by Iulia Anescu
INTRODUCTION – La présence autochtone dans la Constitution canadienne
Victimes d’un génocide culturel foudroyant,1 les peuples autochtones du Canada,2 premiers habitants du territoire canadien dont la population est estimée à environ 1,8 million d’individus,3 sont encore, de nos jours, la cible de politiques assimilatrices fortement discriminatoires. Dans les dernières années, les peuples autochtones ont été confrontés à du racisme systémique qui a mené à la mort4 et à la stérilisation forcée5 de certains d’entre eux, ils se sont opposés à certains projets de développement de ressources sans qu’on les écoute6 et ils ont revendiqué une plus grande autonomie gouvernementale sans qu’on la leur octroie.7 Alors que les différents ordres de gouvernement ont exprimé une volonté de se réconcilier avec les peuples autochtones,8 le chemin afin d’éradiquer les politiques discriminatoires profondément ancrées dans nos institutions semble encore long et fastidieux. Pourtant, le système constitutionnel canadien reconnaît et confirme les droits ancestraux et issus de traités des peuples autochtones du Canada. En effet, ceux-ci ont été consacrés au sommet de la hiérarchie normative canadienne lorsqu’ils ont été enchâssés à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 (ci-après« LC 1982 »).9 La portée de cet article a fait l’objet de nombreuses interprétations par la Cour suprême du Canada (ci-après « la Cour suprême ») depuis son adoption.10 La Cour suprême ne s’est cependant jamais spécifiquement penchée sur la question du droit à l’autonomie gouvernementale comme faisant partie des droits ancestraux reconnus et confirmés par l’article 35. Cette question très contemporaine est au cœur de l’analyse de ce mémoire. Nous y reviendrons.
I. Le système juridique canadien : un système fondamentalement pluraliste
Il est primordial de dresser un portrait du système juridique canadien afin de comprendre la place qu’occupent les peuples autochtones au sein de celui-ci. Au Canada, plusieurs ordres juridiques étatiques et non-étatiques cohabitent et se développement conjointement.11 Les peuples autochtones détiennent leurs propres règles juridiques issues de leurs ordres internes. Cependant, dans le contexte juridique canadien, l’État est généralement peu porté à céder ou à partager son autorité ce qui compromet la reconnaissance du droit inhérent à l’autonomie gouvernementale des peuples autochtones, bien que la Cour suprême du Canada ait reconnu la « souveraineté préexistante » de ces peuples dans Nation Haïda.12 La non-reconnaissance de l’État n’empêche toutefois pas les peuples autochtones de revendiquer, et même d’affirmer haut et fort, leur juridiction inhérente tirant sa source dans leurs propres ordres juridiques. Conséquemment, l’existence des ordres juridiques autochtones ne dépend pas de leur reconnaissance en droit canadien.13 Le système juridique qui domine très largement dans la société canadienne est en revanche toujours celui provenant de l’État. La reconnaissance d’un droit à l’autonomie gouvernementale est délicate puisqu’elle s’inscrit encore et toujours dans le droit étatique alors que les juristes ont parfois du mal à comprendre les sources juridiques autochtones et à imaginer leur application.14 Ainsi, la dimension inhérente qui provient de l’ordre juridique interne autochtone est complexe dans un système juridique étatique basé sur le droit constitutionnel formel.15 Il est souvent difficile pour les pratiques ancestrales autochtones de se conformer aux principes de base du droit canadien qui peut parfois ajouter des contraintes plus précises qui se transposent mal dans les ordres juridiques autochtones. L’application du droit autochtone serait, par exemple, assujettie à la Charte canadienne des droits et libertés,16 puisqu’il serait difficile pour les législatures et les tribunaux de reconnaître une source de droit en conflit avec la Constitution. Cette question fort intéressante et importante à mentionner ne fait cependant pas l’objet de ce mémoire. Il nous était néanmoins impossible de ne pas souligner son existence.
II. Le régime de droits ancestraux autochtones prévu à l’article 35 LC 1982
En interprétant l’article 35 LC 1982, la Cour suprême a développé un régime précis qui permet aux peuples autochtones de revendiquer leurs droits ancestraux. Ce régime permet la reconnaissance de trois catégories de droits existants soit : les droits issus de traités, les droits ancestraux (aussi appelés « droits-activités ») ainsi que le titre ancestral. Tout d’abord, l’article reconnaît les droits issus de traités conclus entre la Couronne et un ou plusieurs peuples autochtones. Ensuite, les droits ancestraux visant une pratique particulière telle la chasse ou la pêche y sont également protégés. Ce régime est détaillé dans l’arrêt Van der Peet17 qui établit que la pratique faisant l’objet de la revendication doit avoir fait partie intégrante de la culture distinctive du groupe ancestral au moment du contact avec les Européens.18 Finalement, l’article 35 reconnaît et confirme le titre ancestral, bien défini dans l’arrêt Tsilhqot’in,19 qui octroie une maîtrise exclusive générale et évolutive de la terre et des ressources sur un territoire précis au peuple autochtone, c’est-à-dire le droit d’en déterminer l’usage qui peut être moderne. Les conditions d’existence du titre renvoient à quelques notions clés : une occupation suffisante et exclusive, antérieure à l’affirmation de la souveraineté ayant perdurée jusqu’à aujourd’hui.20 La Cour suprême n’a néanmoins pas encore confirmé la portée de cet article en ce qui a trait au droit à l’autonomie gouvernementale. Elle aura l’occasion de le faire prochainement.
III. Le point de départ de toute analyse : les questions de recherche
Le droit ancestral à l’autonomie gouvernementale est un droit dit inhérent. Qu’entendons-nous par inhérent? L’autonomie gouvernementale est inhérente en ce qu’elle découle du fait que les peuples autochtones étaient souverains et incarnaient des nations indépendantes qui gouvernaient le territoire bien avant la colonisation européenne.21 Cette souveraineté n’a d’ailleurs jamais été cédée.22 Qu’en est-il de la question de l’autonomie gouvernementale? Comme l’explique la Cour d’appel du Québec dans le Renvoi relatif à la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis (ci-après le « renvoi »), ce concept reste encore à être défini et balisé.23 Le droit à l’autonomie gouvernementale semble conférer un pouvoir législatif et décisionnel aux gouvernements autochtones leur permettant de se doter de leurs propres règles en ce qui concerne la gestion de leurs affaires.24 La reconnaissance constitutionnelle de ce dernier, telle qu’admise par la Cour d’appel dans le renvoi, implique l’existence d’un nouvel ordre de gouvernement incarné par les représentants des peuples autochtones, partenaires fondateurs du Canada. Cela représente un immense pas vers la réconciliation avec les peuples autochtones en ce qu’il rend légitime la souveraineté autochtone n’ayant jamais été cédée ou éteinte.25 Bien qu’il soit inhérent, le droit à l’auto-détermination autochtone peut donc, selon nous, également trouver assise dans le système juridique étatique.
