Le 8 et le 9 novembre 2019, plus de 150 praticiens, universitaires et membres de tribunaux se sont retrouvĂ©s Ă Ottawa pour assister Ă la ConfĂ©rence de l’ABC sur le droit administratif, et le droit du travail et de l'emploi qui a lieu tous les ans. Ils ont pu assister Ă un riche Ă©ventail de sĂ©ances plĂ©nières et en groupes portant sur les Ă©volutions du droit les plus rĂ©centes, tout en rĂ©seautant avec leurs homologues venus de toutes les rĂ©gions du pays.
Le premier jour de la confĂ©rence a commencĂ© avec un aperçu de la revue de l’annĂ©e en droit administratif rĂ©digĂ©e par David Jones, c.r. L’exposĂ© de cette annĂ©e, prĂ©sentĂ© par Victoria Jones, couvrait un grand nombre de dĂ©cisions intĂ©ressantes sur des sujets allant de la possibilitĂ© du recours au contrĂ´le judiciaire, plus particulièrement dans le contexte du privilège parlementaire, Ă la qualitĂ© pour agir dans l'intĂ©rĂŞt public, en passant par la pertinence de l’application de l’Ă©quitĂ© procĂ©durale aux organisations privĂ©es (dans la foulĂ©e de l’arrĂŞt Highwood Congregation of Jehovah’s Witnesses (Judicial Committee) c. Wall, 2018 CSC 26, rendu par la Cour suprĂŞme du Canada), et la relation naissante entre le droit administratif et le droit constitutionnel.
Les participants Ă la confĂ©rence ont assistĂ© Ă une discussion dynamique entre Audrey Boctor, Victoria Jones, Bill Shores c.r., et l’honorable juge David Stratas au sujet des possibles incidences d’une sĂ©rie de trois affaires entendues par la Cour suprĂŞme en dĂ©cembre 2018 portant sur la norme de contrĂ´le (Bell Canada, National Football League, et Vavilov) et dont les arrĂŞts sont très attendus Ă ce jour. Alors qu’aucun des membres du groupe de discussion ne pouvait prĂ©dire le contenu des arrĂŞts, ils se sont tous accordĂ©s pour penser qu’il est fort probable qu’en raison d’une absence d’unanimitĂ©, ils ne crĂ©eront pas le courant de jurisprudence clair que nous espĂ©rons tous. Dans quelques mois, nous pourrons probablement juger de l’exactitude des prĂ©dictions des membres du groupe de discussion.
Les sĂ©ances en groupe, dĂ©crites ci-dessous, proposĂ©es pendant la confĂ©rence ont couvert certaines des Ă©volutions et tendances les plus rĂ©centes en droit administratif et en droit du travail et de l’emploi.
- Le milieu de travail « fissurĂ© » qui, au fil des dernières annĂ©es, est devenu de plus en plus commun en raison de l’accroissement de la sous-traitance, des contrats de franchise, et du recours Ă des agences de recrutement par les employeurs, a fait l’objet d’une discussion. Les membres du groupe ont parlĂ© des Ă©volutions qui ont conduit Ă l’Ă©tat actuel des choses et des rĂ©percussions de ce contexte mouvant sur les avantages sociaux des employĂ©s, plus particulièrement les pensions de retraite, leur capacitĂ© Ă faire respecter leurs droits et les rĂ©cents changements apportĂ©s au Code canadien du travail.
- La discussion a Ă©galement portĂ© sur deux seuils importants concernant le contrĂ´le judiciaire : la justiciabilitĂ©, soit la question de savoir si le point sur lequel porte une dĂ©cision peut faire l’objet d’un contrĂ´le judiciaire, et la compĂ©tence, soit la question de savoir si la nature publique d’une mesure Ă©tatique est suffisante pour justifier une intervention judiciaire. Le groupe d’experts a approfondi certains des thèmes soulevĂ©s lors de l’ouverture de la confĂ©rence. Philippe Lagasse, de l’UniversitĂ© Carleton, a lancĂ© le dĂ©bat en exprimant son point de vue sur le rĂ©cent arrĂŞt rendu par la Cour suprĂŞme du Royaume-Uni dans l’affaire R v. Miller portant sur le contrĂ´le judiciaire de la mesure de prorogation de la session parlementaire par le premier ministre Boris Johnson dans le contexte des dĂ©bats sur le Brexit, et ses possibles incidences sur le contrĂ´le judiciaire au Canada. Pam Hrick s’est penchĂ©e sur le contexte canadien, y compris le privilège parlementaire et les cas oĂą les dĂ©cisions politiques Ă©chappent au contrĂ´le judiciaire. Shahzad Siddiqui a parlĂ© en dĂ©tail de la possibilitĂ© du recours au contrĂ´le judiciaire pour les dĂ©cisions Ă©manant d’organisations de nature religieuse et d’associations bĂ©nĂ©voles, axant sa rĂ©flexion sur l’arrĂŞt Wall et ceux qui l’ont suivi.
