Le 21 septembre 2017, un accord commercial historique entre le Canada et l’Union europĂ©enne, l’Accord Ă©conomique et commercial global (AECG), est entrĂ© en vigueur Ă titre provisoire au terme de presque dix ans de nĂ©gociations. L’application provisoire de l’AECG est un accomplissement phare qui modifie considĂ©rablement un certain nombre d’Ă©lĂ©ments du contexte juridique et rĂ©glementaire canadien.
1. Un nouveau régime de passation des marchés publics
L’AECG et l’Accord de libre-Ă©change canadien (ALEC) — entrĂ© en vigueur le 1er juillet 2017 pour remplacer l’Accord sur le commerce intĂ©rieur — marquent la mise en Ĺ“uvre d’un nouveau rĂ©gime de passation des marchĂ©s publics au Canada. Les sociĂ©tĂ©s d’État et organismes fĂ©dĂ©raux et provinciaux, les entitĂ©s du secteur municipal, universitaire, scolaire et hospitalier, ainsi que les sociĂ©tĂ©s qui cherchent Ă traiter avec des entitĂ©s publiques au Canada et dans l’Union europĂ©enne devraient apprendre Ă connaĂ®tre ce nouveau rĂ©gime.
En ce qui concerne les marchĂ©s publics visĂ©s, l’AECG exige que les entitĂ©s acheteuses respectent les principes de non-discrimination, de transparence et d’impartialitĂ©. Elles sont en outre tenues de se conformer Ă des règles et procĂ©dures spĂ©cifiques, par exemple, celles qui ont trait aux avis de marchĂ© envisagĂ©s, aux appels d'offres sĂ©lectifs et aux dates prĂ©vues pour la prĂ©sentation des soumissions. L’Accord de libre-Ă©change canadien, quant Ă lui, contient des clarifications ainsi que des règles et procĂ©dures explicites qui diffèrent de celles Ă©noncĂ©es dans l’Accord sur le commerce intĂ©rieur, particulièrement en ce qui concerne les avis d’appel d’offres, les prĂ©fĂ©rences locales, l’affichage Ă©lectronique, l’expĂ©rience et la prĂ©-qualification du fournisseur, les spĂ©cifications techniques, les renseignements nouveaux et les modifications, les nĂ©gociations, les partenariats public-privĂ© et les rapports.
En ce qui concerne le règlement des diffĂ©rends, en vertu de l’AECG, les fournisseurs ressortissants de l’Union europĂ©enne obtiendront des droits de contestation de l’acquisition concernant les acquisitions visĂ©es. Les modifications lĂ©gislatives apportĂ©es au Règlement sur les enquĂŞtes du Tribunal canadien du commerce extĂ©rieur sur les marchĂ©s publics confèrent au Tribunal canadien du commerce extĂ©rieur la compĂ©tence nĂ©cessaire pour examiner les acquisitions du gouvernement fĂ©dĂ©ral rĂ©gies par le chapitre 19 de l’AECG et pour formuler des conclusions Ă leur Ă©gard.
S’agissant des approvisionnements provinciaux, l’AECG et l’Accord de libre-Ă©change du Canada envisagent tous les deux la crĂ©ation d’un solide rĂ©gime de dĂ©pĂ´t de plaintes. L’AECG prĂ©voit l’Ă©tablissement d’une procĂ©dure de contrĂ´le administrative ou judiciaire opportune, efficace, transparente et non discriminatoire permettant Ă un fournisseur de s’opposer Ă une violation du chapitre sur l’approvisionnement. Cet accord oblige en outre chaque partie Ă adopter des procĂ©dures qui prĂ©voient la rapide mise en place de mesures provisoires pour prĂ©server la possibilitĂ© qu’a le fournisseur de participer Ă l’approvisionnement et de chercher Ă obtenir des mesures de redressement ou une indemnisation pour les pertes ou les prĂ©judices subis (qui peuvent ĂŞtre limitĂ©es soit aux coĂ»ts de la prĂ©paration de la soumission, soit Ă ceux qui sont connexes Ă la contestation ou aux deux).