Nos réflexions sur ces enjeux nous ont amenés à soulever les deux questions suivantes : à la lumière des différents principes d’interprétation constitutionnelle existant dans le système canadien, l’article 35 LC 1982 s’interprète-t-il de façon à reconnaître et protéger un droit à l’autonomie gouvernementale autochtone? Subsidiairement, si la réponse à la question précédente est affirmative, la Cour suprême doit-elle renverser ses précédents en matière de droits ancestraux afin de reconnaître ce droit? Les réponses apportées à ces questions seront formulées en mobilisant certains principes d’interprétation constitutionnelle tels l’analyse de l’arbre vivant et l’originalisme, l’importance des principes non écrits, le principe du stare decisis, le pragmatisme constitutionnel ainsi que le respect de l’architecture constitutionnelle. En nous appuyant sur ces différents principes, nous avançons qu’une interprétation de l’article 35 LC 1982 évolutive, pragmatique, mais qui tient aussi compte du passé implique bel et bien une protection du droit à l’autonomie gouvernementale et mène à une nouvelle catégorie de droits ancestraux sans toutefois déformer l’architecture constitutionnelle et sans que la Cour suprême n’ait besoin de renverser ses précédents en matière de droits ancestraux. Alors que la question de la réconciliation prend de plus en plus d’ampleur dans l’espace public et que la Cour suprême se penchera sur la question de l’autonomie gouvernementale dans les prochains mois, l’analyse proposée par ce travail nous semble tout à fait pertinente voire, même essentielle à l’évolution de l’état du droit actuel. Le sujet est non seulement contemporain, mais nous permet également de mobiliser des principes d’interprétation constitutionnelle qui sont parfois oubliés, toutefois bien reconnus et utilisés depuis longtemps dans l’analyse constitutionnelle canadienne. Nos intérêts de recherche portent d’ailleurs depuis quelques années sur le droit autochtone et la question de l’autonomie gouvernementale semble incarner un enjeu dominant les réflexions des juristes œuvrant dans le domaine.
SECTION 1 – L’état du droit canadien sur la question de l’autonomie gouvernementale autochtone
Le droit à l’autonomie gouvernementale trouve assise dans quelques sources positives du droit canadien tant dans la législation que dans la jurisprudence. En effet, certaines lois octroient une forme de pouvoir législatif aux peuples autochtones dans certains domaines spécifiques comme la Loi sur les foyers familiaux,26 adoptée en 2013, et la Loi sur la gestion financière des premières nations,27 adoptée en 2005, qui renvoient toutes deux à l’autonomie gouvernementale des « Premières Nations ». Cette section du travail fait état de certaines de ces sources en analysant la présence d’une forme d’autonomie déjà octroyée aux dirigeants des peuples autochtones.
1.1 La présence d’une forme de droit à l’autonomie gouvernementale dans la législation
Une forme de pouvoir législatif a été déléguée dans les dernières décennies aux peuples autochtones, encourageant ainsi une forme d’autonomie gouvernementale. En effet, plusieurs lois reconnaissent formellement ou informellement ce droit aux peuples autochtones. Un nombre significatif d’accords et de traités portant sur l’autonomie gouvernementale ont également été signés entre la Couronne et les différents groupes.28
1.1.1 La Loi sur les Indiens : une loi foncièrement coloniale
La Loi sur les Indiens29 est le principal outil d’administration du statut « d’Indien », des gouvernements locaux autochtones et des terres de réserve. Elle régit la quasi-totalité des aspects de la vie des « Indiens inscrits ». Cette loi est d’ailleurs considérée par les peuples autochtones comme étant profondément paternaliste et mal adaptée à leurs besoins.30 La Loi sur les Indiens prévoit la création de propriétés de la Couronne, appelées « réserves », qui sont détenues à l’usage et au profit des « Indiens »31 ainsi que des « bandes indiennes » qui exercent des pouvoirs décisionnels sur le territoire des réserves. Le conseil de bande, élu par les électeurs de la bande, détient un pouvoir administratif et adopte des règlements sur les terres des réserves pouvant porter sur divers sujets dont certains se rapportent à la protection de l’environnement.32 Il peut, notamment, établir et entretenir les cours d’eau, contrôler les herbes nuisibles et conserver, protéger et régir certains animaux.33 Les pouvoirs du conseil de bande sont cependant limités en ce qu’ils découlent de la Loi sur les Indiens, en plus de ne pouvoir être exercés qu’à l’intérieur du périmètre de la réserve.34 Ces corps dirigeants autochtones ne bénéficient que d’une faible autonomie.
1.1.2 La Loi sur la gestion des terres autochtones : le début d’une forme d’autonomie
La Loi sur la gestion des terres des Premières nations,35 adoptée en 1999 est une seconde loi fédérale prévoyant un pouvoir formel de gouvernance aux peuples autochtones. La Loi sur la gestion des terres ratifie l’Accord-cadre sur la gestion des terres des Premières nations, qui permet aux peuples autochtones de se soustraire de l’application de 40 articles de la Loi sur les Indiens portant sur la gestion des terres. Les communautés concernées peuvent alors élaborer leurs propres lois sur l’utilisation de la terre, de l’environnement et des ressources naturelles, et profiter des possibilités de développement culturel et économique grâce à leurs nouveaux pouvoirs en matière de gestion des terres. L’Accord-cadre et la Loi constituent le Régime de Gestion des terres des Premières nations. Une fois que les peuples autochtones ont adhéré au programme de Gestion des terres, ils doivent se doter d’un code foncier, c’est-à-dire d’un document contenant des dispositions générales relatives à l’exercice de leurs droits et pouvoirs sur leurs terres ainsi que d’un accord spécifique.36 Les deux documents sont d’ailleurs subordonnés à l’approbation du ministre des Relations Couronne-Autochtones. L’administration des terres leur est alors transférée ce qui leur donne le pouvoir d’édicter des lois en matière de terres, d’environnement et de ressources, pouvoirs plus étendus que les compétences réglementaires octroyées par la Loi sur les Indiens. Les pouvoirs des peuples autochtones en vertu du programme de Gestion des terres sont très limités en ce qu’ils sont subordonnés à l’Accord signé avec le gouvernement, en plus de ne conférer aux communautés concernées aucune liberté ou autonomie décisionnelle quant à la mise en œuvre spécifique de projets de développement de ressources naturelles.
1.1.3 Le Code civil du Québec et la Loi sur la protection de la jeunesse
Le Code civil du Québec37 (ci-après le « Code ») permet l’adoption coutumière autochtone comme une forme d’adoption reconnue au même titre que celle étatique. En effet, le Code prévoit que les conditions d’adoption coutumière autochtone peuvent se substituer à celles prévues par les règles du Code dans la mesure où elles sont en harmonie avec l’intérêt de l’enfant et que les parties y consentent.38 L’article 151.1 du Code confirme qu’une autorité compétente désignée par la communauté ou la nation autochtone peut délivrer un certificat d’adoption coutumière. Cette adoption autochtone crée les mêmes effets que celle régie par les règles de l’État, soit un lien de filiation entre l’enfant et l’adoptant. Ce régime est également prévu pour la tutelle supplétive.39 La Loi sur la protection de la jeunesse40 reconnaît également l’adoption ainsi que la tutelle coutumières autochtones. Elle prévoit que le directeur de la protection de la jeunesse doit considérer les pratiques autochtones prévues par le Code.41 La Loi permet également au gouvernement du Québec de conclure une entente spécifique avec un peuple autochtone sur ces pratiques afin de mieux adapter les modalités d’application de la Loi aux réalités autochtones.42 Dans la mesure où les règles d’adoption coutumière autochtone respectent l’intérêt supérieur de l’enfant, le Code civil du Québec octroie une grande autonomie aux peuples autochtones en ce qui a trait à leur mise en œuvre.
