Intérêt commun – Contexte d’un litige : Habituellement, lorsqu’un avocat divulgue avec l’autorisation du client des renseignements privilégiés à des tiers, la protection du secret professionnel est considérée comme ayant fait l’objet d’une renonciation. Cependant, si les parties ont un intérêt commun tel qu’il leur serait avantageux d’échanger des renseignements privilégiés, il n’y a pas de présomption de renonciation.
Au Canada, tous les renseignements privilégiés entre des parties qui ont un « intérêt commun » continuent d’être protégés par le secret professionnel entre avocat et client. Le principe général a été décrit pour la première fois dans l’arrêt Buttes Gas & Oil c. Hammer (no. 3).17 Dans cette affaire, Lord Denning a estimé qu’il serait avantageux pour le système contradictoire, lorsque les parties visent un résultat ou un but commun, mais non identique, qu’elles puissent unifier leur « même intérêt ».
Aux États Unis, l’« exception de l’intérêt commun » au secret professionnel entre avocat et client s’applique seulement dans les cas de litige. Dans la décision rendue par la Cour d’appel du troisième circuit dans l’affaire In re Teleglobe Communications Corp18 : la cour a conclu que le privilège de l’intérêt commun s’applique [TRADUCTION] « lorsque des clients ayant des avocats distincts partagent des renseignements par ailleurs privilégiés afin de coordonner leurs activités juridiques » dans le contexte d’un litige19.
Intérêt commun – Contexte commercial : Initialement, l’application du secret professionnel entre avocat et client aux parties ayant un « intérêt commun » avait lieu seulement dans le contexte d’un litige. Il a depuis été étendu au Canada de manière à s’appliquer à certaines opérations commerciales [TRADUCTION] « au sein du groupe de sociétés ».20 La logique sous-tendant [TRADUCTION] l’« exception fondée sur un intérêt commun » dans un litige concerne la promotion du bon fonctionnement du système contradictoire. Dans le contexte d’opérations commerciales, le fondement philosophique est différent : l’intérêt commun des parties à la réalisation efficace d’une opération financière est reconnu comme constituant un avantage pour elles ainsi que pour l’économie et la société dans son ensemble.
La simple existence d’une opération commerciale ne suffit toutefois pas à mettre à l’abri toutes les communications entre client et avocat. Dans certains cas, les circonstances indiquent qu’il y a effectivement eu perte du secret professionnel ou renonciation à celui ci. Par exemple, dans une fusion ou autre opération commerciale où il y a une opposition manifeste entre les intérêts des parties, on ne peut guère justifier un échange d’information au nom d’un intérêt commun supérieur. Par ailleurs, les tribunaux ont conclu que dans de nombreuses opérations commerciales, les parties veulent négocier à la lumière d’une compréhension commune de la position juridique de chacun et que l’attente, explicite ou implicite, veut que les opinions contribuent à la réalisation de l’opération et, en ce sens, bénéficient à toutes les parties.21
Pour que l’« exception fondée sur un intérêt commun soit d’application et étende à un tiers le privilège du secret professionnel, l’intention des parties échangeant de l’information doit être manifestement volontaire, et l’échange doit se faire dans l’optique d’un avantage commun ».22
Une entente signée entre les parties et énonçant leur intérêt commercial commun et leur intention de protéger leurs communications privilégiées qu’elles partagent pourrait servir à procurer une preuve importante de ces intentions.
L’exception du « privilège de l’"intérêt commun" » est-elle la même aux États Unis qu’au Canada? : Aux États Unis, l’« exception de l’intérêt commun » au secret professionnel entre avocat et client s’applique seulement dans les cas de litige. Dans la décision rendue par la Cour d’appel du troisième circuit dans l’affaire In re Teleglobe Communications Corp.23 ,la cour a conclu que le privilège de l’intérêt commun s’applique [TRADUCTION] « lorsque des clients ayant des avocats distincts partagent des renseignements par ailleurs privilégiés afin de coordonner leurs activités juridiques » dans le contexte d’un litige24 Cela est conforme à l’alinéa 502(b)(3) de la Uniform Rule of Evidence des États Unis, qui nécessite une action en cours avant qu’on puisse faire valoir la défense de l’intérêt commun contre la renonciation au privilège.25
Comme on l’a vu précédemment, les tribunaux canadiens ont appliqué l’« exception de l’intérêt commun » à certaines opérations commerciales. Un tribunal canadien était prêt à appliquer le privilège de l’intérêt commun dans le contexte d’une opération commerciale transfrontalière. Dans la décision rendue en 2002 par la Cour suprême de la Colombie Britannique, Fraser Milner Casgrain LLP c. Minister of National Revenue26 la cour a appliqué l’exception de l’intérêt commun aux communications entre les parties au Canada et aux États Unis, expliquant que [TRADUCTION] « c’est l’intérêt commun des parties dans la réalisation de l’opération qui constitue l’élément qui donne naissance au privilège. La préservation de la confidentialité en constitue la justification »27 La nature transfrontalière de ces communications n’a pas eu d’effet sur la décision de la cour.
Le « mandat conjoint » : Le privilège conjoint est reconnu au Canada et aux États Unis et fait référence au cas où un avocat représente plusieurs clients dans une affaire.
Dans la réalisation d’opérations transfrontalières, il faudrait clairement indiquer les communications privilégiées et celles ci ne devraient être transmises que par l’intermédiaire d’un avocat dont les services ont été retenus conjointement par les parties afin d’obtenir la protection du « privilège conjoint ».
La divulgation qui ne s’inscrit pas dans un mandat conjoint constitue une renonciation au secret professionnel entre avocat et client aux États Unis, de sorte qu’il faut prendre soin de transmettre les communications par des voies protégées.
Notes de fin