FAQ - Secret professionnel et confidentialitĂ© pour les conseillers juridiques d’entreprises

Le Comité de déontologie et de responsabilité professionnelle a préparé des réponses à 22 questions fréquemment posées au sujet du secret professionnel entre avocat et client et la confidentialité envers le client, plus particuliÚrement pour les conseillers juridiques d'entreprises. Veuillez-vous reporter aux dispositions de votre ordre professionnel pour prendre connaissance des rÚgles détaillées dans votre ressort.

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Lors de conversations courantes, on ne fait pas nécessairement la distinction entre l'obligation de confidentialité et la protection du secret professionnel entre avocat et client puisque les deux protÚgent les renseignements du client contre la divulgation. Toutefois, leurs racines en droit et les exceptions qui s'appliquent à chaque notion diffÚrent. La connaissance de la source des obligations fait éviter des faux pas déontologiques.

Votre obligation déontologique de confidentialité s'applique à l'ensemble des renseignements que vous apprenez en travaillant pour votre client. Cette obligation existe nonobstant la source de l'information ou son niveau de confidentialité avant de s'inscrire dans la relation avocat-client.

Le fondement sur lequel repose cette obligation déontologique est, au Québec, le Code de déontologie des avocats et d'autres lois et, dans les autres provinces et territoires, les codes de déontologie du Barreau. Les codes décrivent aussi les exceptions à l'obligation déontologique de confidentialité; ces exceptions diffÚrent dans certains territoires.

Votre obligation de confidentialité existe aussi en common law, découlant de la relation entre un avocat et son client. La common law n'a pas élaboré d'exceptions claires à cette obligation.

Par opposition, le secret professionnel entre avocat et client s'applique seulement aux communications entre vous et votre client en vue de la prestation de conseils juridiques. Le secret professionnel est ancré dans la common law..

En 2010, la Cour suprĂȘme du Canada a dĂ©clarĂ©, dans l'affaire Canadian Criminal Lawyers' Association concernant la Charte et l'accĂšs Ă  l'information, que « les seules exceptions reconnues au secret professionnel [entre avocat et client] sont la sĂ©curitĂ© publique et le droit pour un accusĂ© de prĂ©senter une dĂ©fense pleine et entiĂšre, deux exceptions qui sont jalousement protĂ©gĂ©es ».1

À l'Ă©gard de l'obligation de confidentialitĂ© et du secret professionnel entre avocat et client, les clients peuvent consentir Ă  la divulgation de l'information. Dans certains cas, on peut conclure qu'ils ont renoncĂ© Ă  la confidentialitĂ© ou au secret professionnel entre avocat et client .2

Notes de fin

  1. Ontario (SĂ»retĂ© et SĂ©curitĂ© publique) c. Criminal Lawyers’ Association, 2010 CSC 23 (CanLII).
  2. Adam Dodek, « Solicitor-Client Privilege in Canada – Challenges for the 21st Century », document de travail pour l’Association du barreau canadien, fĂ©vrier 2011, Ă  la p. 21.
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L'exception relative Ă  la sĂ©curitĂ© publique - La Cour suprĂȘme du Canada et la plupart des codes dĂ©ontologiques des barreaux reconnaissent une exception relative Ă  la sĂ©curitĂ© publique qui peut permettre ou obliger la divulgation dans les cas oĂč un prĂ©judice est imminent pour une personne.

Dans l'arrĂȘt Smith c. Jones,3 la Cour suprĂȘme a conclu que les prĂ©occupations en matiĂšre de sĂ©curitĂ© publique Ă©cartent le secret professionnel entre avocat et client lorsque l'avocat croit raisonnablement qu'il existe une menace claire, sĂ©rieuse et imminente Ă  la sĂ©curitĂ© publique.4

De mĂȘme, les codes de dĂ©ontologie des barreaux prĂ©voient des exceptions relatives Ă  la sĂ©curitĂ© publique Ă  l'obligation dĂ©ontologique de confidentialitĂ©. Le Code type de dĂ©ontologie professionnelle de la FĂ©dĂ©ration des ordres professionnels de juristes du Canada prĂ©voit que : « Un avocat peut divulguer des renseignements confidentiels sans en divulguer plus qu'il ne faut lorsqu'il a des motifs raisonnables de penser qu'il existe un risque imminent de mort ou de blessures graves et que la divulgation est nĂ©cessaire pour prĂ©venir cette mort ou ces blessures graves » .5

Vérifiez auprÚs de votre barreau pour connaßtre la formulation précise de l'exception relative à la sécurité publique qui s'applique à l'obligation de confidentialité, particuliÚrement les types de préjudice futur couverts (activité criminelle, violence, lésions corporelles graves, etc.) et la nature facultative ou obligatoire de la responsabilité de l'avocat.

L'exception relative Ă  la dĂ©monstration de l'innocence de l'accusĂ© - Dans R. c. McClure6 la Cour suprĂȘme du Canada a reconnu l'existence d'une exception au secret professionnel entre avocat et client lorsque l'innocence de l'accusĂ© est en jeu. Elle a interprĂ©tĂ© cette exception de façon trĂšs stricte et l'exception devrait s'appliquer seulement dans les cas les plus rares. Les renseignements divulguĂ©s par l'avocat sous le rĂ©gime de l'exception relative Ă  la dĂ©monstration de l'innocence de l'accusĂ© ne peuvent ĂȘtre utilisĂ©s contre le client.

Il n'existe aucune dĂ©cision publiĂ©e dans laquelle l'application de l'arrĂȘt McClure a entraĂźnĂ© une ordonnance de divulgation de renseignements protĂ©gĂ©s par le secret professionnel entre avocat et client.

Vous remarquerez que les codes de dĂ©ontologie ne traitent pas de l'exception relative Ă  la dĂ©monstration de l'innocence de l'accusĂ© dans le contexte de l'obligation de confidentialitĂ©. On ignore si les codes de dĂ©ontologie interdiraient la divulgation dans les cas oĂč l'exception relative Ă  la « dĂ©monstration de l'innocence » de l'accusĂ© pourrait s'appliquer.

La divulgation d'information : honoraires et allégations contre un avocat - Tous les codes de déontologie des barreaux permettent à l'avocat de divulguer de l'information confidentielle afin d'établir ou de percevoir des honoraires ou pour se défendre ou défendre l'un de ses collÚgues contre toute allégation portant sur les affaires d'un client, que ce soit en matiÚre pénale, civile ou réglementaire (par exemple, une plainte auprÚs d'un barreau). Peu importe la situation, l'avocat ne doit pas divulguer davantage d'information que ce qu'exige la situation.7

Il n'existe toutefois aucune exception comparable quant au secret professionnel entre avocat et client. Par consĂ©quent, mĂȘme si les codes de dĂ©ontologie peuvent permettre aux avocats d'utiliser les renseignements gĂ©nĂ©ralement protĂ©gĂ©s par l'obligation dĂ©ontologique de confidentialitĂ©, il se peut qu'il soit toujours interdit aux avocats de divulguer des renseignements protĂ©gĂ©s par le secret professionnel entre avocat et client. Lorsque le client n'est pas la partie adverse, le secret professionnel entre avocat et client peut protĂ©ger l'information mĂȘme si les codes de dĂ©ontologie en permettent l'utilisation. Lorsque le client est la partie adverse, cette contradiction entre l'obligation de confidentialitĂ© et le secret professionnel entre avocat et client ne se produirait pas.

Notes de fin

  1. Smith c. Jones, [1999] 1 R.C.S. 455.
  2. Ibid., au par. 77.
  3. Code type de déontologie professionnelle de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, RÚgle 2.03(3)
  4. R. c. McClure, [2001] R.C.S. 445.
  5. Code type de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, précité note 5, RÚgles 2.03(4), 2.03(5) et 2.03(6).
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IntĂ©rĂȘt commun - Contexte d'un litige : Habituellement, lorsqu'un avocat divulgue avec l'autorisation du client des renseignements privilĂ©giĂ©s Ă  des tiers, la protection du secret professionnel est considĂ©rĂ©e comme ayant fait l'objet d'une renonciation. Cependant, si les parties ont un intĂ©rĂȘt commun tel qu'il leur serait avantageux d'Ă©changer des renseignements privilĂ©giĂ©s, il n'y a pas de prĂ©somption de renonciation.

Au Canada, tous les renseignements privilĂ©giĂ©s entre des parties qui ont un « intĂ©rĂȘt commun » continuent d'ĂȘtre protĂ©gĂ©s par le secret professionnel entre avocat et client.

Le principe gĂ©nĂ©ral a Ă©tĂ© dĂ©crit pour la premiĂšre fois dans l'arrĂȘt Buttes Gas & Oil c. Hammer (no. 3) .8 Dans cette affaire, Lord Denning a estimĂ© qu'il serait avantageux pour le systĂšme contradictoire, lorsque les parties visent un rĂ©sultat ou un but commun, mais non identique, qu'elles puissent unifier leur « mĂȘme intĂ©rĂȘt ».

Lorsqu'un tiers a un intĂ©rĂȘt commun Ă  l'Ă©gard de l'objet d'une communication privilĂ©giĂ©e entre une partie et l'avocat de cette partie, la communication peut ĂȘtre communiquĂ©e au tiers sans risque de renonciation au privilĂšge. Pour qu'un tiers ayant un intĂ©rĂȘt commun soit reconnu Ă  ce titre, il n'a pas Ă  faire la preuve d'une relation d'un type particulier pourvu que la relation ait Ă©tĂ© crĂ©Ă©e par un intĂ©rĂȘt commun9 : [TRADUCTION] « les tribunaux devraient, dans le contexte de l'enquĂȘte prĂ©alable, considĂ©rer tous les intĂ©ressĂ©s comme s'ils Ă©taient des associĂ©s d'un mĂȘme cabinet ou des services d'une mĂȘme sociĂ©tĂ©. Chacun peut se prĂ©valoir du privilĂšge aux fins d'un litige » .10

IntĂ©rĂȘt commun - Contexte commercial : Initialement, l'application du secret professionnel entre avocat et client aux parties ayant un « intĂ©rĂȘt commun » avait lieu seulement dans le contexte d'un litige. Il a depuis Ă©tĂ© Ă©tendu au Canada de maniĂšre Ă  s'appliquer Ă  certaines opĂ©rations commerciales [TRADUCTION] « au sein du groupe de sociĂ©tĂ©s » .11 La logique sous-tendant [TRADUCTION] l'« exception fondĂ©e sur un intĂ©rĂȘt commun » dans un litige concerne la promotion du bon fonctionnement du systĂšme contradictoire. Dans le contexte d'opĂ©rations commerciales, le fondement philosophique est diffĂ©rent : l'intĂ©rĂȘt commun des parties Ă  la rĂ©alisation efficace d'une opĂ©ration financiĂšre est reconnu comme constituant un avantage pour elles ainsi que pour l'Ă©conomie et la sociĂ©tĂ© dans son ensemble.

La simple existence d'une opĂ©ration commerciale ne suffit toutefois pas Ă  mettre Ă  l'abri toutes les communications entre client et avocat. Dans certains cas, les circonstances indiquent qu'il y a effectivement eu perte du secret professionnel ou renonciation Ă  celui ci. Par exemple, dans une fusion ou autre opĂ©ration commerciale oĂč il y a une opposition manifeste entre les intĂ©rĂȘts des parties, on ne peut guĂšre justifier un Ă©change d'information au nom d'un intĂ©rĂȘt commun supĂ©rieur. Par ailleurs, les tribunaux ont conclu que dans de nombreuses opĂ©rations commerciales, les parties veulent nĂ©gocier Ă  la lumiĂšre d'une comprĂ©hension commune de la position juridique de chacun et que l'attente, explicite ou implicite, veut que les opinions contribuent Ă  la rĂ©alisation de l'opĂ©ration et, en ce sens, bĂ©nĂ©ficient Ă  toutes les parties.12

Pour que l'« exception fondĂ©e sur un intĂ©rĂȘt commun soit d'application et Ă©tende Ă  un tiers le privilĂšge du secret professionnel, l'intention des parties Ă©changeant de l'information doit ĂȘtre manifestement volontaire, et l'Ă©change doit se faire dans l'optique d'un avantage commun » .13

Une entente signĂ©e entre les parties et Ă©nonçant leur intĂ©rĂȘt commercial commun et leur intention de protĂ©ger leurs communications privilĂ©giĂ©es qu'elles partagent pourrait servir Ă  procurer une preuve importante de ces intentions.