1.1.4 La Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis : une loi relativement innovatrice
La Loi concernant les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis43 est une loi du gouvernement fédéral sanctionnée en juin 2019 dont les dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2020 et qui fait l’objet de nombreuses discussions dans le milieu juridique. Adoptée afin d’adresser la surreprésentation des enfants autochtones dans le système des services à l’enfance et à la famille, la Loi énonce non seulement les principes applicables à la fourniture de services à l’enfance et à la famille concernant les autochtones, mais affirme également le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale lequel comprend la compétence en matière de services à l’enfance et à la famille.44 En affirmant ce droit, le gouvernement fédéral a confirmé la portée d’une disposition constitutionnelle ce qui est hautement inhabituel.45 Cette loi permet donc aux corps dirigeants autochtones d’exercer une autonomie quant à la gestion des services liés aux enfants et à la famille et affirme que ce sont eux qui sont les mieux placés pour identifier et mettre en œuvre les solutions au fléau qu’est la surreprésentation. C’est en décembre 2019 que le gouvernement du Québec a pris un décret ayant mené au dépôt d’un Avis de renvoi à la Cour d’appel du Québec.46 Dans son Avis, le gouvernement du Québec remet en question la compétence du gouvernement du Canada d’adopter cette Loi en raison du partage constitutionnel des compétences. La Cour d’appel a rendu son renvoi récemment et ce dernier fait désormais l’objet d’un appel devant la Cour suprême. Nous y reviendrons en détail plus bas.
1.2 L’absence d’une reconnaissance formelle de l’autonomie gouvernementale dans la jurisprudence avant le Renvoi à la Cour d’appel du Québec
La question de l’autonomie gouvernementale autochtone n’a pas encore fait l’objet d’une analyse détaillée par la Cour suprême du Canada. Celle-ci a eu en revanche l’occasion d’aborder brièvement la question dans quelques arrêts et de formuler quelques indices quant à sa portée. Selon les dires de la Cour suprême, l’article 35 LC 1982 pourrait inclure la reconnaissance de ce droit, bien qu’une grande incertitude plane encore sur la façon dont un futur régime balisant le droit à l’autonomie gouvernementale serait administré. Analysons maintenant les différents arrêts pertinents des Cours s’étant penchées sur l’enjeu.
1.2.1 R. c. Van der Peet
Cet arrêt rendu en 1996 par la Cour suprême du Canada porte sur la revendication d’un droit ancestral de pêche commerciale.47 Dans Van der Peet, l’appelante accusée de l’infraction d’avoir vendu du poisson en contradiction avec son permis de pêche de subsistance invoque que son droit est en fait protégé par l’article 35 LC 1982. La Cour formule, dans sa décision, le cadre juridique permettant la reconnaissance d’un droit ancestral ou droit-activité. Ce test auquel on réfère aujourd’hui comme le « test de Van der Peet » énonce les critères pour la reconnaissance d’un droit précis à une communauté déterminée sur un territoire spécifique : soit une activité qui doit être un élément d’une coutume, pratique ou tradition faisant partie intégrante de la culture distinctive du groupe autochtone avant le contact avec les Européens.48 Ce dernier est, dans une certaine mesure, problématique en ce qu’il ancre les droits ancestraux dans une perspective du passé qui fige le développement des pratiques ancestrales à ce qu’elles étaient auparavant. C’est donc un test qui s’applique et s’analyse au cas par cas et dont la portée est spécifique,49 c’est-à-dire qu’une communauté qui revendique un droit ancestral doit le faire pour une activité précise sur un territoire donné. La Cour suprême n’a cependant pas explicitement fermé la porte, dans cet arrêt, à la reconnaissance d’un droit générique à l’autonomie gouvernementale. Cette hypothèse demeure donc viable, d’autant plus que la Cour a confirmé qu’un droit sous l’article 35 peut détenir une portée générale comme pour le titre ancestral.50
1.2.2 R. c. Pamajewon
L’arrêt Pamajewon, rendu en 1996 quelques jours à peine après l’arrêt Van der Peet, porte sur une revendication liée à la règlementation des jeux de hasard. Les appelants dans cette affaire revendiquent le droit à l’autonomie gouvernementale d’organiser et de règlementer des jeux de hasard sur leur territoire. Dans sa décision, la Cour suprême, invoquant le test de Van der Peet, conclut qu’il n’était pas nécessaire de statuer si l’article 35 LC 1982 comprenait ou non le droit à l’autonomie gouvernementale, puisque même si ce dernier y est reconnu, il ne peut porter sur la réglementation des jeux de hasard puisque les activités liées à ces jeux ne forment pas une coutume, pratique ou tradition faisant partie de la culture distinctive du peuple autochtone en cause.51 Les faits de l’affaire n’étaient donc pas idéaux et n’incarnaient pas la meilleure stratégie pour traiter de la question de l’autonomie gouvernementale en ce qu’un droit faisant partie de la culture distinctive autochtone aurait peut-être mené à un résultat différent.52 De plus, la Cour suprême laisse entendre que si le droit à l’autonomie gouvernementale existe, ce dernier doit répondre aux critères énoncés dans Van der Peet afin d’être reconnu comme faisant partie de l’article 35 LC 1982.53 Il serait donc de portée spécifique selon la Cour. L’arrêt est cependant très court et a été rendu il y a plusieurs années alors que la Cour suprême ne s’était pas penchée de façon approfondie sur la question. La Cour formule toutefois plus d’indices dans le prochain arrêt analysé.
