Le gouvernement de Colombie-Britannique a rĂ©cemment annoncĂ© qu’il envisageait une sĂ©rie de mesures proposĂ©es pour limiter les expĂ©ditions, par chemin de fer ou par olĂ©oduc, de bitume diluĂ© en provenance des exploitations de sables bitumineux de l’Alberta, plantant le dĂ©cor pour un litige sur le plan constitutionnel. Si les propositions sont promulguĂ©es, cette rĂ©glementation soulèvera directement des questions liĂ©es au commerce interprovincial rĂ©gies par le droit fĂ©dĂ©ral et aux accords commerciaux interprovinciaux. Les dĂ©fenseurs des projets d’olĂ©oducs et les expĂ©diteurs pourraient se voir confrontĂ©s Ă la perspective d’entamer des contestations constitutionnelles si les nouveaux règlements proposĂ©s entrent en vigueur. Cependant, la jurisprudence rĂ©cente suggère que d’autres recours juridiques plus immĂ©diats, y compris des injonctions, pourraient ĂŞtre disponibles pour empĂŞcher que ces parties ne subissent des prĂ©judices.
Les règlements proposés
Le 30 janvier 2018, le ministre de l'Environnement et de la StratĂ©gie de lutte contre les changements climatiques de la Colombie-Britannique, George Heyman, a proposĂ© une sĂ©rie de nouveaux règlements qui limiteraient l’augmentation de la quantitĂ© de bitume diluĂ© transportĂ© dans la province par chemin de fer et olĂ©oduc. Il a affirmĂ© que les nouveaux règlements imposeraient des restrictions sur l’augmentation du transport du bitume diluĂ© jusqu’Ă [traduction] « ce que nous soyons certains de notre capacitĂ© Ă nettoyer un dĂ©versement accidentel ».
Cela a des consĂ©quences importantes sur un grand nombre de producteurs et d’expĂ©diteurs de pĂ©trole albertains et suscite de considĂ©rables enjeux juridiques du point de vue constitutionnel. Les chemins de fer et les olĂ©oducs qui traversent les frontières provinciales sont assujettis Ă la lĂ©gislation fĂ©dĂ©rale et relèvent de la compĂ©tence du gouvernement fĂ©dĂ©ral. De rĂ©cents projets d’olĂ©oducs ont dĂ©jĂ reçu l’approbation de l’Office national de l’Ă©nergie du Canada et du cabinet fĂ©dĂ©ral. Par consĂ©quent, le gouvernement de la Colombie-Britannique sera probablement confrontĂ© Ă d’importants obstacles juridiques s’il cherche Ă rĂ©glementer ce qui est transportĂ© dans un olĂ©oduc ou sur une voie ferrĂ©e relevant de la rĂ©glementation fĂ©dĂ©rale.
Les mesures proposĂ©es mettent Ă©galement en jeu les dispositions d’un certain nombre d’accords commerciaux internationaux, dont le New West Partnership Trade Agreement (NWPTA) et l’Accord de libre-Ă©change canadien. Mis en Ĺ“uvre en 2013, le NWPTA est un accord passĂ© entre les gouvernements de la Colombie-Britannique, de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba qui crĂ©e le plus vaste marchĂ© interprovincial sans entrave du Canada. L’article 3 du NWPTA (intitulĂ© No Obstacles) prĂ©voit que chaque partie est tenue de veiller Ă ne pas prendre de mesures qui restreindraient ou gĂŞneraient l’exercice du commerce, quelles qu’en soient leurs modalitĂ©s, sur le territoire des parties ou la rĂ©alisation d’investissements entre les parties. De mĂŞme, l’un des principaux objets de l’Accord de libre-Ă©change canadien est d’Ă©tablir un ensemble de règles commerciales exhaustif pour promouvoir le cadre commercial interne canadien et Ă©liminer les barrières techniques qui pourraient s’opposer au commerce. Toute restriction du transport du bitume diluĂ© risque d’entrer en conflit avec les modalitĂ©s et objectifs tant du NWPTA que de l’Accord de libre-Ă©change canadien, voire de les violer.
Injonction
Le temps et les dĂ©penses connexes Ă une contestation constitutionnelle complète pourraient inciter les producteurs et expĂ©diteurs Ă rechercher des recours juridiques plus opportuns et efficients. Une rĂ©cente sĂ©rie de dĂ©cisions renforce la perspective d’obtention d’une injonction. Une fois une loi promulguĂ©e, la compĂ©tence judiciaire en matière de contrĂ´le entre en jeu, crĂ©ant la possibilitĂ© de demande d’injonction pour suspendre l’application de la loi en attendant que soit tranchĂ©e la question de sa constitutionnalitĂ©.
Depuis les quelques dernières annĂ©es, les demandes d’injonctions contre des gouvernements se sont multipliĂ©es dans le cadre de l’Ă©valuation de la constitutionnalitĂ© de nouvelles lois. Dans chacun de ces cas, les tribunaux ont suspendu la mise en Ĺ“uvre et l’application de la nouvelle lĂ©gislation en attendant l’issue de l’examen sa constitutionnalitĂ©.
La possibilitĂ© de demander une injonction Ă titre de recours contre les politiques et dĂ©cisions d’un gouvernement a Ă©tĂ© amĂ©liorĂ©e par la rĂ©cente dĂ©cision rendue dans l’affaire ENMAX Energy Corporation v Balancing Pool (disponible uniquement en anglais). La Cour a accordĂ© une injonction obligatoire contre une sociĂ©tĂ© constituĂ©e en vertu d'une loi de l’Alberta pour dĂ©faut d’exĂ©cution de ses obligations lĂ©gales et rĂ©glementaires. La Cour a affirmĂ© qu’ENMAX avait dĂ©montrĂ© prima facie de façon convaincante que la sociĂ©tĂ© constituĂ©e en vertu d'une loi de l’Alberta ne s’acquittait pas de ses obligations lĂ©gales, qu’ENMAX allait subir un prĂ©judice irrĂ©parable du fait du dĂ©faut d’exĂ©cution de ses obligations lĂ©gales par l’organisme et que la prĂ©pondĂ©rance des inconvĂ©nients jouait en faveur de l’exĂ©cution de ses fonctions lĂ©gales par la sociĂ©tĂ© constituĂ©e en vertu d'une loi de l’Alberta. Pour obtenir de plus amples dĂ©tails, veuillez lire notre Blakes Bulletin : Alberta Court of Queen’s Bench Grants Mandatory Injunction Against Balancing Pool (disponible uniquement en anglais)
Conclusion
Les producteurs et les expĂ©diteurs qui cherchent Ă expĂ©dier leur bitume diluĂ© en passant par la Colombie-Britannique disposent d’un vaste arsenal d’armes juridiques en cas de promulgation, Ă titre de loi, des nouvelles politiques proposĂ©es. Les mesures proposĂ©es soulèvent des questions constitutionnelles que seul le temps permettra de rĂ©gler. Bien que les contestations constitutionnelles de la validitĂ© de textes lĂ©gislatifs puissent nĂ©cessiter de longues attentes avant d’ĂŞtre rĂ©glĂ©es, on peut espĂ©rer obtenir une injonction afin de limiter l’exĂ©cution et l’application desdits textes en attendant une dĂ©cision quant Ă leur constitutionnalitĂ©.
Peter W. Hogg, Dalton W. McGrath et Michael O'Brien font partie du cabinet Blake, Cassels & Graydon S.E.N.C.R.L./s.r.l.