Les sociĂ©tĂ©s canadiennes se voient Ă©galement accorder des droits d’accès concernant les approvisionnements des États membres de l’Union europĂ©enne.
2. Augmentation du seuil prévu par la Loi sur Investissement Canada
Selon les modifications apportĂ©es au Règlement sur Investissement Canada, les investisseurs ressortissants de l’Union europĂ©enne qui ne sont pas des entreprises d’État jouiront d’un seuil accru de valeur d’affaire de 1,5 milliard de dollars aux fins de l’examen de l’investissement. En raison des clauses de la nation la plus favorisĂ©e existant dans d’autres accords de libre-Ă©change contractĂ©s par le Canada, les investisseurs du Chili, de la Colombie, du Honduras, du Mexique, du Panama, du PĂ©rou, de la CorĂ©e du Sud et des États-Unis profiteront eux aussi de ce seuil d’examen accru.
3. RĂ©duction et Ă©limination du tarif
L’application provisoire de l’AECG sonne l’Ă©limination, immĂ©diate ou au cours des sept prochaines annĂ©es, d’un grand nombre de droits de douane canadiens. Selon l’AECG, le Canada a Ă©galement Ă©tabli des contingents tarifaires qui permettent l’importation au Canada de certaines quantitĂ©s de fromage et de fromage d’origine industrielle en provenance de l’Union europĂ©enne. Cette dernière, quant Ă elle, s’est engagĂ©e Ă Ă©liminer ou Ă rĂ©duire les tarifs existants Ă l’Ă©gard d’une vaste gamme de produits tels que les turbines Ă gaz, le sirop d’Ă©rable, les appareils photo numĂ©riques, les pièces automobiles, les lĂ©gumes cuisinĂ©s, le matĂ©riel de production et de distribution d’Ă©nergie, et les aliments pour animaux de compagnie; cela dès l’entrĂ©e en vigueur provisoire de l’AECG. L’Union europĂ©enne a Ă©galement Ă©tabli des contingents tarifaires pour les produits sensibles tels que le bĹ“uf et le porc.
4. Nouvelles protections des brevets
L’AECG a suscitĂ© plusieurs modifications du rĂ©gime canadien des brevets, y compris la mise en place d’un rĂ©gime de certificats de protection supplĂ©mentaire applicable aux produits pharmaceutiques, qui prĂ©voit une pĂ©riode supplĂ©mentaire de protection du brevet.
L’application provisoire de l’AECG signifie en outre que sont dĂ©sormais en vigueur les dispositions d’avant-garde connexes Ă la rĂ©duction des barrières non tarifaires et rĂ©glementaires, Ă la simplification de l’Ă©change transatlantique des services, Ă l’octroi de droits temporaires d’entrĂ©e et de sĂ©jour au personnel international Ă des fins commerciales, Ă la reconnaissance de qualifications professionnelles, et Ă la protection des appellations gĂ©ographiques europĂ©ennes.
Prochaines Ă©tapes
L’AECG entrera en vigueur plus avant une fois que les parlements respectifs des membres de l’Union europĂ©enne auront ratifiĂ© l’accord conformĂ©ment Ă leurs exigences nationales, ce qui pourrait prendre plusieurs annĂ©es. La plupart des dispositions sur l’investissement formant le chapitre 8 et certaines des dispositions du chapitre 13 (Services financiers) qui portent sur le placement des portefeuilles, la protection des investissements et le règlement des diffĂ©rends entre investisseurs et États connexes aux investissements figurent parmi les articles de l’AECG qui n’entreront intĂ©gralement en vigueur qu’une fois l’accord entièrement ratifiĂ©.
Erin Brown est avocate dans le cabinet Norton Rose Fulbright