1.2.3 Delgamuukw c. Colombie-Britannique
L’affaire Delgamuukw,54 décision rendue par la Cour en 1997, soulève la question du titre ancestral ainsi que celle de l’autonomie gouvernementale, bien que la Cour ait finalement refusé de se pencher sur cette dernière question en raison des insuffisances du dossier. Dans cet arrêt, des chefs héréditaires Wet’suwet’en revendiquent des parties d’un immense territoire en Colombie-Britannique.55 L’essentiel de la décision concerne le fait que la Cour suprême traite du titre ancestral comme d’un droit uniforme, dont les dimensions fondamentales ne varient pas d’un groupe à l’autre en fonction de leur mode de vie traditionnel.56 Ainsi, tous les groupes détenant un titre ont fondamentalement le même type de droit générique, sous réserve de variations mineures découlant de la limite intrinsèque. Les dimensions fondamentales du droit sont déterminées par la doctrine des droits ancestraux provenant de la common law plutôt que par les circonstances uniques de chaque groupe. En effet, la Cour reconnaît que le titre ancestral n’est pas un droit spécifique du même type qu’envisagé dans Van der Peet ni même un faisceau de droits spécifiques.57 La Cour suprême n’a pas en l’espèce expliqué s’il y avait lieu ou non d’adapter les critères et les facteurs de Van der Peet au droit à l’autonomie gouvernementale, comme elle l’a fait pour le titre ancestral, n’ajoutant rien de plus à ce qui avait été dit dans Pamajewon. Jusqu’à présent, la Cour suprême du Canada ne s’est pas prononcée sur l’existence ou le contenu spécifique du droit à l’autonomie gouvernementale des peuples autochtones ni ne s’est-elle attardée longuement sur l’application des critères et des facteurs de Van der Peet dans ce contexte. Analysés ensemble, Delgamuukw et Pamajewon suggèrent néanmoins, selon nous, que la Constitution canadienne pourrait reconnaître et affirmer un droit inhérent à l’autonomie gouvernementale puisque ces décisions n’analysent pas en profondeur l’enjeu et ne ferment pas la porte à une possible reconnaissance.58
1.2.4 Campbell et al v. AG BC/AG Cda & Nisga'a Nation et al
La décision Campbell,59 rendue en juillet 2000 par la Cour suprême de la Colombie-Britannique, est pertinente pour notre analyse en ce qu’elle porte sur la validité constitutionnelle des dispositions portant sur l’autonomie gouvernementale d’un accord intervenu entre la nation Nisga’a et les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique.60 Les demandeurs invoquent, en l’espèce, que le partage des compétences tel qu’envisagé dans la Loi constitutionnelle de 186761 (ci-après« LC 1867 »), empêche la reconnaissance d’un droit à l’autonomie gouvernementale pour les peuples autochtones comme droit ancestral ou même par la voie d’un traité, et ce, sans que la Constitution canadienne ne soit formellement amendée.62 Le juge de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, en s’inspirant de l’analyse téléologique du fédéralisme canadien effectuée dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec,63 conclut qu’un droit à l’autonomie gouvernementale est protégé par l’article 35 LC 1982 en tant que droit ancestral, qu’il fait partie de la common law et que le partage des compétences n’a pas pour effet d’écarter les droits ancestraux.64 Le prochain arrêt incarne une première occasion pour la Cour suprême de se pencher directement sur la question.
1.2.5 Renvoi relatif à la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis
Comme mentionné précédemment, le gouvernement du Québec a soumis la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis (ci-après « la Loi ») à la Cour d’appel du Québec afin qu’elle puisse faire l’objet d’un renvoi.65 La Cour fait état, dans sa décision rendue le 10 février 2022, du contexte ayant amené à l’adoption de la Loi par le gouvernement fédéral. Constatant les conséquences dramatiques que les mesures d’assimilation comme les pensionnats autochtones ont fait subir aux peuples autochtones et le fait que celles-ci aient perduré bien après leur abolition alors qu’enfants autochtones ont été massivement adoptés par des familles allochtones,66 la Cour d’appel reconnaît que l’adoption de la Loi est une mesure cruciale pour lutter contre la surreprésentation des enfants autochtones dans le système de protection de la jeunesse et un pas essentiel vers la réconciliation avec les peuples autochtones. La question principale soumise à la Cour est la suivante : la Loi est-elle ultra vires de la compétence du Parlement du Canada en vertu de la Constitution du Canada?67 Le renvoi soulève plusieurs questions essentielles liées à l’autonomie gouvernementale portant, entre autres, sur le partage des compétences entre les gouvernements fédéral et provinciaux, le pouvoir du Parlement fédéral d’affirmer la portée d’une disposition constitutionnelle, l’interprétation du contenu de l’article 35 en lien avec l’autonomie gouvernementale et la portée générique ou spécifique de ce droit. Bien qu’elles soient toutes importantes, ce sont surtout les deux dernières questions qui nous préoccupent dans le cadre de ce mémoire.
La Cour d’appel, dans le renvoi, prend une position très pragmatique en confirmant que l’autonomie gouvernementale est un droit générique enchâssé à l’article 35 LC 1982 puisque les peuples autochtones ont préservé une forme d’autonomie gouvernementale sur le territoire découlant de leur souveraineté initiale n’ayant jamais été cédée.68 Le seul fait que l’approche déclaratoire adoptée par le Parlement soit inhabituelle n’est point suffisant selon la Cour pour invalider la Loi, d’autant plus que les raisons derrière son adoption se prêtent bien à l’adoption d’une mesure législative.69 La Cour confirme donc la validité de la Loi et considère que le Parlement avait la compétence pour l’adopter.70 La Cour suprême est d’ailleurs présentement en délibéré sur la question. Nous y reviendrons.
1.3 Les assises constitutionnelles du droit à l’autonomie gouvernementale des peuples autochtones
Selon nous, à la lumière de notre interprétation jurisprudentielle, le droit à l’autonomie gouvernementale peut tirer sa source dans l’article 35 LC 1982 et est enchâssé dans celui-ci. De plus, cette reconnaissance ne rentre pas en contradiction avec le partage des compétences établi par la Loi constitutionnelle de 1867.
1.3.1 Le partage des compétences : les autochtones partenaires au sein de la Confédération
L’adoption de la Loi ainsi qu’une éventuelle reconnaissance du pouvoir législatif des corps dirigeants autochtones comme incarnant un nouvel ordre de gouvernement soulèvent des enjeux liés au partage des compétences. Afin de déterminer si la Loi a été adoptée sous le chef de compétence fédérale soit sous l’article 91(24) LC 1867 qui permet au Parlement fédéral de légiférer sur les affaires autochtones, il faut évaluer le caractère véritable de ladite Loi en étudiant son objet ainsi que ses effets.71 Selon l’analyse effectuée par la Cour d’appel, à laquelle nous souscrivons, le caractère véritable de la Loi : « est de protéger et d’assurer le bien-être des enfants, familles et peuples autochtones en favorisant des services à l’enfance qui soient culturellement adaptés, et ce, dans le but de mettre fin à la surreprésentation des enfants autochtones dans les systèmes de services à l’enfance ».72 D’ailleurs, selon la théorie du double aspect, le fédéralisme canadien admet qu’une même matière puisse être réglementée sous des perspectives différentes par le fédéral et les provinces. Dans la mesure où une loi, de par son caractère véritable, relève de la compétence du Parlement, elle peut produire des effets accessoires, même significatifs, sur des matières qui relèvent de compétences provinciales sans que cela n’affecte sa validité constitutionnelle.73 C’est le cas en l’espèce. La Loi est donc foncièrement valide et n’est pas ultra vires de la compétence du Parlement.