L'exception du « privilĂšge de l'"intĂ©rĂȘt commun" » est-elle la mĂȘme aux États Unis qu'au Canada? : Aux États Unis, l'« exception de l'intĂ©rĂȘt commun » au secret professionnel entre avocat et client s'applique seulement dans les cas de litige. Dans la dĂ©cision rendue par la Cour d'appel du troisiĂšme circuit dans l'affaire In re Teleglobe Communications Corp.14, la cour a conclu que le privilĂšge de l'intĂ©rĂȘt commun s'applique [TRADUCTION] « lorsque des clients ayant des avocats distincts partagent des renseignements par ailleurs privilĂ©giĂ©s afin de coordonner leurs activitĂ©s juridiques » dans le contexte d'un litige.15 Cela est conforme Ă  l'alinĂ©a 502(b)(3) de la Uniform Rule of Evidence des États Unis, qui nĂ©cessite une action en cours avant qu'on puisse faire valoir la dĂ©fense de l'intĂ©rĂȘt commun contre la renonciation au privilĂšge.16

Comme on l'a vu prĂ©cĂ©demment, les tribunaux canadiens ont appliquĂ© l'« exception de l'intĂ©rĂȘt commun » Ă  certaines opĂ©rations commerciales. Un tribunal canadien Ă©tait prĂȘt Ă  appliquer le privilĂšge de l'intĂ©rĂȘt commun dans le contexte d'une opĂ©ration commerciale transfrontaliĂšre. Dans la dĂ©cision rendue en 2002 par la Cour suprĂȘme de la Colombie Britannique, Fraser Milner Casgrain LLP c. Minister of National Revenue17 la cour a appliquĂ© l'exception de l'intĂ©rĂȘt commun aux communications entre les parties au Canada et aux États Unis, expliquant que [TRADUCTION] « c'est l'intĂ©rĂȘt commun des parties dans la rĂ©alisation de l'opĂ©ration qui constitue l'Ă©lĂ©ment qui donne naissance au privilĂšge. La prĂ©servation de la confidentialitĂ© en constitue la justification » .18 La nature transfrontaliĂšre de ces communications n'a pas eu d'effet sur la dĂ©cision de la cour.

Le « mandat conjoint » : Le privilĂšge conjoint est reconnu au Canada et aux États Unis et fait rĂ©fĂ©rence au cas oĂč un avocat reprĂ©sente plusieurs clients dans une affaire

Dans la rĂ©alisation d'opĂ©rations transfrontaliĂšres, il faudrait clairement indiquer les communications privilĂ©giĂ©es et celles ci ne devraient ĂȘtre transmises que par l'intermĂ©diaire d'un avocat dont les services ont Ă©tĂ© retenus conjointement par les parties afin d'obtenir la protection du « privilĂšge conjoint ».

La divulgation qui ne s'inscrit pas dans un mandat conjoint constitue une renonciation au secret professionnel entre avocat et client aux États Unis, de sorte qu'il faut prendre soin de transmettre les communications par des voies protĂ©gĂ©es.

Notes de fin

  1. Buttes Gas & Oil c. Hammer, [1980] 3 All E.R. 475 (C.A.).
  2. Ronald D. Manes et Michael P. Silver, Solicitor-Client Privilege in Canadian Law, (Toronto: Butterworths, 1993), Ă  la p. 64.
  3. Buttes Gas, précité note 8, cité dans Pitney Bowes of Canada Ltd. c. R., 2003 CFPI 214, [2003] 3 C.T.C. 98, 229 F.T.R. 277, au par. 12.
  4. Dodek, précité note 2, à la p. 30.
  5. Pitney Bowes, prĂ©citĂ© note 25, aux par. 19 et 20. Jusqu’Ă  prĂ©sent, cependant il y a eu peu d’indications des tribunaux d’appel sur ce point. Voir Maximum Ventures Inc. c. De Graaf, 2007 BCCA 510, au par. 14.
  6. Pitney Bowes, supra, note 25, au par. 19.
  7. In re Teleglobe Communications Corp., 493 F. 3d 345 (3d Cir. 2007).
  8. Ibid.
  9. Uniform Rules of Evidence Act (1999). Voir aussi Holland c. Island Creek Corp., 885 F. Supp 4, 6 (Dist. Ct. D.C. 1995) : On peut faire valoir le privilĂšge d’intĂ©rĂȘt commun Ă  l’Ă©gard des communications entre les avocats de diffĂ©rentes parties si [TRADUCTION] « (1) la divulgation est faite en vue d’un litige en cours ou prĂ©vu ou d’une autre instance contradictoire; (2) en vue de la rĂ©alisation d’un intĂ©rĂȘt commun; (3) la divulgation est faite d’une maniĂšre non incompatible avec la prĂ©servation de la confidentialitĂ© contre les parties adverses. »
  10. Fraser Milner Casgrain LLP c. Minister of National Revenue, 2002 BCSC 1344, 6 B.C.L.R. (4th) 135.
  11. Ibid., au par. 12.
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En 2006, la Cour suprĂȘme du Canada19 a Ă©tabli une distinction entre le secret professionnel entre avocat et client et le privilĂšge relatif au litige. Le secret professionnel entre avocat et client protĂšge les communications renfermant des conseils juridiques entre un avocat et un client, tandis que le privilĂšge relatif au litige ne se limite pas aux communications entre l'avocat et le client. Le juge Fish a indiquĂ© que le privilĂšge relatif au litige « touche aussi les communications entre un avocat et des tiers, ou dans le cas d'une partie non reprĂ©sentĂ©e, entre celle ci et des tiers. Il a pour objet d'assurer l'efficacitĂ© du processus contradictoire et non de favoriser les relations entre l'avocat et son client » .20

Comme la Cour le mentionne dans l'arrĂȘt Blank c. Canada, il existe plusieurs distinctions importantes entre les deux privilĂšges :

  • • Le secret professionnel entre avocat et client prend naissance dĂšs qu'un client sollicite des conseils juridiques auprĂšs d'un avocat, qu'il y ait ou non litige. Le privilĂšge relatif au litige s'applique seulement dans le contexte d'un litige.
  • • Le secret professionnel entre avocat et client est ancrĂ© dans la nature confidentielle de la relation avocat-client. Il protĂšge une relation. Le privilĂšge relatif au litige vise Ă  crĂ©er une zone protĂ©gĂ©e destinĂ©e Ă  faciliter l'enquĂȘte et la prĂ©paration du dossier en vue d'un procĂšs. Il facilite un processus.
  • • Le secret professionnel entre avocat et client s'applique seulement aux communications confidentielles entre le client et l'avocat. Le privilĂšge relatif au litige s'applique aux communications de nature non confidentielle entre l'avocat et les tiers et comprend mĂȘme le matĂ©riel qui ne se prĂȘte pas Ă  la communication.
  • • Le secret professionnel entre avocat et client dure Ă©ternellement – « la pĂ©rennitĂ© des privilĂšges » 21 Le privilĂšge relatif au litige « n'est ni absolu quant Ă  sa portĂ©e, ni illimitĂ© quant Ă  sa durĂ©e ».22 et s'Ă©teint Ă  la fin du litige.23

La question de savoir si une communication est protĂ©gĂ©e par le privilĂšge relatif au litige est une question de fait qu'il faut dĂ©terminer dans le contexte particulier oĂč la communication a Ă©tĂ© effectuĂ©e.

Quand prend naissance le « privilĂšge relatif au litige »? : Il est difficile de dĂ©terminer clairement le moment oĂč prend naissance le privilĂšge relatif au litige.

La jurisprudence a établi qu'afin d'invoquer le privilÚge relatif au litige, une partie doit généralement établir deux faits :

  1. un litige était en cours ou était raisonnablement envisagé au moment de la communication
  2. l'objet dominant de la communication avait trait Ă  ce litige24

Un auteur a conclu qu'il faut davantage qu'une [TRADUCTION] « crainte floue ou gĂ©nĂ©rale de litige » .25

Dans Kennedy c. McKenzie26 la Cour supĂ©rieure de l'Ontario a conclu qu'une partie faisant valoir le privilĂšge relatif au litige doit Ă©tablir que les documents ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©s principalement en vue d'un litige actuel, envisagĂ© ou prĂ©vu et pour l'une des raisons suivantes :

  • en rĂ©ponse Ă  des demandes de renseignements prĂ©sentĂ©es par un mandataire de l'avocat de la partie;
  • Ă  la demande ou Ă  la suggestion de l'avocat de la partie;
  • en vue de les remettre Ă  l'avocat afin d'obtenir des conseils;
  • afin de permettre Ă  l'avocat d'intenter une action, de prĂ©senter une dĂ©fense contre une action ou de prĂ©parer un mĂ©moire.27

Ce domaine de jurisprudence évolue, de sorte qu'il est préférable de vérifier la jurisprudence récente.

Notes de fin

  1. Blank c. Canada, 2006 CSC 39.
  2. Ibid, au par. 27.
  3. Ibid., au par. 37.
  4. Ibid.
  5. Ibid., au par. 28.
  6. Keefer Laundry Ltd. c. Pellerin Milnor Corp., 2006 BCSC 1180 (CanLII), aux par. 96 à 98; cité avec approbation dans Ross River Dena Council c. AG Canada, 2009 YKSC4 (CanLII), au par. 31.
  7. Gloria Geddes, « The Fragile Privilege: Establishing and Safeguarding Solicitor-Client Privilege », (1999) 47 (4) Revue fiscale canadienne 799, Ă  la p. 822.
  8. Kennedy c. McKenzie, [2005] O.J. No 2060 (C.S.).
  9. Ibid, au par. 20, cité avec approbation dans R. c. Dunn, 2012 ONSC 2748 (CanLII)
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Le secret professionnel entre avocat et client : Si un client sollicite un avis juridique pour faciliter la perpĂ©tration d'un crime ou d'une fraude, les renseignements qu'il communique ne sont pas protĂ©gĂ©s par le secret professionnel entre avocat et client, et l'obligation de confidentialitĂ© n'est pas d'application. Toutefois, les codes de conduite des barreaux ne reconnaissent pas d'exception Ă  l'obligation de confidentialitĂ© relativement au crime ou Ă  la fraude. Lorsque l'exception relative Ă  la sĂ©curitĂ© publique n'est pas d'application, il se peut que mĂȘme en l'absence de privilĂšge au titre du secret professionnel entre avocat et client, le code du barreau interdise la communication volontaire de renseignements.

Certains tribunaux ont appliqué à certains délits civils l'exclusion relative au crime et à la fraude.

Ce domaine de droit est incertain et controversé et nécessite des éclaircissements de la part des tribunaux d'appel 28Vérifiez la jurisprudence récente si vous avez des doutes au sujet de votre situation.

L'obligation de confidentialité : Le Code type de déontologie professionnelle actuel de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada exige des avocats qui représentent une organisation ou qui en sont employés qu'ils observent l'obligation de porter une affaire à l'attention d'un niveau supérieur29 Il ne permet pas la dénonciation à des tiers, ce qui équivaudrait à la violation de l'obligation déontologique de l'avocat de préserver la confidentialité des renseignements du client.

Toutefois, les rÚgles types de déontologie professionnelle de l'Association du barreau américain comportent maintenant une nouvelle exception à l'exigence de confidentialité. La rÚgle 1.6(b) a été ajoutée aprÚs les scandales touchant des sociétés à la fin des années 1990 et au début des années 2000 afin d'autoriser, sans forcer, un avocat à révéler des renseignements relatifs à la représentation d'un client :

[TRADUCTION]

  1. L'avocat ne peut révéler de renseignements relatifs à la représentation d'un client sauf si le client donne son consentement éclairé, la divulgation est implicitement autorisée aux fins de l'exécution de la représentation ou la divulgation est autorisée par l'alinéa (b).
  2. L'avocat peut rĂ©vĂ©ler des renseignements relatifs Ă  la reprĂ©sentation d'un client dans la mesure oĂč l'avocat l'estime raisonnablement nĂ©cessaire :
    1. pour prévenir un décÚs ou des lésions corporelles graves raisonnablement certains;
    2. pour empĂȘcher le client de commettre un crime ou une fraude dont il est raisonnablement certain qu'il causera un prĂ©judice considĂ©rable aux intĂ©rĂȘts financiers ou aux biens d'un tiers et en vue duquel le client a utilisĂ© ou utilise les services de l'avocat;
    3. pour empĂȘcher, attĂ©nuer ou corriger un prĂ©judice considĂ©rable aux intĂ©rĂȘts financiers ou aux biens d'un tiers qui est raisonnablement certain de dĂ©couler ou qui a dĂ©coulĂ© de la perpĂ©tration par le client d'un crime ou d'une fraude en vue duquel le client a utilisĂ© les services de l'avocat 
30

De plus, la rÚgle type 1.13 (organisation cliente) de l'ABA permet à l'avocat de révéler des renseignements au sujet d'un acte illégal impliquant l'organisation cliente, acte qui, selon l'appréciation raisonnable de l'avocat, est raisonnablement certain de causer un préjudice considérable à l'organisation, aprÚs que l'avocat a tenté en vain d'amener l'autorité organisationnelle la plus élevée à agir. (Voir la formulation exacte de l'article 1.13 de la rÚgle type pour des indications supplémentaires.) 31

MĂȘme si la FĂ©dĂ©ration des ordres professionnels de juristes du Canada a initialement proposĂ© une exception similaire Ă  son nouveau Code type de dĂ©ontologie professionnelle et que l’inclusion d’une telle exception a Ă©tĂ© favorisĂ©e ailleurs32, l'approche amĂ©ricaine n'a pas Ă©tĂ© adoptĂ©e au Canada. Il pourrait cependant y avoir au Canada une obligation de cesser d'occuper lorsque le comportement n'a pas pris fin malgrĂ© les conseils de l'avocat. Cette situation est visĂ©e Ă  la question 6 : « Quand dois-je porter une question Ă  l'attention d'un niveau supĂ©rieur ».