- Un autre groupe de discussion a centrĂ© son attention sur le milieu de travail « toxique » ou « dĂ©lĂ©tère », y compris les diffĂ©rents rĂ©gimes lĂ©gislatifs et rĂ©glementaires en vigueur au Canada qui interdisent le harcèlement sur le lieu de travail, les pratiques exemplaires de par le monde pour prĂ©venir le harcèlement psychologique et les outils pour susciter un milieu de travail sans danger du point de vue psychologique. Y ont Ă©galement Ă©tĂ© discutĂ©s l’expĂ©rience quĂ©bĂ©coise de l’Ă©tablissement des prĂ©judices dĂ©coulant d’un dĂ©faut de protection, par un employeur, contre le harcèlement, et ce qui constitue un comportement toxique sur le lieu de travail, selon la jurisprudence canadienne.
- Dans le cadre d’une autre sĂ©ance, les participants ont discutĂ© des pratiques exemplaires Ă mettre en Ĺ“uvre en prĂ©sence de parties qui plaident en leur propre nom devant les tribunaux afin de garantir le respect des droits Ă l’Ă©quitĂ© procĂ©durale de toutes les parties. L’exposĂ© de Chris Wirth a clairement indiquĂ© que ce sujet revĂŞt une importance croissante pour les tribunaux administratifs et judiciaires. S’appuyant sur leurs expĂ©riences vĂ©cues dans leur tribunal respectif, Michael Gottheil, de l’Alberta Human Rights Commission et Scott MacKenzie, c.r., de l’Island Regulatory and Appeals Commission, ont donnĂ© des conseils pratiques pour gĂ©rer les audiences auxquelles participent des plaideurs non reprĂ©sentĂ©s.
Ă€ l’issue des sĂ©ances en groupes, la première journĂ©e de la confĂ©rence a pris fin avec une discussion Ă©difiante entre l’honorable Janice R. Ashcroft, juge Ă la Cour du banc de la reine de l’Alberta, Paul Godin, mĂ©diateur chevronnĂ©, et Shirley Netten, du Tribunal de la sĂ©curitĂ© sociale du Canada (Division d’appel). Ils ont dĂ©battu des avantages et des inconvĂ©nients du règlement extrajudiciaire des diffĂ©rends dans le contexte des litiges relevant du droit administratif et du droit du travail et de l’emploi. Les participants Ă la confĂ©rence ont eu l’occasion d’Ă©tudier un dossier et de soupeser les diffĂ©rentes approches pouvant ĂŞtre adoptĂ©es pour rĂ©gler le problème sans avoir recours aux tribunaux.
Le deuxième jour de la confĂ©rence a commencĂ© par une conversation entre l’honorable juge Sheilah Martin et Pierre Moreau. Madame la juge Martin a fait part de ses perspectives sur le droit, le savoir, l’Ă©galitĂ©, la justice, et ce qui l’a conduite Ă siĂ©ger Ă la plus haute cour canadienne.
Une discussion animĂ©e au sujet des obligations dĂ©ontologiques et professionnelles dans le cadre de la dĂ©lĂ©gation de travail Ă de jeunes juristes au sein d’un cabinet a clos la confĂ©rence. Les participants ont ensuite eu quartier libre pour dĂ©couvrir Ottawa pendant l’après-midi ou continuer Ă rĂ©seauter avec d’anciens collègues avant de reprendre le chemin de leur rĂ©gion respective.
Au nombre des discussions de la confĂ©rence de l’an prochain figurera presque certainement une sĂ©ance consacrĂ©e Ă la sĂ©rie des trois arrĂŞts de la Cour suprĂŞme du Canada attendus avec impatience, et Ă la manière dont la norme de contrĂ´le sera interprĂ©tĂ©e et appliquĂ©e par les tribunaux de tout le pays. N’oubliez pas de retenir la date de la prochaine confĂ©rence qui aura lieu le 20 et le 21 novembre 2020 Ă Ottawa!
Sara Hanson est avocate dans le cabinet Moore Edgar Lyster LLP.
L’honorable juge Sheilah Martin, juge puĂ®nĂ©e de la Cour suprĂŞme du Canada, a parlĂ© de sa vie et de sa carrière lors d’une conversation animĂ©e par Pierre E. Moreau.