La reconnaissance d’un nouvel ordre de gouvernement autochtone dans la Constitution soulève également quelques enjeux. La question principale reliée à cette reconnaissance pourrait créer un état de confusion par rapport au partage des pouvoirs en lien avec les peuples autochtones, puisqu’en ce moment, les deux paliers de gouvernement peuvent légiférer sur les questions autochtones.74 De plus, en cas de conflits entre les trois paliers, quelle règle devra prévaloir? Certains auteurs mettent de l’avant le fait que les mêmes doctrines utilisées pour le partage des pouvoirs entre les deux ordres pourraient s’appliquer à plusieurs ordres.75 En ce qui a trait à la structure même du partage des pouvoirs au sein de la Constitution, il importe de mentionner que selon la Cour d’appel, l’interprétation de la Loi constitutionnelle de 1867 ne permet pas de conclure que l’intention du Parlement à l’époque était de mettre de côté les droits des peuples autochtones au sein de la création de la Confédération.76 Elle explique en effet qu’«[a]u contraire, l’histoire des rapports entre la Couronne et les peuples autochtones, tant avant qu’après l’acte confédératif de 1867, établit que ces derniers ont toujours été reconnus comme peuples – et non comme simples sujets – et qu’ils demeurent régis par leurs propres lois et leurs coutumes dans les domaines de compétence qui ne sont pas en conflit avec l’affirmation de la souveraineté de la Couronne, qui n’ont pas été cédés volontairement par traité, ou que le gouvernement n’a pas éteints ».77 Il n’est donc pas contraire à la structure constitutionnelle que de reconnaître que les peuples autochtones puissent exercer leur propre autonomie gouvernementale. Ce droit ne peut cependant s’exercer de façon absolue et l’emporter lors de tout conflit avec une loi provinciale, ce qui explique, entre autres, pourquoi la Cour d’appel a invalidé le paragraphe 22(3) de la Loi.78
1.3.2 Un droit reconnu et confirmé par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982
La reconnaissance d’un droit à l’autonomie gouvernementale nécessite de tenir compte des particularités qu’implique ce droit puisqu’il concerne les peuples autochtones comme des peuples. Comme admis par la Cour d’appel, le test de Van der Peet ne semble pas pouvoir s’appliquer tel quel à l’autonomie gouvernementale,79 bien que ces principes puissent être utiles tout de même à l’analyse. L’autonomie gouvernementale pourrait, par exemple, porter sur une pratique qui n’est pas nécessairement « distinctivement » autochtone ce qui rend l’application du test de Van der Peet difficile. De plus, à la lumière de l’arrêt Delgamuukw, il semble plus pertinent de traiter du droit à l’autonomie gouvernementale comme d’un droit ancestral générique, basé sur un modèle similaire à celui du titre ancestral, plutôt que comme un ensemble de droits spécifiques.80 Dans cette optique, le droit à l’autonomie gouvernementale serait alors régi par des principes uniformes établis par la common law canadienne. La portée fondamentale du droit ne devrait alors pas varier d’un groupe à l’autre. Cependant, son application à un groupe particulier diffèrera évidemment selon les circonstances.
SECTION 2 – La mobilisation des principes d’interprétation constitutionnelle pour comprendre le droit à l’autonomie gouvernementale inclus à l’article 35
La question de l’autonomie gouvernementale comme un droit confirmé et protégé par l’article 35 LC 1982 pose des questions d’interprétation constitutionnelle fascinantes. Les théories d’interprétation constitutionnelle développées par la jurisprudence et la doctrine sont extrêmement pertinentes afin d’explorer les différents points de vue des juristes qui se penchent sur la question. Selon nous, lorsqu’elles sont bien mobilisées, les différentes théories permettent d’arriver à une conclusion favorable aux peuples autochtones, au même titre que celle à laquelle est arrivée la Cour d’appel du Québec.
2.1 L’originalisme et l’arbre vivant : la nécessité d’une théorie évolutive du droit qui tient compte du passé
L’originalisme et l’arbre vivant sont deux théories souvent présentées comme opposées qui permettent d’interpréter les dispositions constitutionnelles. La première incarne une perspective plutôt historique, figée dans le passé alors que la deuxième se réfère à une perspective évolutive. Tout d’abord, l’arbre vivant, longuement mobilisé en 1930 par le Comité judiciaire du Conseil privé dans l’arrêt Edwards81 au moment de déterminer la possibilité de nommer une femme au Sénat, réfère à une façon de voir la Constitution comme étant une loi intrinsèquement évolutive, évoluant au même rythme que notre société qui doit être interprétée de manière large et libérale. Bien qu’elle doive être lue à la lumière des nouvelles valeurs sociétales selon la théorie de l’arbre vivant, il est difficile d’oublier que l’arbre possède des racines historiques qui influencent sa croissance.82 Ainsi, comme pour l’arbre, le contact de la Constitution avec ses racines est essentiel au maintien de la santé du système. L’originalisme s’encre donc dans cette vision historique de l’interprétation constitutionnelle. En effet, selon les juristes qui la prônent, cette approche encourage une interprétation qui porte sur l’intention du législateur à l’époque de son adoption et qui se base sur la réalité sociétale qui existait à ce moment-là.83 Puisque la Constitution encadre les pouvoirs de l’État, son interprétation se doit généralement d’être stable et prévisible. Cette dichotomie de points de vue entre les originalistes et ceux prônant une vision évolutive illustre bien le difficile équilibre entre la souplesse de la Constitution et la certitude qui doit l’accompagner.84
Dans son analyse, la Cour d’appel fait une analyse historique (puisqu’elle détaille les relations entre la Couronne et les peuples autochtones qui justifient sa conclusion) dans une perspective également évolutive afin d’interpréter l’article 35 à la lumière du contexte de l’adoption de la Loi. La Cour entreprend une analyse téléologique en tenant compte de la volonté du législateur des dernières années d’octroyer un droit à l’autonomie gouvernementale dans certaines matières et de la jurisprudence passée qui a laissé la porte ouverte à cette reconnaissance. Une interprétation originaliste en l’espèce ne rentre pas nécessairement en contradiction avec celle de l’arbre vivant en ce qui a trait à l’autonomie gouvernementale dans la Constitution canadienne puisque tel qu’expliqué par la Cour d’appel, l’analyse des relations historiques, comme la conclusion de la Proclamation royale, entre autres, milite vers l’octroi d’une autonomie gouvernementale aux peuples autochtones. Interpréter l’article 35 comme incluant le droit à l’autonomie gouvernementale est donc non seulement évolutif, mais ne contredit pas la perspective originelle des fondateurs de la Confédération. En effet, l’adoption de la Loi constitutionnelle de 1867, a eu, selon certains, pour conséquence de restructurer la hiérarchie existante de l’autorité légiférant sur les questions autochtones, de sorte que le Parlement impérial, le gouvernement fédéral, les gouvernements des provinces et les peuples autochtones possédaient tous, à divers niveaux et de différentes façons, des pouvoirs se chevauchant, et ce, sans écarter complètement les droits des peuples autochtones.85 Quatre ordres de gouvernement existaient alors à l’époque. La compétence prévue à l’article 91(24) LC 1867 n’élimine donc pas les droits des peuples autochtones, mais n’incarne en fait qu’un support aux communautés venant du fédéral.