Notes de fin

  1. Pour une analyse plus détaillée, voir Dodek, précité, note 2, aux p. 11 à 14.
  2. Code type de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, précité, note 5. RÚgle 2.02(8).
  3. American Bar Association Model Rules of Conduct Rule 1.6: Confidentiality of Information
  4. American Bar Association Model Rules of Conduct Rule 1.13: Organization as Client
  5. Paul D. Paton, « Corporate Counsel as Corporate Conscience: Ethics and Integrity in the Post-Enron Era », (2005) 84, Revue du Barreau canadien 534.
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Dans la foulée des scandales qui ont ébranlé des sociétés à la fin des années 1990, dont Enron, le CongrÚs américain a adopté les réformes les plus profondes du droit des sociétés depuis les années 1930. L'article 307 de la Sarbanes-Oxley Act de 2002 ordonnait à la Securities and Exchange Commission (SEC) d'édicter une rÚgle [TRADUCTION] « énonçant des normes minimales de déontologie pour les avocats qui comparaissent et pratiquent devant la Commission de quelque maniÚre dans le cadre de la représentation » d'un émetteur.33

Plus particuliĂšrement, le CongrĂšs a ordonnĂ© Ă  la SEC d'Ă©dicter une rĂšgle exigeant des avocats qu'ils signalent toute preuve de contravention importante aux lois en valeurs mobiliĂšres ou Ă  une obligation fiduciaire de mĂȘme que toute violation similaire par une sociĂ©tĂ© ou ses mandataires au chef du service juridique ou au chef de la direction de la sociĂ©tĂ©. Le CongrĂšs a ordonnĂ© Ă  la SEC d'exiger que si ces personnes ne rĂ©pondent pas de façon appropriĂ©e Ă  la preuve, l'avocat doit la dĂ©clarer au comitĂ© d'audit ou Ă  un autre comitĂ© composĂ© uniquement d'administrateurs non membres de la direction ou au conseil d'administration.

Suivant l'adoption de l'article 307 de la Sarbanes-Oxley Act ainsi que des nouvelles rĂšgles subsĂ©quentes applicables aux avocats « qui comparaissent et pratiquent » devant la Securities and Exchange Commission des États Unis, le groupe de travail sur la responsabilitĂ© des sociĂ©tĂ©s de l'Association du barreau amĂ©ricain a formulĂ©, en 2003, des recommandations pour que des changements similaires soient apportĂ©s aux rĂšgles types de dĂ©ontologie professionnelle de l'ABA. AprĂšs un long dĂ©bat, l'Association du barreau amĂ©ricain a modifiĂ© ses rĂšgles types de dĂ©ontologie pour les avocats de maniĂšre Ă  reflĂ©ter ces changements34, Plus particuliĂšrement, l'article 1.13 des rĂšgles types, organisation cliente, a Ă©tĂ© modifiĂ© de maniĂšre Ă  intĂ©grer une obligation de porter une affaire Ă  l'attention d'un niveau supĂ©rieur : Ă  moins que l'avocat ne croit raisonnablement qu'il n'est pas dans l'intĂ©rĂȘt de l'organisation de le faire, il doit renvoyer l'affaire Ă  un niveau supĂ©rieur au sein de l'organisation, notamment, si les circonstances le justifient, le niveau le plus Ă©levĂ© qui peut agir au nom de l'organisation selon la loi applicable.35

L'Association du Barreau canadien a adoptĂ© des changements Ă  son Code de dĂ©ontologie professionnelle en 2004 aprĂšs plus de deux ans de consultations, et le code de l'ABC a Ă©tĂ© modifiĂ© de nouveau en 2009. Le commentaire 18 du chapitre IV, Renseignements confidentiels, s'intitule « DĂ©nonciation » et mentionne le fait de porter une question Ă  l'attention d'un niveau supĂ©rieur. Il dĂ©clare que dans certains cas de conduite illicite proposĂ©e par une organisation, l'avocat « demandera donc le rĂ©examen de la question et, au besoin, la portera Ă  l'attention d'un niveau supĂ©rieur (voire du plus haut niveau) de l'organisme, malgrĂ© les directives contraires que pourrait lui donner tout autre membre de l'organisme ». Le commentaire se poursuit : « En dĂ©sespoir de cause, il pourrait finalement ĂȘtre justifiĂ© de dĂ©missionner en respectant les rĂšgles rĂ©gissant le retrait » .36

Le Code type de dĂ©ontologie professionnelle de la FĂ©dĂ©ration des ordres professionnels de juristes du Canada renferme maintenant une obligation de porter une question Ă  l'attention d'un niveau supĂ©rieur qui reprend essentiellement la mĂȘme formulation et la mĂȘme condition que le code de l'ABC : « Un juriste employĂ© par un organisme pour agir dans une affaire et qui sait que l'organisme a agi, agit ou a l'intention d'agir de façon malhonnĂȘte, frauduleuse, criminelle ou illĂ©gale dans le cadre de l'affaire » doit prendre des mesures pour « informer la personne en lui donnant les directives et le chef du contentieux, ou tant le chef du contentieux que le chef de la direction, que la conduite envisagĂ©e Ă©tait, est ou serait malhonnĂȘte, frauduleuse, criminelle ou illĂ©gale et devrait cesser ». Si ces personnes font dĂ©faut d'agir, l'avocat doit porter la question Ă  un niveau supĂ©rieur et au plus haut niveau au sein de l'organisation et, si la conduite n'a pas cessĂ© malgrĂ© les conseils de l'avocat, l'avocat doit prendre les mesures nĂ©cessaires pour cesser de reprĂ©senter l'organisme. Le commentaire indique que la conduite qui risque vraisemblablement de causer « un prĂ©judice important » Ă  l'organisme « plutĂŽt que dans le cas de l'inconduite sans gravitĂ© de l'organisme » rend applicables les exigences de la rĂšgle.37 On remarquera que le code type ne permet pas la divulgation de renseignements privilĂ©giĂ©s lorsque l'avocat a tentĂ© en vain de faire cesser la conduite, quoique cela soit maintenant permis aux États Unis.38

Le nouveau code de conduite régissant les conseillers juridiques d'entreprises en Alberta (adopté le 1er novembre 2011) est fondé sur le code type de la Fédération. Suivant la rÚgle 2.02(11), Fraude de l'organisation cliente, si l'organisation, malgré les conseils de l'avocat et aprÚs que l'avocat a suivi les exigences de signalement à un niveau supérieur, continue ou a l'intention de continuer d'agir de façon illicite, l'avocat doit cesser d'agir dans le dossier conformément à la rÚgle 2.07.39

MĂȘme si la rĂšgle parle de cesser d'agir « dans l'affaire », de sorte qu'il est thĂ©oriquement possible que l'avocat poursuive sa reprĂ©sentation quant Ă  des affaires non liĂ©es, les rĂšgles applicables aux conflits d'intĂ©rĂȘts personnels comme les rĂšgles 2.04(9) et 2.04(10) du code de l'Alberta pourraient empĂȘcher l'avocat de continuer de reprĂ©senter le client. Lorsqu'une organisation a dĂ©cidĂ© de poursuivre un comportement qui [TRADUCTION] « est ou serait frauduleux, criminel ou illĂ©gal » malgrĂ© les conseils communiquĂ©s par l'avocat Ă  un niveau supĂ©rieur, l'objectivitĂ© de l'avocat pourrait ĂȘtre minĂ©e par suite de ce comportement continu au point oĂč l'avocat ne serait plus en mesure de reprĂ©senter convenablement et avec compĂ©tence l'organisation. En outre, lorsque l'organisation fait dĂ©faut de suivre les conseils de l'avocat et poursuit sa dĂ©marche illicite, l'avocat pourrait ĂȘtre considĂ©rĂ© comme permettant ou facilitant d'autres conduites illĂ©gales si la reprĂ©sentation continue.

Les rĂšgles types de l'ABA, le code de l'ABC et le code type de la FĂ©dĂ©ration s'appliquent Ă  tout avocat au sein d'une organisation cliente. Les obligations ne se limitent pas aux avocats ayant des sociĂ©tĂ©s clientes dont les actions sont cotĂ©es Ă  une bourse canadienne ou amĂ©ricaine. Les rĂšgles de signalement Ă  un niveau supĂ©rieur au Canada et aux États Unis s'appliquent donc aux conseillers juridiques internes de petites sociĂ©tĂ©s par actions ou de personnes ou d'autres types d'organisme.

Notes de fin

  1. Sarbanes-Oxley Act of 2002, 116 Stat. 745
  2. Voir Paton, « Corporate Counsel as Corporate Conscience », prĂ©citĂ© note 32, aux p. 543, 544, 545 Ă  552; Deborah L. Rhode et Paul D. Paton, « Lawyers, Ethics and Enron Â», (2002) 8 Stan. J. L. Bus. Fin. 9, Ă  la p. 12; Clifton Barnes, « ABA, states, and SEC hash out lawyers’ responsibility in corporate settings », (2003) 28(2); voir aussi Corporate Governance Policy Resolution and Report, American Bar Association Task Force on Corporate Responsibility, 2003.
  3. American Bar Association, Model Rules of Professional Conduct, M.R. 1.13 (Organization as Client)
  4. Association du Barreau canadien, Code de déontologie professionnelle, chapitre IV, commentaire 18, aux p. 22 à 23.
  5. FĂ©dĂ©ration des ordres professionnels de juristes du Canada, Code type de dĂ©ontologie professionnelle, RĂšgle 2.02(8) [« MalhonnĂȘtetĂ©, fraude commise par un client »] et commentaire, aux p. 27 Ă  28.
  6. Voir Question 5.
  7. Law Society of Alberta, Code of Conduct, RĂšgle 2.02(11) [Fraud When Client is an Organization] aux p. 25 et 26.
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Lorsqu'elles nĂ©gocient une opĂ©ration, les sociĂ©tĂ©s constituent parfois une « Ă©quipe affectĂ©e Ă  une opĂ©ration » composĂ©e de personnes (et non pas seulement d'avocats) qui ont une expertise spĂ©cialisĂ©e afin de les aider. Les membres externes de l'« Ă©quipe affectĂ©e Ă  une opĂ©ration » peuvent faire partie du groupe qui reçoit des communications et bĂ©nĂ©ficier de conseils juridiques sur l'opĂ©ration de la part des conseillers juridiques de la sociĂ©tĂ© cliente. Étant donnĂ© que les communications entre un avocat et un client doivent ĂȘtre faites dans la confidentialitĂ© pour que le secret professionnel entre avocat et client s'applique, la communication de conseils Ă  l'« Ă©quipe affectĂ©e Ă  une opĂ©ration » (tiers) serait normalement considĂ©rĂ©e comme une renonciation au secret professionnel.

La common law a reconnu des exceptions Ă  ce principe lorsqu'un tiers exerce une fonction essentielle pour l'existence ou le dĂ©roulement de la relation avocat-client. Par exemple, lorsqu'un tiers comptable [TRADUCTION] « utilise sa compĂ©tence de comptable en agissant Ă  titre de mandataire du client afin d'obtenir des conseils juridiques »40

Dans une dĂ©cision rendue en 201141, la Cour supĂ©rieure de justice de l'Ontario a confirmĂ© que le secret professionnel entre avocat et client s'applique, dans les cas appropriĂ©s, aux communications Ă  l'« Ă©quipe affectĂ©e Ă  une opĂ©ration ». La cour a citĂ© avec approbation les commentaires suivants formulĂ©s par la Cour suprĂȘme de la Colombie-Britannique :

[TRADUCTION] La nature des relations et des affaires entre [le client, le consultant et l'avocat] est une situation concrĂšte dans les grands projets commerciaux oĂč des Ă©quipes de personnes spĂ©cialisĂ©es sont constituĂ©es. Les fonctions ne sont pas toutes exercĂ©es sous un mĂȘme toit, et le conseiller juridique, dont les services sont retenus par un seul client, peut nĂ©anmoins ĂȘtre appelĂ© Ă  donner des conseils Ă  diffĂ©rents membres de l'Ă©quipe qui travaille pour le client.42

La cour ontarienne a conclu que les parties ne doivent pas nĂ©cessairement s'attendre Ă  ce que le privilĂšge relatif Ă  l'« Ă©quipe affectĂ©e Ă  une opĂ©ration » s'applique dans chaque opĂ©ration commerciale complexe, soulignant que l'application repose sur les faits de chaque affaire. Dans cette affaire, les sociĂ©tĂ©s miniĂšres mondiales dĂ©fenderesses avaient retenu les services des conseillers financiers externes pour les aider Ă  nĂ©gocier une opĂ©ration complexe et les conseillers financiers faisaient partie d'une petite Ă©quipe dĂ©signĂ©e qui Ă©tait aussi composĂ©e des gens d'affaires du client et de conseillers juridiques et fiscaux internes et externes. La partie demanderesse avait sollicitĂ© la production des documents distribuĂ©s au groupe externe au motif que les dĂ©fenderesses Ă©taient des entreprises commercialement averties et n'avaient pas besoin de l'expertise de ces conseillers pour que leurs avocats donnent des conseils juridiques significatifs.

