Dans le budget rendu public le 20 mars 2017, le gouvernement fĂ©dĂ©ral annonçait son intention d’apporter des modifications Ă la Loi sur le recyclage des produits de la criminalitĂ© et le financement des activitĂ©s terroristes aux fins suivantes :
- élargir la liste des destinataires des communications qui peuvent recevoir des renseignements financiers liés aux menaces pour la sécurité du Canada pour y inclure le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes;
- améliorer le renseignement sur les propriétaires bénéficiaires des personnes morales, telles que les sociétés et les fiducies;
- apporter divers changements d’ordre technique et autre afin de renforcer le cadre, d’appuyer la conformitĂ©, d’amĂ©liorer la capacitĂ© des entitĂ©s dĂ©clarantes d’opĂ©rationnaliser la lĂ©gislation et de s’assurer que les dispositions lĂ©gislatives sont exĂ©cutĂ©es comme prĂ©vu.
Cela semble ambitieux. Le gouvernement n’a actuellement mis aucun renseignement Ă la disposition du public pour Ă©toffer ces vagues plans. Deux rapports publiĂ©s en 2016 offrent des indices quant Ă ce Ă quoi nous pouvons nous attendre. Ils critiquaient l’efficacitĂ© du Canada dans le contexte de la lutte internationale contre le blanchiment d’argent et le financement d’activitĂ©s terroristes.
Le dĂ©partement d’État des États-Unis continue Ă dĂ©crire le Canada comme un « pays très prĂ©occupant » (Country of Primary Concern), soit un pays dans lequel on constate un très grand nombre d’activitĂ©s de blanchiment d’argent, comme en Russie et en Iran, deux pays classĂ©s dans la mĂŞme catĂ©gorie.
En septembre 2016, le Groupe d’action financière (GAFI), une organisation intergouvernementale indĂ©pendante ayant pour objectif l’Ă©laboration et la promotion de politiques pour protĂ©ger le système financier mondial contre le blanchiment d’argent et le financement des activitĂ©s terroristes, a publiĂ© son Ă©valuation du Canada (disponible uniquement en anglais). Selon l’une de ses nombreuses conclusions, Ă l’exception des institutions financières, dont les six grands Ă©tablissements bancaires, les entitĂ©s rĂ©glementĂ©es telles que les courtiers immobiliers et les entreprises du secteur des services financiers ne comprennent bien ni leurs risques, ni leurs obligations. Cela se traduit par une divulgation inadĂ©quate des opĂ©rations devant ĂŞtre signalĂ©es au CANAFE, l’entitĂ© fĂ©dĂ©rale chargĂ©e de l’application de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalitĂ© et le financement des activitĂ©s terroristes.
Le GAFI a en outre exprimĂ© ses prĂ©occupations quant aux lacunes lĂ©gislatives qui nuisent Ă la dĂ©termination de la propriĂ©tĂ© bĂ©nĂ©ficiaire des sociĂ©tĂ©s. La propriĂ©tĂ© est une pierre angulaire de l’Ă©valuation du risque, par l’entitĂ© rĂ©glementĂ©e, connexe Ă la reprĂ©sentation d’un client institutionnel. Le GAFI a conclu que les institutions financières ne sont pas tenues de faire grand-chose pour vĂ©rifier l’exactitude des renseignements sur la propriĂ©tĂ© bĂ©nĂ©ficiaire qui leur sont fournis, et que d’autres entitĂ©s rĂ©glementĂ©es, telles que les entreprises offrant des services de transfert de fonds, ne sont pas obligĂ©es de dĂ©terminer la propriĂ©tĂ© bĂ©nĂ©ficiaire.
La première catĂ©gorie de modifications de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalitĂ© et le financement des activitĂ©s terroristes est vraisemblablement une reconnaissance du rĂ´le croissant jouĂ© par le ministère de la DĂ©fense dans la lutte contre le terrorisme dĂ©coulant de son engagement en Irak dans la campagne contre Daech (autre nom de l’État islamique).
Les deuxième et troisième catĂ©gories ont vraisemblablement pour objectif de rĂ©pondre Ă , au moins, certaines des critiques exprimĂ©es par le GAFI. Le dĂ©pĂ´t d’un projet de loi pour exiger que la propriĂ©tĂ© bĂ©nĂ©ficiaire soit identifiĂ©e avec un degrĂ© accru de diligence pourrait s’avĂ©rer compliquĂ©. Les gouvernements, tant fĂ©dĂ©ral que provinciaux, ont une compĂ©tence partagĂ©e sur la constitution des personnes morales et leurs obligations de divulgation. Les progrès lĂ©gislatifs pourraient exiger une coopĂ©ration et une coordination intergouvernementales.
Quels que soient les nouveaux amendements prĂ©vus, un grand nombre des prĂ©occupations du GAFI portent sur la conformitĂ©. La lĂ©gislation existe dĂ©jĂ , mais trop grand est le nombre d’entitĂ©s rĂ©glementĂ©es qui font fi de leurs obligations. Cela souligne plus le besoin d’une application concrète et efficace de la lĂ©gislation que de sa modification.
J. Bruce McMeekin est un avocat de Toronto spĂ©cialisĂ© en droit de l’environnement, des sociĂ©tĂ©s, en sĂ©curitĂ© des lieux de travail et en divulgation au CANAFE.