Dans le même ordre d’idées, la Loi constitutionnelle de 1982 a permis de statuer sur la question difficile de la hiérarchie des lois au sein du système canadien de façon favorable aux peuples autochtones. Maintenant enchâssés dans la Constitution, les droits ancestraux et issus de traités garantissent en quelques sortes que le droit à l’autonomie gouvernementale sera protégé lors de conflits avec des lois fédérales et provinciales, hormis dans la mesure où les atteintes pourront être justifiées.86 Si un droit à l’autonomie gouvernementale est reconnu par la Cour suprême, comme il l’a été par le gouvernement fédéral, les corps dirigeants autochtones détiendront sensiblement les mêmes pouvoirs que les gouvernements fédéral et provinciaux en ce qui concerne l’exercice de leur juridiction, soit des pouvoirs législatifs circonscrits et non illimités.
2.2 Le principe du stare decisis ne prend pas application en l’espèce
Une autre théorie d’interprétation constitutionnelle clé en common law est le principe du stare decisis qui permet aux juges de produire du droit par le développement de la jurisprudence. Ce principe implique que les juges se doivent de suivre les règles ressortant de la jurisprudence antérieure provenant d’une cour de hiérarchie supérieure.87 L’application du stare decisis n’est pas sans exception puisque la Cour peut réexaminer un précédent à certaines conditions.88 La Cour est néanmoins limitée dans la rapidité et l’ampleur avec lesquelles elle peut faire évoluer les règles juridiques.89 La jurisprudence de la Cour suprême n’a pas définitivement statué sur la question de l’autonomie gouvernementale et n’a donc pas fermé la porte à une reconnaissance de ce droit sous forme générique. Il est vrai que certains arrêts semblent militer vers la reconnaissance d’un droit spécifique sous le test de Van der Peet, cette analyse ne prend pas en revanche, selon nous, application dans le cas de l’autonomie gouvernementale, puisque ce droit ne possède pas les caractéristiques d’un droit dit spécifique, caractéristiques qu’auraient, par exemple, des activités comme la chasse ou la pêche. L’autonomie gouvernementale incarne plutôt un droit générique dont tous les groupes pourraient bénéficier, puisque c’est un droit pour tous les «peuples», dans la même mesure que le titre ancestral. Cette caractéristique milite plutôt vers la création d’un nouveau régime de droits ancestraux sous l’article 35 inspirée de celui du titre ancestral. Lorsque les précédents de la Cour suprême sont lus à la lumière des rapports historiques entre la Couronne et les peuples autochtones,90 ceux-ci doivent être interprétés comme reconnaissant le droit à l’autonomie gouvernementale en tant que droit ancestral permettant, à tout le moins, aux peuples autochtones de réglementer les services à l’enfance et à la famille les concernant, et ce, sans avoir besoin de renverser ses précédents, la Cour suprême n’ayant jamais statué spécifiquement sur le sujet.
2.3 L’importance du respect des principes non écrits : l’honneur de la Couronne
La Constitution canadienne doit être interprétée à la lumière des principes qui sous-tendent le système constitutionnel britannique.91 L’honneur de la Couronne, un principe constitutionnel non écrit, impose aux gouvernements l’obligation de délimiter et de permettre une mise en œuvre tangible des droits ancestraux protégés à l’article 35 LC 1982.92 Les raisons sous-tendant l’adoption de cet article ont pour objet de reconnaître et de protéger ces droits dans une optique de réconciliation avec les peuples autochtones. Comme le soulève la Cour d’appel du Québec, ce n’est d’ailleurs pas qu’aux cours de justice à qui revient le rôle de mettre en place des mesures visant à concilier l’affirmation de la souveraineté et les droits ancestraux, mais également aux gouvernements qui n’ont point besoin d’attendre que les tribunaux aient statué sur la question afin d’agir.93 C’est exactement ce que le gouvernement fédéral a fait lors de l’adoption de sa Loi. Selon la Cour d’appel du Québec, les gouvernements ont tout à fait le droit d’adopter des lois afin de mettre en œuvre les droits reconnus à l’article ils en ont même le devoir.94 L’existence de l’honneur de la Couronne milite donc vers une reconnaissance de ces droits, ce qui inclut la protection de l’autonomie gouvernementale comme droit protégé à l’article 35. Rappelons-nous que la Cour suprême a exprimé, dans Nation Haïda, que les gouvernements avaient le devoir de garder en tête les droits ancestraux, même dans les cas où les droits en cause n’avaient pas déjà été définis ou reconnus par les tribunaux, dans la mesure où ceux-ci étaient potentiellement susceptibles d’être reconnus.95 De plus, les longues et coûteuses procédures judiciaires préalables à la reconnaissance d’un droit ancestral peuvent avoir l’effet de nuire aux peuples autochtones ce qui milite vers une reconnaissance d’un droit générique qui ne nécessiterait pas de revendication particulière au cas par cas.96
2.4 La préservation de l’architecture constitutionnelle
L’architecture constitutionnelle canadienne, essentielle au fonctionnement du système et ayant elle-même une force normative, détient un statut autonome tel que confirmé par la Cour suprême du Canada.97 La préservation de l’architecture de notre constitution est primordiale afin de respecter les règles qui y figurent. Ainsi, lorsque l’article 18 de la Loi, dans la même veine que l’article 8 al. a), affirme que « [l]e droit inhérent à l’autonomie gouvernementale reconnu et confirmé par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 comprend la compétence en matière de services à l’enfance et à la famille, notamment la compétence législative en matière de tels services et l’exécution et le contrôle d’application des textes législatifs pris en vertu de cette compétence législative », le Parlement ne crée pas un nouveau droit constitutionnel, mais ne fait que constater l’existence d’un tel droit sous l’architecture constitutionnelle existante. En outre, l’architecture constitutionnelle canadienne est édifiée sur la base de gouvernements coordonnés, et non subordonnés, dans le but de garantir à chacun une autonomie afin qu’ils puissent poursuivre leurs objectifs uniques. D’ailleurs, certains experts avancent que l’article 35 a enfin permis de reconnaître dans la Constitution canadienne que les peuples autochtones sont des partenaires de la Confédération et de créer un espace constitutionnel, non seulement pour les droits issus de traités, le titre ancestral, les droits-activités, mais également pour la gouvernance autochtone qui existe depuis bien longtemps.98
2.5 L’approche très pragmatique de la Cour d’appel du Québec
Une théorie mettant de l’avant une approche plus pragmatique a vu le jour dans le dernier siècle.99 Cette théorie pragmatique énonce que le juge est amené à considérer non seulement les règles juridiques formelles, mais également le contexte factuel et les effets pratiques de sa décision avant de la rendre.100 La méthode pragmatique semble avoir le potentiel d’inclure les faits sociaux dans le raisonnement juridique et permettre ainsi un meilleur reflet de la réalité pratique dans le droit. La Cour d’appel du Québec adopte cette approche dans son tout dernier renvoi. En évaluant la preuve, la Cour constate qu’en pratique, les régimes juridiques autochtones en lien avec la jeunesse et la famille survivent à ce jour et font l’objet d’une volonté ferme de revitalisation au sein des communautés autochtones.101
Comme mentionné précédemment, le droit coutumier autochtone est d’ailleurs reconnu tant dans la jurisprudence canadienne que dans la législation. La réglementation des services à l’enfant étant intimement liée à l’épanouissement et à la survie culturelle des peuples autochtones comme peuples distincts, celle-ci se rapproche sensiblement des critères de Van der Peet, bien qu’elle doive faire l’objet d’une adaptation de ce test. Partant de la prémisse que l’article 35 a engendré un nouveau paradigme constitutionnel des rapports entre les peuples autochtones et les gouvernements, ces derniers ont le devoir de progresser vers la réconciliation et d’agir tel que commande le principe de l’honneur de la Couronne. Nous considérons que la Cour d’appel a été extrêmement pragmatique dans son interprétation de l’article 35 LC 1982. En effet, elle a porté avec force et conviction l’importance de la réconciliation et a enfin reconnu que l’autonomie gouvernementale est protégée par l’article 35, une autonomie que les peuples autochtones ont toujours exercée. L’argument qui avance que les articles 91 et 92 de la LC 1867 occupent la totalité des champs de compétence et empêchent les peuples autochtones d’exercer une autonomie dans les matières qui sont d’intérêt particulier à ceux-ci ne peut être retenu lorsque l’on considère l’objectif de réconciliation découlant de l’article 35.