Le juge a conclu que [TRADUCTION] « les documents indiquent clairement la participation prĂ©cise d'un nombre relativement faible de non avocats qui ne sont pas des employĂ©s des sociĂ©tĂ©s et dont la participation Ă©tait nĂ©cessaire et appropriĂ©e pour l'examen, la structuration, la planification et la mise en Ɠuvre d'opĂ©rations trĂšs complexes dans un dĂ©lai trĂšs court ». En outre, les conseils spĂ©cialisĂ©s de ces conseillers Ă©taient nĂ©cessaires pour les [TRADUCTION] « considĂ©rations juridiques gĂ©nĂ©rales » de l'opĂ©ration et les conseillers financiers comprenaient l'importance de la confidentialitĂ© des discussions de l'Ă©quipe affectĂ©e Ă  l'opĂ©ration.

Il faut remarquer que mĂȘme si le juge [TRADUCTION] « a reconnu que les personnes se considĂ©raient liĂ©es par une obligation de confidentialitĂ© », cela n'Ă©tait [TRADUCTION] « pas suffisant en soi pour soutenir l'existence du secret professionnel entre avocat et client ».

À l'heure actuelle, les paramĂštres du privilĂšge relatif Ă  l'« Ă©quipe affectĂ©e Ă  une opĂ©ration » demeurent incertains. Envisagez d'entreprendre des recherches additionnelles et de consulter des experts pour dĂ©terminer si le privilĂšge relatif Ă  l'« Ă©quipe affectĂ©e Ă  une opĂ©ration » s'applique Ă  votre situation et dĂ©terminez les protocoles Ă  mettre en Ɠuvre pour mieux le protĂ©ger si tel est le cas.

Notes de fin

  1. Voir Philip Services Corp. c. Ontario Securities Commission, 2005 CanLII 30328 (ON SCDC), 77 O.R. (3d) 209; voir aussi Susan Hosiery Ltd. c. M.N.R. [1969] C.T.C. 353; [1969] 2 Ex. C. R. 27.
  2. Barrick Gold Corporation c. Goldcorp Inc., 2011 ONSC 1325 [CanLII].
  3. Camp Development Corp. c. South Coast Greater Vancouver Transportation Authority, 2011 BCSC 88, (CanLII), 2011 BCSC 88, au par. 64.
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Le rapport de l'auditeur sur les états financiers est une exigence prévue par la loi pour de nombreuses sociétés. Lorsqu'ils font un rapport sur les états financiers d'un client, les auditeurs doivent obtenir suffisamment de preuves d'audit pour fournir un fondement raisonnable à une opinion. Les procédures d'audit visant l'obtention de cette preuve sont énoncées dans le Manuel de l'Institut canadien des comptables agréés (ICCA) et comprennent la communication avec l'avocat, qui est considéré comme ayant une qualification exclusive pour formuler des commentaires sur les réclamations en cours et les réclamations éventuelles pouvant influer sur les états financiers. Il s'agit d'abord de savoir s'il y a renonciation implicite au secret professionnel lorsque l'avocat fournit des renseignements à un auditeur.

Pour Ă©claircir les positions de l'avocat et de l'auditeur Ă  l'Ă©gard des Ă©tats financiers d'un client, l'ABC et l'ICCA ont formulĂ© une Prise de position conjointe sur les demandes de vĂ©rification (PPC) en 1978.43 La PPC a Ă©tĂ© prĂ©parĂ©e Ă  la lumiĂšre de deux facteurs extrĂȘmement importants pour la profession juridique :

  • dans la mesure du possible, il faut assurer la confidentialitĂ© des communications avocat-client et protĂ©ger le privilĂšge du secret du client;
  • l'avocat ne doit pas participer Ă  une entreprise commune avec l'auditeur dans la prĂ©paration et l'attestation des Ă©tats financiers du client.

Peu de dĂ©cisions judiciaires portent sur l'effet en droit de la rĂ©ponse de l'avocat Ă  une lettre de demande de confirmation. Dans une dĂ©cision rendue en 1985, un protonotaire a conclu que la lettre de rĂ©ponse Ă  une demande de confirmation n'Ă©tait pas protĂ©gĂ©e par le secret professionnel car elle avait Ă©tĂ© divulguĂ©e au tiers auditeur, mais que la rĂ©ponse Ă  une demande de confirmation ne constituait pas nĂ©cessairement une renonciation au secret professionnel Ă  l'Ă©gard de l'objet de la lettre.44 Plus rĂ©cemment, la cour divisionnaire de l'Ontario s'est penchĂ©e sur une question connexe, concluant que la doctrine de la renonciation limitĂ©e s'appliquait lorsqu'il y avait divulgation forcĂ©e Ă  un auditeur, comme l'exige l'article 153 de la Loi sur les sociĂ©tĂ©s par actions de l'Ontario. La doctrine de la renonciation limitĂ©e signifie que le privilĂšge n'est pas perdu simplement en raison d'une divulgation forcĂ©e Ă  un tiers.45

La renonciation limitĂ©e ne s'applique pas Ă  l'audit volontaire, seulement Ă  la divulgation forcĂ©e. Il pourrait s'agir d'une question d'interprĂ©tation lĂ©gislative pour ce qui est de dĂ©terminer si une rĂ©ponse Ă  une demande de confirmation est prescrite ou non par la lĂ©gislation. En outre, une divulgation plus exhaustive que ce qui est prescrit pourrait ĂȘtre problĂ©matique.

À la lumiĂšre de l'introduction des nouvelles Normes internationales d'information financiĂšre (NIIF), l'ABC et le Conseil des normes d'audit et de certification (CNAC) travaillent en collaboration pour adapter la PPC de 1978. Lorsqu'elles seront entiĂšrement adoptĂ©es, les NIIF toucheront la PPC de deux façons. PremiĂšrement, les entitĂ©s auront le choix entre diffĂ©rents cadres de comptabilisation selon qu'elles sont des sociĂ©tĂ©s ouvertes, des sociĂ©tĂ©s fermĂ©es, des organismes Ă  but non lucratif ou des gouvernements. DeuxiĂšmement, la norme de rapport applicable aux Ă©ventualitĂ©s changera.

En attendant l'adoption complĂšte des NIIF, le Groupe de travail de l'ABC/CNAC a publiĂ© en aoĂ»t 2010 une note d'orientation46 in August 2010, Ă©nonçant la façon d'aborder les demandes de confirmation sous le rĂ©gime des NIIF. La note d'orientation s'applique seulement aux Ă©tats financiers prĂ©parĂ©s conformĂ©ment aux NIIF et aux circonstances limitĂ©es dĂ©crites sous la rubrique Champ d'application dans la note d'orientation. Dans les autres circonstances, les communications avec les cabinets d'avocats continuent d'ĂȘtre rĂ©gies par la version actuelle de la PPC.

Les lettres de demande aux cabinets d'avocats et les réponses de ceux ci doivent continuer de mentionner la PPC et indiquer si la note d'orientation s'applique ou non.

L'ABC affichera des mises Ă  jour sur les NIIF et les discussions relatives Ă  la PPC en ligne.

Notes de fin

  1. Association du Barreau canadien et Institut canadien des comptables agréés, Prise de position conjointe sur les demandes de vérification, 1978.
  2. Biomedical Information Corp. c. Pearce et al. (1985), 49 O.R. (2d) 92.
  3. Philip Services Corp. c. Ontario Securities Commission (2005), 77 O.R. (3d) 209. Voir aussi Interprovincial Pipe Line c. M.R.N., [1996] 1 C.F. 367, aux par. 16 Ă  18.
  4. Note d’orientation (certification et services connexes AuG-46), aoĂ»t 2010.
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Les questions d'information et de vie privée sont régies par la loi, de sorte que la premiÚre étape consiste à vérifier le régime législatif applicable dans le territoire de la demande. Il y a des différences entre les provinces et entre la législation provinciale et la législation fédérale.

En Ontario, par exemple, la loi pertinente prĂ©voit que la personne responsable peut refuser de divulguer un document qui est protĂ©gĂ© par le secret professionnel entre avocat et client ou « a Ă©tĂ© Ă©laborĂ© par l'avocat conseil de la Couronne, ou pour le compte de celui ci, qui l'utilise soit dans la communication de conseils juridiques, soit Ă  l'occasion ou en prĂ©vision d'une instance ».47 Les paramĂštres exacts de cette dispense ne sont pas clairs. Dans une affaire, on a sollicitĂ© l'accĂšs aux photos des lieux d'un crime en vue d'une poursuite civile postĂ©rieure. Le Commissaire Ă  l'information a dĂ©clarĂ© que le privilĂšge relatif au litige ne s'appliquait plus, mais les tribunaux Ă©taient en dĂ©saccord, concluant que le libellĂ© de la loi l'emportait sur la common law et que les photos continuaient d'ĂȘtre protĂ©gĂ©es par le secret professionnel mĂȘme aprĂšs la fin de l'action criminelle.48 Dans une Directive de pratique subsĂ©quente, le Commissaire Ă  l'information et Ă  la protection de la vie privĂ©e de l'Ontario a Ă©crit que [TRADUCTION] « le droit d'accĂšs prĂ©vu par la Loi, sous rĂ©serve seulement des exceptions dĂ»ment mentionnĂ©es, signifie que tout genre de privilĂšge ou de confidentialitĂ© qui peut exister en common law s'applique seulement Ă  une demande prĂ©sentĂ©e en vertu de la Loi s'il fait l'objet d'une exception ».49

La Cour suprĂȘme du Canada a conclu en 2008 que le pouvoir confĂ©rĂ© au Commissaire Ă  la protection de la vie privĂ©e du Canada par la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents Ă©lectroniques (LPRPDE) ne donnait pas au commissaire le pouvoir d'avoir accĂšs Ă  des documents protĂ©gĂ©s par le secret professionnel.50 Les termes utilisĂ©s dans la LPRPDE sont trĂšs larges, attribuant au commissaire le pouvoir d'ordonner la production des « documents ou piĂšces qu'il juge nĂ©cessaires pour examiner la plainte dont il est saisi, de la mĂȘme façon et dans la mĂȘme mesure qu'une cour supĂ©rieure d'archives ».51 La Cour suprĂȘme a conclu qu'afin de forcer la production de communications entre un avocat et son client, il fallait une autorisation explicitement prĂ©vue par la loi.

Consultez la législation applicable dans votre territoire et demandez des indications pour déterminer si le régime législatif qui s'applique à l'information sollicitée prévoit explicitement une exception dans les circonstances.

La divulgation d'information ne constitue pas nĂ©cessairement une renonciation au secret professionnel : Dans sa premiĂšre directive de pratique, la Commissaire Ă  l'information et Ă  la protection de la vie privĂ©e de l'Ontario (CIPVP) a rĂ©digĂ© ce qui suit : « Si un document particulier contient des conseils juridiques, l'institution peut craindre qu'en le remettant au Bureau du commissaire, elle ne viole le secret professionnel de l'avocat. Or, ce n'est pas le cas. La Loi accorde Ă  la commissaire le pouvoir d'obtenir et d'examiner un document, en dĂ©pit de sa nature juridique, et les institutions ne violent pas le secret professionnel de l'avocat en le remettant au Bureau du commissaire. Le mĂȘme raisonnement s'applique aux dispositions de confidentialitĂ© contenues dans d'autres lois ».52

Selon certaines décisions portant sur d'autres lois que les lois en matiÚre d'information et de protection de la vie privée, lorsque la loi exige la divulgation, on ne considÚre pas qu'il y a eu renonciation au secret professionnel.53

Vérifiez d'abord la loi applicable lorsqu'un commissaire à l'information et à la protection de la vie privée vous demande des renseignements que vous estimez confidentiels ou protégés par le secret professionnel. Sollicitez des indications concernant votre cas particulier si nécessaire.

