le crĂ©dit disponible de la marge de crĂ©dit ou du compte de carte de crĂ©dit devient infĂ©rieur Ă un montant donnĂ©;
- il sera interdit d’imposer des frais pour des produits ou services optionnels offerts dans le cadre d’une offre de lancement ou d’une offre prĂ©fĂ©rentielle, promotionnelle ou spĂ©ciale le jour oĂą la promotion se termine sans avoir obtenu le consentement exprès de la personne;
- les banques seront obligĂ©es de crĂ©diter ou de rembourser les frais ou pĂ©nalitĂ©s imposĂ©s Ă une personne si ceux-ci n’Ă©taient pas prĂ©vus dans un accord, ou l’excĂ©dent si le montant imposĂ© excède celui qui Ă©tait prĂ©vu dans l’accord. Elles auront la mĂŞme obligation si elles fournissent le produit ou le service avant d’avoir obtenu le consentement exprès du client;
- un régime de dénonciation est instauré pour les actes répréhensibles.
MĂ©canisme de rapports sur les plaintes plus rigoureux
La Loi instaure en outre un mécanisme de rapports sur les plaintes qui accroît passablement les responsabilités des banques. Voici trois de ses aspects les plus importants :
- Une nouvelle disposition attribue au mot « plainte » une large dĂ©finition, soit toute insatisfaction, qu’elle soit fondĂ©e ou non, relativement Ă un produit ou Ă un service ou Ă la façon dont le produit ou le service a Ă©tĂ© offert, vendu ou fourni;
- Les banques devront désormais tenir pour chaque plainte un dossier complet où elles consigneront les mesures prises pour tenter de régler la plainte ainsi que les compensations données;
- Les banques seront tenues de remettre trimestriellement au commissaire de l’ACFC un rapport sur chaque plainte reçue.
ACFC : augmentation des pénalités
La Loi comporte aussi plusieurs modifications Ă la Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, notamment celles-ci :
- La pénalité maximale pour une violation de la Loi sur les banques est portée à 1 000 000 $ pour les personnes physiques et à 10 000 000 $ pour les institutions financières et les exploitants de réseau de cartes de paiement (ces pénalités sont actuellement de 50 000 $ et 500 000 $ respectivement);
- Le commissaire est tenu de publier la nature de la violation, le nom de son auteur et le montant de la pénalité imposée.
Le rĂ©gime renforcĂ© de protection des consommateurs du projet de loi et le cadre modernisĂ© de supervision de l’ACFC en place depuis octobre changeront la façon dont les banques protĂ©geront les consommateurs.
Peter A. Aziz est avocat-conseil principal et Eli Monas est avocat principal au cabinet Torys LLP