CONCLUSION – Les défis que pose cette reconnaissance pour l’avenir
Bien que la Cour suprême du Canada soit en délibéré à ce sujet, à en juger par ses décisions passées, il est possible qu’elle ne réponde pas directement à la question centrale qui nous préoccupe. En effet, nous anticipons qu’elle ne considère peut-être pas essentiel de se pencher en profondeur sur la portée de l’article 35 concernant le droit à l’autonomie gouvernementale afin de déterminer si l’adoption de la Loi est ultra vires de la compétence du Parlement fédéral. Elle jugera peut-être que cela n’est pas nécessaire afin de répondre à la question centrale soumise par le Procureur général du Québec portant sur la compétence du Parlement fédéral.
Peu importe la conclusion à laquelle arrivera la Cour suprême, à la lumière de l’analyse effectuée précédemment, l’article 35 a pour prémisse que les peuples autochtones sont des partenaires fondateurs du Canada qui ont un droit à l’autonomie gouvernementale dans certains domaines de compétence d’intérêt particulier à ceux-ci, dont l’exercice doit être coordonné et concilié avec les pouvoirs dont jouissent le gouvernement fédéral et ceux des provinces. Ce sont les principes d’interprétation constitutionnelle mobilisés ci-dessus qui nous permettent d’arriver à cette conclusion. Pour que les peuples puissent exercer leur droit, il est essentiel que les différents ordres de gouvernements, dans leurs sphères de compétence, puissent prendre des mesures afin de concilier les intérêts de l’ensemble de la population qu’ils représentent et ceux des peuples autochtones. De plus, le droit à l’autonomie gouvernementale se doit d’être générique puisque des revendications au cas par cas incarneraient des fardeaux de la preuve trop lourds et des coûts exorbitants pour les communautés.102
La négation passée du droit inhérent à l’autonomie gouvernementale, qui est ancrée dans le droit constitutionnel canadien, semble avoir été le point de départ de la Cour suprême pour évaluer l’effet de l’article 35(1) dans ses décisions antérieures.103 Il semble que la Cour ait été réticente à modifier le pouvoir législatif du Canada en interprétant l’article comme créant un espace protégé par la Constitution pour les gouvernements autochtones. Le fait que la Cour suprême n’ait pas encore créé un espace constitutionnel formel pour la reconnaissance du droit à l’autonomie gouvernementale des peuples autochtones s’explique probablement par le colonialisme dominant et le constitutionnalisme britannique qui exercent encore une influence considérable sur la pensée judiciaire dans le contexte des droits autochtones.104 Nous croyons cependant que la création de cet espace est inévitable. Finalement, n’oublions pas que l’objet de l’autonomie gouvernementale ici est un droit personnel lié à la famille et à la protection de la jeunesse. La question en devient une plus complexe lorsque l’objet de la compétence porte sur la réglementation de ressources ou lorsque cela implique d’autres intérêts économiques. Comme l’explique l’auteur McNeil, la Cour doute parfois de la capacité des peuples autochtones à réguler la pratique d’un droit surtout lorsque cela implique une ressource, par exemple, lorsqu’il est question de protection des espèces en voie d’extinction.105 La question de l’autonomie gouvernementale dans ce contexte risque alors de moins faire l’unanimité. Ceci s’explique, entre autres, par un manque de compréhension présent chez les juristes en lien avec les traditions juridiques autochtones. Une attention particulière quant à l’éducation des avocats et juges devrait donc être priorisée.
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Endnotes
1 Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR), Rapport final : « Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir », Volume 5, Les pensionnats du Canada : Les Séquelles, à la p 3.
2 Plusieurs mots sont employés et confondus dans la jurisprudence et la doctrine pour faire référence au peuples autochtones du Canada comme « Indiens », « Autochtones », « nations autochtones », « communautés autochtones », « groupes autochtones », « premières nations », « peuples autochtones », etc. Le terme « Autochtone » et l’expression « peuples autochtones » seront privilégiés dans ce travail afin de désigner toute personne pouvant se prévaloir des droits reconnus et protégés par l’article 35 de la
Loi constitutionnelle de 1982 incluant les « Premières Nations », les « Indiens » entendus en vertu de la
Loi sur les Indiens, les Métis et les Inuits.
9 Partie III, Édictée comme l’annexe B de la
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), entrée en vigueur le 17 avril 1982.
10 Voir, notamment
R. c. Sparrow, 1990 CanLII 104 (CSC), [1990] 1 RCS 107,
R. c. Pamajewon, 1996 CanLII 161 (CSC), [1996] 2 RCS 821 et
R. c. Van der Peet, 1996 CanLII 216 (CSC), [1996] 2 RCS 507.
11 Cette idée renvoie au concept de pluralisme juridique. Voir Brian Z Tamanaha, « Legal Pluralism Explained: History, Theory, Consequences », Oxford, Oxford University Press, 2021; Ghislain Otis, Jean Leclair et Sophie Thériault, « La vie du pluralisme juridique », Paris, LGDJ, à paraître.
12 Nation Haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), 2004 CSC 73, [2004] 3 RCS 511, au para. 20.
13 Kent McNeil, « La relativité de la souveraineté de jure au Canada, 1600–2018 » (2018), Ottawa Law Review / Revue de Droit d’Ottawa 49 2, à la p 311.
14 Sébastien Grammond, « Un cadre conceptuel pour la reconnaissance du droit autochtone » (2022), Revue générale de droit, 52(1), à la p 209.
16 Partie I, Édictée comme l’annexe B de la
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), entrée en vigueur le 17 avril 1982.
17 R. c. Van der Peet,
supra note 10.