Notes de fin

  1. Loi sur l’accĂšs Ă  l’information et la protection de la vie privĂ©e, L.R.O. 1990, c. F-31, dans sa version modifiĂ©e, art. 19.
  2. Ontario (Attorney General) c. Ontario (Information and Privacy Commissioner, Inquiry Officer) (2002), 62 O.R. (3d) 167 (C.A.), aux p. 172 et 173.
  3. Bureau du commissaire Ă  l’information et Ă  la protection de la vie privĂ©e, Directive de pratique #5, PO-2405, Ă  la p. 8.
  4. Canada (Commissaire Ă  la protection de la vie privĂ©e) c. Blood Tribe Department of Health, 2008 CSC 44, [2008] 2 R.C.S. 574; voir aussi l’analyse dans Dodek, prĂ©citĂ© note 2, Ă  la p. 137.
  5. Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents Ă©lectroniques, L.C. 2000, ch. 5, art. 12.1.
  6. Bureau du commissaire Ă  l’information et Ă  la protection de la vie privĂ©e de l’Ontario, Directive de pratique #1, aoĂ»t 2000, au par. 6.
  7. Voir Interprovincial Pipe Line Inc. c. M.R.N., [1996] 1 C.F. 367; Philip Services Corp. c. Ontario Securities Commission, 2005 CanLII 30328 (ON SCDC).
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Les responsabilitĂ©s de base du secrĂ©taire d'entreprise comprennent notamment l'organisation des rĂ©unions du conseil, la prĂ©paration et la distribution des documents prĂ©alables Ă  la rĂ©union, la rĂ©daction du procĂšs-verbal, la tenue des dossiers de la sociĂ©tĂ© ainsi que le dĂ©pĂŽt des documents nĂ©cessaires. Dans de nombreuses organisations, le secrĂ©taire constitue aussi un membre important de l'Ă©quipe de direction. En plus de conserver les dossiers et de consigner des notes, le secrĂ©taire peut constituer la mĂ©moire de l'histoire et de la culture organisationnelle, un pont entre la direction et les administrateurs indĂ©pendants de mĂȘme qu'un acteur de premiĂšre ligne dans la rĂ©ponse aux organismes de rĂ©glementation, aux investisseurs et aux autres parties prenantes.54 Souvent, le secrĂ©taire contribue connaissances et expertise spĂ©cialisĂ©e qui offrent une ressource importante au conseil et Ă  l'organisation dans son ensemble.

La charge de secrétaire n'est cependant pas définie par la loi au Canada. Par exemple, la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi sur les sociétés par actions de l'Ontario n'exigent pas qu'il y ait un secrétaire, quoique les deux lois mentionnent le « secrétaire » dans la définition de « dirigeant » auquel le conseil d'administration peut, en vertu de ses pouvoirs généraux, déléguer des responsabilités de gestion.

La personne qui exerce la fonction de secrĂ©taire n'a pas nĂ©cessairement ce titre, elle peut aussi ĂȘtre avocate gĂ©nĂ©rale ou ne pas ĂȘtre avocate. De plus en plus, cependant, les organisations recrutent des avocats pour ce rĂŽle mĂȘme si ceux ci n'agissent pas uniquement – voire mĂȘme pas du tout – en qualitĂ© d'avocat. Le secret professionnel ne s'applique pas aux conseils concernant des questions purement commerciales mĂȘme si ces conseils sont obtenus auprĂšs d'un conseiller juridique.55 Comme l'a soulignĂ© le juge Major de la Cour suprĂȘme dans un arrĂȘt de 2004, « [v]u la nature du travail d'un avocat interne, dont les fonctions sont souvent Ă  la fois juridiques et non juridiques, chaque situation doit ĂȘtre Ă©valuĂ©e individuellement pour dĂ©terminer si les circonstances justifient l'application du privilĂšge. Ce dernier s'appliquera ou non selon la nature de la relation, l'objet de l'avis et les circonstances dans lesquelles il est demandĂ© et fourni ».56

Pour compliquer les choses, il y a dans plusieurs provinces des dispositions législatives qui définissent la « pratique du droit » de maniÚre à y inclure certains aspects du rÎle de secrétaire. Lorsque la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan a examiné cette question dans l'affaire Potash Corp. of Saskatchewan Inc. c. Barton,57 elle a conclu que [TRADUCTION] « lorsqu'un conseiller juridique d'entreprise travaille à un autre titre, comme membre de la direction ou secrétaire du conseil, les renseignements ne sont pas acquis dans le cadre de la relation entre un avocat et son client, de sorte qu'ils ne sont pas protégés par le secret professionnel ».

Le chevauchement des rÎles de secrétaire et d'avocat général peut facilement semer la confusion de sorte que les renseignements fournis ou reçus ne sont pas nécessairement considérés protégés par le secret professionnel. Par conséquent, il s'agit surtout de savoir quel rÎle vous exercez lorsque vous répondez aux demandes du conseil ou préparez des renseignements pour son examen.

Lorsqu'un avocat général, ou un avocat interne, joue un rÎle de dirigeant qui n'est pas de nature juridique, il faut présumer que le secret professionnel ne s'applique pas. L'analyse effectuée dans Potash Corp. procure d'importantes indications.

Notes de fin

  1. Voir Paul D. Paton, « Working on the High Wire », Lawyers’ Weekly In-House Counsel Magazine, printemps 2012, aux p. 8 Ă  13; voir aussi l’analyse de la fonction de secrĂ©taire d’entreprise dans Carol Hansell, What Directors Need to Know (Toronto : Carswell, 2003).
  2. Voir, par exemple, l’analyse dans R. c. Campbell, [1999] 1 R.C.S. 565, Ă  la p. 602; voir Ă©galement Robert Patzelt, C.R., « Solicitor & Client Privilege, A brief perspective from in-house counsel », avril 2011.
  3. Pritchard c. Ontario (Commission des droits de la personne), [2004] 1 R.C.S. 809, Ă  la p. 818.
  4. Potash Corp. of Saskatchewan Inc. c. Barton, 219 D.L.R. (4th) 513.
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Compte tenu de la complexité de ce domaine et de l'importance du contexte, il est difficile de fournir des indications précises.

Les conseils de nature manifestement commerciale ne sont pas protĂ©gĂ©s. Les conseils « touchant les mesures Ă  prendre dans le contexte juridique pertinent »58 sont protĂ©gĂ©s. Toutefois, il n'y a pas nĂ©cessairement toujours une dĂ©marcation claire entre les « conseils commerciaux » et les conseils « touchant les mesures Ă  prendre dans le contexte juridique pertinent ». Dans les cas limites (oĂč on peut qualifier les conseils d'une façon ou d'une autre), les tribunaux canadiens semblent ĂȘtre enclins Ă  conclure Ă  la protection du secret professionnel entre avocat et client59 et Ă  protĂ©ger le secret dans les cas oĂč [TRADUCTION] « les conseils juridiques chevauchent les conseils commerciaux ».60

Pour les avocats du gouvernement, la situation est potentiellement plus difficile. Comme le souligne d'un document de travail prĂ©parĂ© en 2011 pour l'Association du Barreau canadien, [TRADUCTION] « la distinction entre les conseils juridiques et les conseils stratĂ©giques fournis par les avocats du secteur public est complexe… dans le secteur public, il est difficile de tracer la ligne entre ce qui est considĂ©rĂ© comme un conseil stratĂ©gique et un conseil juridique, puisqu'ils se chevauchent souvent de la mĂȘme façon que les conseils commerciaux et juridiques dans le secteur privĂ© ».61

Les activitĂ©s et la politique gouvernementales peuvent imposer au secret professionnel des pressions diffĂ©rentes de celles qu'on retrouve dans le secteur privĂ©. Les avocats du gouvernement doivent ĂȘtre particuliĂšrement conscients de la nature des conseils donnĂ©s et du contexte spĂ©cifique dans lesquels ils sont donnĂ©s afin de protĂ©ger le secret professionnel entre avocat et client.

Se reporter à Liste de vérification pour les conseillers juridiques d'entreprises : Stratégies de préservation du secret professionnel entre avocat et client.

Notes de fin

  1. Nation et Bande des Indiens Samson c. Canada, [1995] 2 C.F. 762.
  2. Reid c. British Columbia (Egg Marketing Board), 2006 BCSC 346, aux par. 13 et 14.
  3. Perimeter Transportation Ltd. c. Vancouver International Airport Authority, 2007 BCSC 1120, aux par. 3 et 5
  4. Dodek, précité, note 2, aux p. 33 et 34.
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Lorsque les fonctions juridique et commerciale sont regroupĂ©es, il se peut que les conseils donnĂ©s par l'avocat ne soient pas considĂ©rĂ©s de nature juridique et ne soient donc pas protĂ©gĂ©s par le secret professionnel. Dans l'arrĂȘt R. c. Campbell62, la Cour suprĂȘme du Canada a conclu que la question de savoir si un avocat est un conseiller juridique d'entreprise ou un avocat externe n'influe pas sur la naissance ou la nature du secret professionnel entre avocat et client. Dans un contexte ou l'autre, seuls les conseils donnĂ©s par les avocats dans le cadre d'une relation avocat-client sont protĂ©gĂ©s.

Dans un arrĂȘt de 2004, Pritchard c. Ontario (Commission des droits de la personne), la Cour suprĂȘme du Canada a rĂ©itĂ©rĂ© l'Ă©valuation trĂšs propre au contexte nĂ©cessaire pour dĂ©terminer si le secret professionnel protĂšge les conseils donnĂ©s par un avocat interne :

« Vu la nature du travail d'un avocat interne, dont les fonctions sont souvent Ă  la fois juridiques et non juridiques, chaque situation doit ĂȘtre Ă©valuĂ©e individuellement pour dĂ©terminer si les circonstances justifient l'application du privilĂšge. Ce dernier s'appliquera ou non selon la nature de la relation, l'objet de l'avis et les circonstances dans lesquelles il est demandĂ© et fourni. »63

La rĂ©ponse de base ne change pas lorsque l'avocat travaille pour le gouvernement. Comme l'a conclu la Cour d'appel fĂ©dĂ©rale dans Telus Communications Inc. c. Canada (Procureur gĂ©nĂ©ral), « [c]omme les avocats salariĂ©s et les avocats de l'Administration remplissent souvent de multiples fonctions pour leur employeur, il est important de voir que seules leurs communications Ă  titre d'avocats peuvent ĂȘtre protĂ©gĂ©es par le privilĂšge. Les communications ayant d'autres fins, par exemple les conseils donnĂ©s en matiĂšre d'activitĂ© Ă©conomique et d'action publique, ne sont pas ainsi protĂ©gĂ©es. Le point de savoir si une communication est protĂ©gĂ©e par le privilĂšge dans ce contexte doit ĂȘtre examinĂ© au cas par cas. »64

Lorsqu'un avocat joue un rĂŽle juridique/commercial mixte et travaille Ă  l'extĂ©rieur du service juridique, il y a davantage de chances que les conseils soient considĂ©rĂ©s d'ordre non juridique. La renonciation par inadvertance au secret professionnel est aussi un risque si les conseils ne sont pas strictement donnĂ©s en toute confidentialitĂ©. Le fait que l'avocat porte un titre diffĂ©rent et travaille Ă  l'extĂ©rieur du service juridique n'est pas en soi dĂ©terminant, quoiqu'il puisse revĂȘtir de l'importance dans une Ă©valuation contextuelle. Dans une affaire de 1999 oĂč une avocate n'a [TRADUCTION] « pas Ă©tĂ© embauchĂ©e expressĂ©ment pour fournir des conseils juridiques » mais Ă©tait [TRADUCTION] « qualifiĂ©e pour le faire et considĂ©rait qu'il s'agissait d'une partie de ses fonctions », la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta a conclu qu'elle n'Ă©tait pas employĂ©e [TRADUCTION] « comme avocate en soi » et que ses communications n'Ă©taient pas protĂ©gĂ©es par le secret professionnel.65

Il n'existe [TRADUCTION] « presque aucune distinction » entre les avocats du gouvernement et les conseillers juridiques d'entreprises sur cette question,66 quoique le contexte organisationnel des avocats gouvernementaux diffĂšre de celui du secteur privĂ©. Comme le juge Binnie, de la Cour suprĂȘme, l'a soulignĂ© dans l'arrĂȘt R. c. Campbell : « Bien qu'une partie du travail des avocats du gouvernement soit semblable Ă  celui des avocats de pratique privĂ©e, ils peuvent avoir – et ont souvent – de nombreuses autres responsabilitĂ©s comme, par exemple, la participation Ă  divers comitĂ©s opĂ©rationnels de leur ministĂšre. Les avocats du gouvernement qui oeuvrent depuis des annĂ©es auprĂšs d'un ministĂšre client peuvent ĂȘtre invitĂ©s Ă  donner des conseils en matiĂšre de politique qui n'ont rien Ă  voir avec leur formation et leur expertise juridiques, mais font appel Ă  leur connaissance du ministĂšre. Les conseils que donnent les avocats sur des matiĂšres non liĂ©es Ă  la relation avocat-client ne sont pas protĂ©gĂ©s » .67

Se reporter Ă  Liste de vĂ©rification pour les conseillers juridiques d'entreprises : StratĂ©gies de prĂ©servation du secret professionnel entre avocat et client pour consulter des stratĂ©gies en vue de protĂ©ger le secret professionnel entre avocat et client concernant les cas oĂč vous travaillez manifestement Ă  titre de conseiller juridique.

Notes de fin

  1. R. c. Campbell, précité, note 56, au par. 50, citant Minter c. Priest, [1929] 1 K.B. 655 (C.A.).
  2. Pritchard c. Ontario (Commission des droits de la personne), [2004] 1 R.C.S. 809, à la p. 818, citant Campbell, précité, note 56, au par. 50.
  3. Telus Communications Inc. c. Canada (Procureur général), 2004 CAF 380, au par. 10.
  4. Husky Oil Operations Ltd et al. c. MacKimmie Matthews et al. (1999), 241 A.R. 115 (C.B.R.A.).
  5. Patzelt, précité, note 56, à la p. 6.
  6. R. c. Campbell, précité, note 56, au par. 50.
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Cette question importante et complexe nĂ©cessite l'examen de plusieurs enjeux, notamment les mandats conjoints, les conflits d'intĂ©rĂȘts, les obligations fiduciaires dans le contexte d'une sociĂ©tĂ©, l'obligation de transparence et la dĂ©termination de l'identitĂ© du client dans le contexte organisationnel. Il est impossible de rĂ©pondre de façon dĂ©finitive Ă  cette question hors contexte, mais les indications gĂ©nĂ©rales suivantes pourraient ĂȘtre utiles.

La sociĂ©tĂ© mĂšre et la filiale sont-elles deux clientes distinctes? : En ce qui concerne les renseignements confidentiels, la rĂšgle 2.04(5) du Code type de dĂ©ontologie professionnelle de la FĂ©dĂ©ration des ordres professionnels de juristes du Canada prĂ©voit qu'avant d'agir dans une affaire ou une transaction pour plus d'un client, le juriste doit aviser chacun des clients qu'on lui a demandĂ© d'agir pour les deux parties ou pour toutes les parties. Aucun renseignement reçu d'un client au sujet de l'affaire ne peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme confidentiel Ă  l'Ă©gard des autres clients. Si un conflit surgit et ne peut ĂȘtre rĂ©glĂ©, il ne peut continuer de reprĂ©senter les deux parties ou toutes les parties et aura peut-ĂȘtre Ă  se retirer complĂštement de l'affaire.

MĂȘme si dans certains cas un conflit entre deux clients peut faire l'objet d'une renonciation par ceux-ci, l'avocat a nĂ©anmoins une obligation de bonne foi envers les deux clients et doit les servir tous deux fidĂšlement et honnĂȘtement, croyant qu'il peut exĂ©cuter les mandats que lui ont confiĂ©s les clients sans restriction.

S'agit-il d'un cas de mandat conjoint? : Le commentaire 8 du chapitre V du Code de déontologie professionnelle de l'ABC énonce ce qui suit : « Si un différend surgissait entre les clients à propos du mandat conjoint, l'avocat, tout en conservant le droit de les conseiller sur d'autres questions non litigieuses, enfreindrait la rÚgle s'il continuait à les conseiller sur la question qui les oppose. Dans ces circonstances, il serait préférable qu'il les dirige vers un confrÚre. Cependant, si le différend n'exige que peu ou pas de conseils juridiques, mais porte plutÎt, par exemple, sur les aspects commerciaux d'une transaction, l'avocat peut, si les clients lui paraissent avoir l'expérience nécessaire, décider de ne pas intervenir et de les laisser s'entendre entre eux ».

La sociĂ©tĂ© mĂšre et la filiale constituent-elles un seul client unitaire? : Le commentaire affĂ©rent au terme « client » dans la disposition renfermant les dĂ©finitions du Code type de la FĂ©dĂ©ration Ă©nonce que « [d]ans le cas d'une personne qui consulte le juriste en qualitĂ© de reprĂ©sentant, le client est la sociĂ©tĂ©, la sociĂ©tĂ© en nom collectif, l'organisme ou la personne morale que la personne reprĂ©sente ». Le commentaire ajoute ce qui suit : « Pour prĂ©ciser davantage, un client n'inclut pas un quasi-client, tel qu'une entitĂ© affiliĂ©e [
] Ă  moins qu'une preuve matĂ©rielle dĂ©montre qu'on s'attendait raisonnablement Ă  ce qu'une relation entre juriste et client soit Ă©tablie ». Il faut aussi tenir compte des obligations fiduciaires des administrateurs de la sociĂ©tĂ©. La Cour suprĂȘme du Canada a analysĂ© cette question dans deux rĂ©cents arrĂȘts.68,69

Le Code de déontologie professionnelle de l'ABC est plus explicite, prévoyant expressément que « le terme "client" ne s'étend pas aux personnes qui se sont engagées ou associées avec un client ou qui y sont liées, comme : (i) les sociétés mÚres, filiales ou autres entités associées ou affiliées à un client, ou les administrateurs, actionnaires ou employés d'un client ».

Quelle est la nature des plans de la sociĂ©tĂ© mĂšre? : Par exemple : s'agit-il d'une vente d'actions faisant intervenir la filiale? En 2004, la Cour d'appel de l'Ontario a conclu que : [TRADUCTION] « GĂ©nĂ©ralement, l'avocat ne doit pas reprĂ©senter les deux parties Ă  l'opĂ©ration lorsque les intĂ©rĂȘts d'un client risquent d'entrer en conflit avec les intĂ©rĂȘts de l'autre. S'il y a des opĂ©rations simples ou routiniĂšres pour lesquelles un avocat peut reprĂ©senter les deux parties, la vente d'actions n'est pas l'une d'elles ». Dans une opĂ©ration d'une telle ampleur, le simple fait de reprĂ©senter les deux parties met l'avocat dans une situation de [TRADUCTION] « conflit d'intĂ©rĂȘts irrĂ©mĂ©diable » et l'avocat compromet sĂ©rieusement la reprĂ©sentation de l'une des parties. Simplement en acceptant le mandat relatif Ă  la vente d'actions, l'avocat a contrevenu Ă  l'obligation fiduciaire qu'il a envers une partie.

Elle n'est naturellement pas contraignante au Canada, mais la dĂ©cision rendue en 2007 par la Cour d'appel du troisiĂšme circuit des États Unis dans In re Teleglobe Communications Corp.70 peut aussi servir de guide utile pour la question de savoir si et comment une sociĂ©tĂ© mĂšre peut faire valoir le secret professionnel contre ses filiales dans certains cas et si les conseils donnĂ©s Ă  une sociĂ©tĂ© mĂšre demeurent protĂ©gĂ©s par le secret professionnel lorsque les intĂ©rĂȘts des membres de son groupe divergent. La dĂ©cision Ă©nonce Ă©galement les mesures que peut prendre le conseiller juridique d'entreprise pour protĂ©ger le secret professionnel dans de telles circonstances.71

Notes de fin

  1. Magasins Ă  rayon Peoples Department Stores Inc (Syndic de) c. Wise, [2004] 3 R.C.S. 461.
  2. BCE Inc. c. Détenteurs de débentures de 1976, [2008] 3 R.C.S. 560.
  3. In re Teleglobe Communications Corp. 493 F. 3d 345 (3d Cir. 2007).
  4. Voir Wendy Matheson, David Outerbridge et Laura Day, « Preserving Privilege in a Corporate Group: Lessons from In re Teleglobe Communications Corp. » document prĂ©parĂ© pour la confĂ©rence de l’Association du Barreau de l’Ontario intitulĂ©e « Privilege, Confidentiality and Conflicts of Interest: Traversing Tricky Terrain », 23 octobre 2008.
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La meilleure pratique consiste à préciser dÚs le début du mandat qui retient les services de l'avocat externe : les administrateurs personnellement; la société; les administrateurs personnellement et la société conjointement.

DĂšs le dĂ©part, les conseillers juridiques externes et internes devront indiquer clairement l'identitĂ© du client et de ceux qui leur donneront des instructions. Autrement, ils risquent qu'un examen postĂ©rieur mĂšne Ă  la conclusion qu'ils ont contrevenu aux dispositions du code de dĂ©ontologie concernant les conflits d'intĂ©rĂȘts.

Une approche de détermination de l'identité du client est énoncée dans Boreta c. Primrose Drilling Ventures Ltd.72 La Cour du Banc de la Reine de l'Alberta a évalué la relation entre les avocats externes et des membres de la société en fonction de critÚres objectifs et subjectifs. La cour a demandé dans quels cas [TRADUCTION] « la personne raisonnable se trouvant dans la position de [la société] et connaissant les faits adopterait raisonnablement la croyance que [l'avocat externe] agit pour [la société]73 La cour a aussi examiné la conduite des parties en cause, tirant des inférences de [TRADUCTION] « l'ensemble des circonstances au moyen d'un examen portant sur la preuve de la conduite des parties et les documents » .74

MĂȘme lorsque des communications Ă©crites, reconnues par les administrateurs et la sociĂ©tĂ©, indiquent clairement le client des avocats externes, il peut ĂȘtre nĂ©cessaire de trancher des questions complexes sur le secret professionnel et les conflits d'intĂ©rĂȘts.

Lorsque les services d'un avocat externe sont retenus par les administrateurs personnellement, et non pas par la sociĂ©tĂ© et que la sociĂ©tĂ© communique de l'information Ă  celui ci, elle peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme ayant renoncĂ© Ă  la confidentialitĂ© ou au secret professionnel entre avocat et client.

Toutefois, les tribunaux canadiens ont Ă©tabli une « exception de l'intĂ©rĂȘt commun » Ă  la rĂšgle de la renonciation qui peut s'appliquer dans cette situation.75 Si des intĂ©rĂȘts opposĂ©s prennent naissance entre la sociĂ©tĂ© et les administrateurs, les renseignements communiquĂ©s par une partie Ă  l'autre perdent vraisemblablement la protection du secret professionnel et peuvent ĂȘtre produits dans une instance judiciaire entre les parties. Les renseignements pourraient continuer d'ĂȘtre protĂ©gĂ©s Ă  l'Ă©gard des tiers. (Voir la question 3 pour de plus amples renseignements sur l'« exception de l'intĂ©rĂȘt commun ».)

Notes de fin

  1. Boreta c. Primrose Drilling Ventures Ltd, [2010] A.J. No 641 (C.B.R.).
  2. Ibid., au par. 56.
  3. Ibid., au par. 57.
  4. Voir Fraser Milner Casgrain LLP c. Minister of National Revenue, 2002 BCSC .
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La rĂ©ponse dĂ©pend du pays oĂč on rĂ©clame la protection du secret professionnel et du contexte de la communication. Si le pays fait partie de l'Union europĂ©enne, il y a de fortes chances que les communications ne soient pas considĂ©rĂ©es protĂ©gĂ©es par le secret professionnel.

Dans la dĂ©cision qu'elle a rendue en 2010 dans Akzo Nobel,76 la Cour europĂ©enne de justice a reconfirmĂ© ses dĂ©cisions antĂ©rieures selon lesquelles la « protection de la confidentialitĂ© des communications entre avocats et clients » ne s'appliquait pas aux communications avec les avocats internes dans les enquĂȘtes en matiĂšre de droit de la concurrence menĂ©es par la Commission europĂ©enne (CE) en vertu du droit europĂ©en. En particulier, la cour a mis l'accent sur la « dĂ©pendance Ă©conomique » de l'avocat interne et ses « liens Ă©troits » avec l'employeur pour conclure que l'avocat interne « ne jouit pas du mĂȘme degrĂ© d'indĂ©pendance Ă  l'Ă©gard de son employeur que celle d'un avocat exerçant ses activitĂ©s dans un cabinet externe Ă  l'Ă©gard de son client ». MalgrĂ© le fait qu'un avocat interne est inscrit auprĂšs d'un barreau et qu'il est ainsi soumis Ă  des obligations dĂ©ontologiques professionnelles, « la situation de salariat dans laquelle il se trouve [
] ne permet pas Ă  l'avocat interne de s'Ă©carter des stratĂ©gies commerciales poursuivies par son employeur et met ainsi en cause sa capacitĂ© Ă  agir dans une indĂ©pendance professionnelle ».77

L'effet de la dĂ©cision fait l'objet d'un dĂ©bat continu.78 Une note d'information pour les membres d'une association de conseillers juridiques d'entreprises Ă©nonce que [TRADUCTION] « de façon concrĂšte, la trĂšs grande majoritĂ© des affaires ou des incidents potentiels en matiĂšre de secret professionnel de l'avocat ne seront pas touchĂ©s du tout par la dĂ©cision Akzo », et que la dĂ©cision [TRADUCTION] « a des effets juridiques limitĂ©s hors du contexte des enquĂȘtes en droit de la concurrence menĂ©es par la CE ». Toutefois, mĂȘme si l'affaire Ă©tait d'abord une enquĂȘte sur la concurrence, les termes employĂ©s dans le jugement indiquent que le mĂȘme rĂ©sultat peut ĂȘtre appliquĂ© hors du domaine Ă©troit du droit de la concurrence et peut-ĂȘtre Ă  d'autres rĂšglements et institutions de l'Union europĂ©enne (UE). La dĂ©cision crĂ©e directement un conflit avec le privilĂšge qui pourrait par ailleurs ĂȘtre accordĂ© au niveau national aux conseillers juridiques d'entreprises (en Angleterre, par exemple). En outre, la conclusion de l'avocat gĂ©nĂ©ral europĂ©en dans l'affaire, quoique non contraignante, veut que le privilĂšge ne s'applique pas aux avocats externes non admis au barreau d'un État membre de l'UE.79

ConcrĂštement, il s'ensuit donc que toutes les communications entre les conseillers juridiques d'entreprises et bureaux canadiens et les filiales se trouvant dans des pays membres de l'Union europĂ©enne risquent de ne pas ĂȘtre protĂ©gĂ©es par le secret professionnel entre avocat et client. La dĂ©cision Akzo pourrait amener la direction d'une sociĂ©tĂ© Ă  faire en sorte que les communications avec les avocats internes au sujet de la concurrence dans l'UE soient verbales, et non pas Ă©crites.