19 Nation Tsilhqot’in c. Colombie‑Britannique, 2014 CSC 44 (CanLII), [2014] 2 RCS 256.
20 Ibid, aux para. 30 et 31.
21 Kent McNeil, « Emerging Justice », Native Law Center, 2001, aux pp 175-176.
23 Renvoi relatif à la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, 2022 QCCA 185, au para. 181.
25 Supra note 23, au para. 196.
26 Loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux, L.C. 2013, ch. 20.
27 Loi sur la gestion financière des premières nations, L.C. 2005, ch. 9.
28 Supra note 14, à la p 192.
29 Loi sur les Indiens (L.R.C. (1985), ch. I-5).
30 Mary C. Hurley,
La Loi sur les Indiens, Bibliothèque du Parlement : Service d’information et de recherche parlementaires, le 23 novembre 2009, à la p 1.
31 Supra note 29, art. 18.
32 Ibid, art. 74 et suivants.
33 Ibid, art. 81(1) f), j), l), et o).
34 Supra note 29, art. 81.
35 Loi sur la gestion des terres des Premières Nations (L.C. 1999, ch. 24).
37 Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991.
40 Loi sur la protection de la jeunesse, RLRQ c P-34.1é
43 Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, L.C. 2019, ch. 24.
46 Décret 1288-2019 concernant un renvoi à la Cour d’appel du Québec relatif à la
Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, (2020) 152 G.O.Q. II, 154, p. 154-155.
47 R. c. Van der Peet,
supra note 10, au para. 5.
49 R. c. Van der Peet,
supra note 10, au para. 69.
50 Voir l’arrêt
Tsilhqot’in,
supra note 19.
51 On fait référence ici au test de
Van der Peet.
R. c. Pamajewon, supra note 10, au para. 28.
52 Kent McNeil, « The Inherent Right of Indigenous Governance » (2017), Transitional Governance Project – Think Tank, Carleton University, Ottawa, à la p 3.
53 R. c. Pamajewon, supra note 10, aux para. 24 et 27.
54 Delgamuukw c. Colombie-Britannique, [1997] 3 R.C.S. 1010.
55 Ibid, aux para. 5 et suivants.
56 Ibid, aux para. 112-113.
57 Ibid, aux para. 140-142.
58 Patrick Macklem, « Indigenous Difference and the Constitution of Canada », Toronto, University of Toronto Press, 2001, à la p 174.
59 Campbell et al v. AG BC/AG Cda & Nisga'a Nation et al, 2000 BCSC 1123.
61 Loi constitutionnelle de 1867 (R.-U.), 30 & 31 Vict., c. 3, reproduite dans L.R.C. 1985, annexe II, no 5.
62 Supra note 59, aux para. 11-13.
63 Renvoi relatif à la sécession du Québec, 1998 CanLII 793 (CSC), [1998] 2 RCS 217.
64 Supra note 59, aux para. 77-79.
66 Supra note 23, aux para. 12-24.
68 Supra note 23, aux para. 49-50.
71 Supra note 23, au para. 315.
73 Québec (Procureur général) c. Lacombe, 2010 CSC 38, [2010] 2 R.C.S. 453, au par. 36;
NIL/TU,O Child and Family Services Society c. B.C. Government and Service Employees’ Union, 2010 CSC 45, [2010] 2 R.C.S. 696, au par. 41.
74 Dans l’arrêt
NIL/TU,O cité précédemment, la Cour suprême a reconnu que les provinces étaient constitutionnellement habilitées à fournir des services à l’enfance aux familles autochtones.
75 Supra note 58, aux pp 175-176.
76 Supra note 23, aux para. 465-466.
78 Ibid, aux para. 544, 570 et 571.
79 Ibid, aux para. 418-419.
80 Brian Slattery, « Making Sense of Aboriginal and Treaty Rights », (2000), R. du B. can, 79(2), aux pp 212-215.
81 Edwards v. Canada (Attorney General), 1929 CanLII 438 (UK JCPC), à la p 136.
82 Eugénie Brouillet & Alain-G. Gagnon, « La Constitution Canadienne et la métaphore de l’arbre vivant : quelques réflexions politicologiques et juridiques » dans Alain-G. Gagnon & Pierre Noreau, dir., Constitutionnalisme, droits et diversité : Mélanges en l’honneur de José Woehrling (Montréal : Thémis, 2017), à la p 87.
83 François Goyer, Primauté du droit, originalisme et arbre vivant : les tensions au cœur des interprétations constitutionnelles de la Cour suprême du Canada durant les années du juge Cromwell, (2017), 80 SCLR (2d), aux para. 29-30.
85 Commission royale sur les peuples autochtones, Partenaires au sein de la Confédération : les peuples autochtones, l’autonomie gouvernementale et la Constitution, septembre 1993, à la p 33.
86 Supra note 85, à la p 36. Voir le test de
R. c. Sparrow,
supra note 10.
87 Voir, par exemple,
Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan, [2015] 1 RCS 245 où la dissidence s’oppose fortement à la majorité en invoquant que rien en l’espèce ne leur permet de déroger à la jurisprudence claire qui évolue depuis 1987, au para. 147.
88 Supra note 83, au para. 64.
89 Il est nécessaire qu’une évolution importante et radicale ce soit opérée afin de pouvoir justifier l’écartement d’un précédent ou qu’une nouvelle question de droit soit apparue; la barre est donc extrêmement haute, voir
Canada (Procureur général) c Bedford, [2013] 3 RCS 1101.
90 Les rapports historiques entre la Couronne britannique et les peuples autochtones sont très bien documentés. Jusqu’au premier quart du 19
e siècle, les agents britanniques appliquaient une politique d’alliances militaires et économiques avec les peuples autochtones, permettant ainsi aux structures politiques autochtones de se maintenir sans intervention indue. Voir l’arrêt
R. c. Sioui, 1990 CanLII 103 (CSC), [1990] 1 RCS 1025, aux pp. 1052-1053.
91 Supra note 21, à la p 198.
92 Bien que le concept d’obligation fiduciaire n’existait pas lors de l’adoption de l’article 35 (puisqu’il a été reconnu officiellement dans l’arrêt
Sparrow pour la première fois), l’auteur McNeil nous rappelle que l’interprétation d’une loi porte plus sur l’objet et l’objectif derrière celle-ci que sur l’intention du législateur à l’époque. L’article 35 impose donc par son objet une large obligation fiduciaire aux différents ordres de gouvernements.
Supra note 21, aux pp 193-194.
93 Supra note 23, aux para. 446-447.
95 Supra note 12, au para. 25.
96 Supra note 23, au para. 444.
97 Renvoi relatif à la réforme du Sénat, [2014] 1 RCS 704, au para. 27.
98 Supra note 52, à la p 2.
99 Voir Marie-Claire Belleau et Derek McKee, « Le réalisme juridique et ses précurseurs dans la théorie du droit des Etats-Unis » dans Stéphane Bernatchez et Louise Lalonde, dir., Approches et fondements de droit : Interdisciplinarité et théories critiques (Montréal : Éditions Yvon Blais, 2019) 495-530.
100 2747-3174 Québec Inc c Québec (Régie des permis d’alcool), [1996] 3 RCS 919, [1996] 3 SCR 919, [1996] ACS no 112, [1996] SCJ No 112, au para. 173.
101 Elle cite l’experte Val Napoleon,
supra note 23, aux para. 479 et suivants.
103 Supra note 21, à la p 197.
105 Supra note 21, à la p 196.