Au Canada, les conseillers juridiques d'entreprises doivent savoir que leurs conversations avec leurs homologues europĂ©ens Ă  certaines fins pourraient ne pas ĂȘtre protĂ©gĂ©es par le secret professionnel en Europe. Il se peut que des revendications de la protection du secret professionnel concernant les communications intersociĂ©tĂ©s soient contestĂ©es devant les tribunaux canadiens : se pose la question clĂ© de savoir si une communication avec des avocats internes peut ĂȘtre assortie d'une « attente raisonnable de confidentialitĂ© » lorsqu'elle est susceptible de saisie par la Commission europĂ©enne.

Notes de fin

  1. Akzo Nobel Chemicals Limited et Ackros Chemicals Limited c. Commission europĂ©enne, affaire C-550/07P, Cour de justice de l’Union europĂ©enne, 14 septembre 2010.
  2. Ibid.
  3. Paul D. Paton, « The Future of Privilege », Lawyers’ Weekly In-House Counsel, Ă©tĂ© 2011, aux p. 8 et 9.
  4. Conclusion de l’avocat gĂ©nĂ©ral Kokott, prononcĂ©e le 29 avril 2010, affaire C-550/07P.
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Il est essentiel de mener minutieusement une enquĂȘte interne pour prĂ©server le secret professionnel et faire en sorte que le conseiller juridique d'entreprise ne devienne pas par inadvertance un tĂ©moin.

À l'assemblĂ©e annuelle de l'ACCJE en 2011, il a Ă©tĂ© suggĂ©rĂ© lors d'une discussion en groupe qu'afin de bien dĂ©terminer le rĂŽle du conseiller juridique d'entreprise, il faut rĂ©pondre Ă  d'importantes questions au dĂ©but d'une enquĂȘte :

  • Quels sont les objectifs de l'enquĂȘte?
  • Qui devrait mener l'enquĂȘte?
  • Quand l'enquĂȘte devrait-elle ĂȘtre menĂ©e?
  • Qui est le client du conseiller juridique effectuant l'enquĂȘte?
  • L'enquĂȘte devrait-elle rĂ©pondre Ă  une allĂ©gation seulement ou ĂȘtre Ă©largie de maniĂšre Ă  avoir une portĂ©e plus grande?
  • Comment l'enquĂȘte sera-t-elle consignĂ©e et ses rĂ©sultats seront-ils annoncĂ©s?80

La dĂ©cision rendue en mai 2012 par la Cour supĂ©rieure de justice de l'Ontario dans R. c. Dunn81 procure un examen utile de certaines des questions susceptibles de survenir. La dĂ©cision a confirmĂ© que les notes prises par les avocats dans le cadre d'une enquĂȘte interne Ă©taient protĂ©gĂ©es contre la divulgation puisqu'elles ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©es principalement en vue d'un litige en cours, envisagĂ© ou prĂ©vu. Toutefois, mĂȘme si les notes Ă©taient protĂ©gĂ©es contre la divulgation, la cour a conclu que l'avocat peut nĂ©anmoins ĂȘtre forcĂ© Ă  tĂ©moigner au sujet de ce qui s'est produit Ă  une rĂ©union Ă  laquelle il a participĂ© au nom d'un client si des tiers Ă©taient aussi prĂ©sents, mĂȘme si ces tiers Ă©taient Ă©galement des avocats. La cour a aussi confirmĂ© que la transcription des entrevues peut ĂȘtre admissible en preuve car elle ne reflĂ©terait pas le travail d'un avocat en vue d'un litige.

L'affaire portait sur une enquĂȘte et un contrĂŽle entrepris par le comitĂ© d'audit au nom d'une sociĂ©tĂ©, notamment des entrevues avec des membres de la haute direction par la suite accusĂ©s d'avoir fraudĂ© le public et la sociĂ©tĂ©. Les membres de la haute direction Ă©taient reprĂ©sentĂ©s par des avocats externes lors de certaines des entrevues. La cour a acceptĂ© le tĂ©moignage des avocats externes selon lequel leurs notes n'Ă©taient pas seulement une transcription des rĂ©unions, mais plutĂŽt un mĂ©lange de ce qu'ils ont vu et entendu et de ce qu'ils estimaient important. L'une des personnes menant les entrevues Ă©tait un ancien poursuivant de la Securities and Exchange Commission des États Unis, et les avocats ont tĂ©moignĂ© qu'ils craignaient la possibilitĂ© de litige rĂ©glementaire et civil. Par consĂ©quent, la cour a convenu que les notes avaient Ă©tĂ© crĂ©Ă©es principalement en vue d'un litige et de permettre aux avocats de dĂ©fendre les membres de la haute direction contre des procĂ©dures potentielles.82 Mais mĂȘme si les notes Ă©taient protĂ©gĂ©es contre la divulgation en raison du privilĂšge relatif au litige, la teneur des entrevues qu'elles consignaient ne l'Ă©tait pas; les avocats pouvaient ĂȘtre forcĂ©s de tĂ©moigner au procĂšs puisque des tiers reprĂ©sentants avaient Ă©tĂ© prĂ©sents. La cour a soulignĂ© que si les entrevues avaient Ă©tĂ© transcrites, la transcription aurait aussi Ă©tĂ© admissible en preuve. Bien que les communications entre les avocats et leurs clients puissent bĂ©nĂ©ficier de la protection du privilĂšge relatif au litige, la divulgation des faits sous jacents par ceux qui ont communiquĂ© avec les avocats n'est pas protĂ©gĂ©e s'il est par ailleurs possible de les dĂ©couvrir et qu'ils sont pertinents.

Aux États Unis, le prĂ©cĂ©dent en la matiĂšre demeure l'arrĂȘt Upjohn Co. c. United States.83 Cette affaire portait sur une enquĂȘte interne par la sociĂ©tĂ© sur des [TRADUCTION] « paiements douteux » faits par les filiales Ă©trangĂšres de la sociĂ©tĂ©, vraisemblablement en violation des lois amĂ©ricaines. Lorsque des agents spĂ©ciaux de l'Internal Revenue Service des États Unis ont sollicitĂ© la production de [TRADUCTION] « tous les dossiers relatifs Ă  l'enquĂȘte », notamment les notes ou les comptes rendus d'entrevues effectuĂ©es avec des employĂ©s de la sociĂ©tĂ© dans le cadre de l'enquĂȘte interne, la sociĂ©tĂ© a refusĂ© de produire les documents au motif que ceux-ci Ă©taient protĂ©gĂ©s contre la divulgation par le secret professionnel entre avocat et client et constituaient le fruit du travail des avocats qui se prĂ©paraient en vue d'un litige. La Cour suprĂȘme des États Unis a confirmĂ© que le secret professionnel [TRADUCTION] « interdit seulement la divulgation des communications; il n'interdit pas la divulgation des faits sous jacents par ceux qui ont communiquĂ© avec les avocats ».84

Il faut prendre des précautions particuliÚres s'il existe une possibilité que les autorités américaines sollicitent la divulgation des notes et documents. Envisagez de faire appel aux services de conseillers juridiques américains et canadiens pour vous aider dans un tel cas.

Notes de fin

  1. Voir Kelley McKinnon, Gowlings, « Investigation Strategy »; Heidi Schedler, Commission des valeurs mobiliĂšres de la Nouvelle–Écosse, « Government & Internal Investigations: A To-Do List »; et Antoinette Bozac, VP, RH et Affaires juridiques et chef du contentieux, SociĂ©tĂ© immobiliĂšre du Canada, « Regulatory & Internal Investigations – Fraud Investigation Structure and Execution: Checklists and Case Samples »; diapos d’une prĂ©sentation PowerPoint, confĂ©rence annuelle 2011 de l’Association canadienne des conseillers et conseillĂšres juridiques d’entreprises, 15 aoĂ»t 2011.
  2. [2012] ONSC 2748.
  3. Andrew Bernstein et Andrew Finkelstein, « Litigation Privilege and Internal Investigations », Torys on Litigation and Dispute Resolution, L&DR 2012-5, 11 mai 2012.
  4. Upjohn Co. c. United States, 449 U.S. 383 (1981).
  5. Ibid., Ă  la p. 395.
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GĂ©nĂ©ralement, le secret professionnel entre avocat et client de mĂȘme que l'obligation de confidentialitĂ© continuent de s'appliquer aprĂšs la fin de la relation avocat-client. La rĂšgle 2.03 du Code type de dĂ©ontologie professionnelle de la FĂ©dĂ©ration des ordres professionnels de juristes du Canada oblige l'avocat « en tout temps » Ă  « garder dans le plus grand secret tous les renseignements qu'il apprend au sujet des affaires et des activitĂ©s d'un client au cours de la relation professionnelle ». L'avocat ne doit pas divulguer ces renseignements, sauf dans les cas suivants :

  • le client l'a expressĂ©ment ou implicitement autorisĂ©;
  • la loi ou un tribunal l'exige;
  • il est tenu de donner les renseignements au Barreau;
  • la rĂšgle le permet.

À moins que ce qu'on vous demande de divulguer relĂšve de l'une de ces exceptions, vous ĂȘtes tenu de ne rien dire au sujet du travail que vous avez effectuĂ© pour l'organisation.

Un client actuel ou ancien peut renoncer explicitement ou implicitement au secret professionnel ou Ă  l'obligation. Le critĂšre applicable Ă  la dĂ©termination de la question de savoir si un client a renoncĂ© Ă  la protection du secret professionnel ou Ă  l'obligation de confidentialitĂ© est strict. À titre de « propriĂ©taire » du secret professionnel, le client doit :

  1. connaĂźtre l'existence du secret professionnel;
  2. démontrer manifestement l'intention d'y renoncer.85

Si un client conteste votre interprétation des événements, il appartiendra au tribunal de déterminer s'il a renoncé au secret professionnel librement et intentionnellement. Les tribunaux préfÚrent ne pas forcer la divulgation du secret et sont réticents à présumer la renonciation.

ConcrĂštement, il peut ĂȘtre difficile d'obtenir une renonciation Ă©crite de la part de l'organisation dans les cas oĂč vous avez Ă©tĂ© congĂ©diĂ©. Il vous faudra peut-ĂȘtre donc solliciter une ordonnance judiciaire autorisant la divulgation de votre part afin de vous permettre de rĂ©pondre Ă  la demande de l'organisme de rĂ©glementation.

Notes de fin

  1. Ronald D. Manes et Michael P. Silver, Solicitor-Client Privilege in Canadian Law, (Toronto : Butterworths, 1993) 187.
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La vente d'actions est l'affaire la plus facile à trancher puisque la société continue de bénéficier du secret professionnel lorsqu'elle est vendue. La société peut changer de mains, mais elle demeure la cliente.

Lorsque les actifs sont achetés, il s'agit de savoir si l'acheteur est l'ayant cause. Il est établi depuis longtemps que le secret professionnel entre avocat et client est transmis aux ayants cause.86

La Cour supérieure de l'Ontario a énoncé le principe de la façon suivante : [TRADUCTION] « L'ayant cause peut faire valoir le secret professionnel entre avocat et client se rattachant à un prédécesseur. Ainsi, le secret professionnel du propriétaire original se transmet à un ayant cause ».87

Les tribunaux font bĂ©nĂ©ficier les ayants cause du secret professionnel puisque leurs intĂ©rĂȘts sont communs Ă  ceux du prĂ©dĂ©cesseur et que les communications ont Ă©tĂ© faites sous le sceau de la confidentialitĂ©. En d'autres termes, le secret professionnel entre avocat et client qui « appartient » au propriĂ©taire d'une entreprise est transmis Ă  l'ayant cause de l'entreprise, et celui-ci peut le faire valoir et le conserver.

Notes de fin

  1. Geffen c. Succession Goodman, [1991] 2 R.C.S. 353; voir aussi Crescent Farms (SIDCUP) Sports Ltd. Sterling Offices et al., [1972] 1 Ch. 553 (Eng.).
  2. UPM-Kymmene Corp. c. Repap Enterprise Inc., [2001] O.J. No. 4220, au par. 10 (C.S.)
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Lorsque vous agissez au nom d'un client en faillite, vous avez toujours une obligation de confidentialité envers lui. De façon générale, le secret professionnel entre avocat et client est conservé pendant une instance de faillite et vous ne pouvez pas divulguer de renseignements privilégiés au syndic de faillite sans le consentement de votre client failli.

Vous ne serez pas nĂ©cessairement forcĂ© de divulguer des communications privilĂ©giĂ©es concernant votre client en faillite, mais vous pourriez ĂȘtre tenu de divulguer des renseignements factuels au sujet des affaires du failli, renseignements qui ne sont pas considĂ©rĂ©s comme des communications entre vous et votre client aux fins de la prestation de conseils juridiques et qui seraient, si tel Ă©tait le cas, protĂ©gĂ©s par le secret professionnel entre avocat et client.

En 1984, la Cour suprĂȘme de l'Ontario a conclu qu'un avocat peut ĂȘtre forcĂ© de [TRADUCTION] « divulguer tous les renseignements concernant les affaires du failli, ses opĂ©rations et l'emplacement de ses biens, etc., qui ne nĂ©cessitent pas la divulgation de communications faites Ă  l'appelant en vue de la prestation de conseils juridiques ».88

La Loi sur la faillite et l'insolvabilité ne traite pas directement du secret professionnel entre avocat et client ni de sa renonciation, mais la jurisprudence nous indique que le syndic ne peut y renoncer et que le secret professionnel bénéficie uniquement au failli. Dans le précédent sur l'application du secret professionnel dans une instance de faillite,89 la Cour d'appel de l'Alberta a conclu que les communications privilégiées constituaient un [TRADUCTION] « droit personnel » qui n'était pas soumis à l'obligation générale de transfert de « biens », au sens attribué à ce terme à l'article 2 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, et a confirmé que [TRADUCTION] « le droit personnel que constitue le secret professionnel n'est pas modifié par la LFI ».90 Il n'existe aucune obligation ni aucun cas spécial dans le cadre d'une instance de faillite qui permettrait à quiconque, hormis le client failli, de renoncer au secret professionnel entre avocat et client.

Lorsque l'entreprise de votre client failli est achetĂ©e, vous avez toujours l'obligation de prĂ©server la confidentialitĂ© de l'ensemble des documents et communications de votre client, que ceux-ci soient protĂ©gĂ©s ou non par le secret professionnel, mĂȘme aprĂšs que les documents ont Ă©tĂ© divulguĂ©s par votre client pendant l'opĂ©ration d'achat. Vous devez recevoir de votre client des instructions explicites pour pouvoir partager des communications privilĂ©giĂ©es.

Notes de fin

  1. Clarkson c. Chilcott, (1984) 48 O.R. (2d) 545 (C.S.).
  2. Bre-X Minerals Ltd. (Trustee of) c. Verchere, 2001 ABCA 255, [2002] 97 Alta L.R. (3d) 1.
  3. Ibid., au par. 35.
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Puisque les conseillers juridiques d'entreprises ont leurs bureaux dans les locaux de leur sociĂ©tĂ© cliente, il faut prĂ©sumer que les gens qui se trouvent Ă  l'extĂ©rieur de leurs bureaux sont tous des employĂ©s du client. Ainsi, il n'existe aucune obligation de bureau Ă  porte fermĂ©e, si on prĂ©sume que dans les bureaux de la sociĂ©tĂ©, il y a une attente et une apprĂ©ciation en ce qui concerne la vie privĂ©e. Toutefois, la diffusion de renseignements privilĂ©giĂ©s aussi Ă  d'autres personnes que celles qui en ont besoin fait augmenter le risque de divulgation non autorisĂ©e de mĂȘme que d'allĂ©gations selon lesquelles on a renoncĂ© au secret professionnel.

On peut souvent entendre des avocats qui ont des conversations dans des lieux publics, comme un café ou un avion, sur des sujets qu'ils voudraient assurément voir protégés par le secret professionnel entre avocat et client. Suivant les rÚgles normalisées de la renonciation, de telles conversations ne seraient pas considérées confidentielles et, partant, non protégées par le secret professionnel. Tel est aussi le cas de l'avocat qui parle ouvertement à un client dans le corridor à l'extérieur de la salle d'audience lorsque de nombreuses personnes se trouvent dans les environs.

Le Barreau du QuĂ©bec a Ă©dictĂ© une rĂšgle qui oblige les avocats Ă  utiliser une salle de consultation pour rencontrer des clients ou avoir des conversations visĂ©es par le secret professionnel. Cette salle doit ĂȘtre fermĂ©e et conçue de maniĂšre Ă  empĂȘcher ceux qui ne s'y trouvent pas d'entendre les conversations qui y ont lieu.91  Le Barreau de la Colombie-Britannique a rĂ©pondu Ă  pareilles prĂ©occupations au sujet de la nĂ©cessitĂ© d'empĂȘcher ceux avec qui l'avocat partage des bureaux d'avoir accĂšs Ă  des renseignements et Ă  des dossiers du client en publiant un sommaire d'un contrĂŽle d'une personne anonyme effectuĂ© en 2012.92

Notes de fin

  1. Barreau du QuĂ©bec, RĂšglement sur la comptabilitĂ© et les normes d’exercice professionnel des avocats, Code des professions (L.R.Q., chap. C-26, art. 89 et 91), Section II, p. 5.
  2. LSBC Conduct Review No. 3, automne 2012.
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Le document de l'ABC intitulĂ© « Lignes directrices pour un exercice du droit conforme Ă  la dĂ©ontologie dans le cadre des nouvelles technologies de l'information » (septembre 2008) 93 procure des renseignements qui complĂštent le Code de dĂ©ontologie professionnelle de l'ABC. Les lignes directrices font ressortir les pratiques exemplaires lors de l'utilisation des technologies de l'information en mettant l'accent sur la nĂ©cessitĂ© d'assurer la sĂ©curitĂ© de l'information et de prĂ©server la confidentialitĂ© des clients et protĂ©ger leur vie privĂ©e. Les technologies Ă©voluent rapidement, mais les obligations juridiques et dĂ©ontologiques fondamentales des avocats demeurent le guide gĂ©nĂ©ral permettant de dĂ©terminer s'il y a lieu d'appliquer les nouvelles technologies Ă  la pratique et leur mode d'application.

Le Code type de déontologie professionnelle de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada et le Code de déontologie professionnelle de l'ABC énoncent l'obligation par l'avocat de préserver strictement la confidentialité des renseignements concernant les activités et les affaires d'un client dont il prend connaissance dans le cadre de la relation professionnelle ainsi que l'obligation de s'abstenir de divulguer ces renseignements, sauf en cas d'autorisation explicite ou implicite du client, d'obligation légale ou de disposition des RÚgles.

Ces principes s'appliquent Ă  toutes les formes de communication, notamment les communications Ă©lectroniques au moyen des technologies de l'information. Les avocats doivent faire preuve de la mĂȘme diligence et de la mĂȘme prĂ©occupation en ce qui concerne les affaires confidentielles, peu importe la technologie de l'information utilisĂ©e. De plus, dans de nombreux territoires canadiens, les rĂšgles de procĂ©dure civile et les rĂšgles de pratique relatives Ă  la conservation des documents et Ă  l'examen prĂ©alable dĂ©finissent les termes « document » et « dossier » de maniĂšre Ă  comprendre les formats papier et Ă©lectronique.

Les rĂšglements du Barreau ne dictent pas encore la forme ou le support que l'avocat doit utiliser pour stocker les communications des clients ou les autres Ă©lĂ©ments liĂ©s au dossier d'un client. Un document intitulĂ© « Practice Tips » du Barreau du Haut-Canada portant sur « Using Technology in Your Practice »94 souligne que lorsque les communications sont stockĂ©es sous format Ă©lectronique, il faut prendre soin de [TRADUCTION] « choisir une mĂ©thode qui garantit la fiabilitĂ©, la lisibilitĂ© et l'accessibilitĂ© de l'information pendant la pĂ©riode de conservation applicable ». De plus, il faut prendre des prĂ©cautions pour assurer la sĂ©curitĂ© des renseignements confidentiels, pour en restreindre strictement l'accĂšs et pour minimiser l'effet des interruptions de la pratique et de la dĂ©suĂ©tude technologique.

L'évolution de la technologie, du droit et de la réglementation appuie l'utilisation du chiffrement pour protéger toute l'information confidentielle. Les rÚgles de droit fédérales, provinciales et internationales concernant la sécurité des données et la vie privée peuvent aussi prescrire des étapes particuliÚres afin de protéger le matériel confidentiel.

L'« infonuagique » remplaçant le stockage matĂ©riel sur les lieux et hors des lieux des donnĂ©es informatiques, la situation devient plus complexe. De nombreux tiers fournisseurs sont situĂ©s Ă  l'extĂ©rieur du Canada, dans des pays oĂč le respect pour le secret professionnel et la confidentialitĂ© des dossiers n'est pas nĂ©cessairement le mĂȘme qu'au Canada.95

Il existe beaucoup trop de variables pour nous permettre d'offrir des indications précises sur la protection du secret professionnel en cas d'impartition de la tenue des dossiers. Tenez compte des questions suivantes lorsque vous vous efforcez de faire en sorte que le secret professionnel soit préservé :

  • Quels sont les risques de divulgation par inadvertance ou d'interception affĂ©rent Ă  une technologie de l'information donnĂ©e?
  • Quels sont les risques associĂ©s Ă  la sĂ©lection d'un tiers fournisseur donnĂ©? Le maintien de l'accĂšs, la compatibilitĂ© technologique, la sĂ©curitĂ© et le chiffrement (dans les cas qui s'y prĂȘtent ou si nĂ©cessaire) peuvent-ils ĂȘtre garantis?
  • Quelles questions font naĂźtre les diffĂ©rentes lois ou les diffĂ©rents rĂ©gimes dans le pays oĂč se situe le tiers fournisseur?

Notes de fin

  1. Lignes directrices pour un exercice du droit conforme à la déontologie dans le cadre des nouvelles technologies de l'information, (septembre 2008).
  2. « Using Technology in Your Practice », Barreau du Haut-Canada, 6 juillet 2012.
  3. Le « Report of the Cloud Computing Working Group » au Barreau de la Colombie-Britannique constitue une ressource utile sur ces questions.
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GĂ©nĂ©ralement, les communications entre un expert et l'avocat mandant de mĂȘme que les notes de travail initiales de l'expert seront protĂ©gĂ©es par le secret professionnel lorsque ces notes sont consignĂ©es principalement en vue d'un litige . Toutefois, dans Kennedy c. McKenzie,97 la Cour supĂ©rieure de l'Ontario a conclu qu'une partie faisant valoir un privilĂšge relatif au litige doit Ă©tablir que les documents ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©s Ă  l'une des fins suivantes :

  • principalement en vue d'un litige actuel, envisagĂ© ou prĂ©vu;
  • en rĂ©ponse Ă  des demandes de renseignements de la part du mandataire de l'avocat de la partie;
  • Ă  la demande ou Ă  la suggestion du conseiller juridique de la partie;
  • pour ĂȘtre remis au conseiller juridique afin d'obtenir des conseils;
  • pour permettre au conseiller juridique d'intenter une action ou d'assurer une dĂ©fense Ă  une action ou de prĂ©parer un mĂ©moire.

Il est donc important de veiller Ă  ce que les instructions donnĂ©es Ă  l'expert proviennent directement du conseiller juridique. Il pourrait ĂȘtre indiquĂ© de retenir les services d'un conseiller juridique externe chargĂ© expressĂ©ment de donner des indications et des directives Ă  l'expert en vue du litige.

Il faut aussi dĂ©terminer si on prĂ©voit que le rapport d'expert sera utilisĂ© en preuve au procĂšs. On se trompe si on prĂ©sume que les versions prĂ©liminaires du rapport de l'expert et les renseignements provenant du conseiller juridique seront protĂ©gĂ©s contre la divulgation par le privilĂšge relatif au litige ou par le secret professionnel entre avocat et client lorsqu'on invoque le rapport final de l'expert au procĂšs et que l'expert est entendu comme tĂ©moin.98 Selon l'Ă©volution jurisprudentielle, la dĂ©marche la plus prudente consiste Ă  prĂ©sumer que toutes les communications avec les experts seront divulguĂ©es (essentiellement, si ce n'est pas les documents eux-mĂȘmes) si l'expert tĂ©moigne. C'est particuliĂšrement vrai lorsqu'une exception prĂ©vue par la loi permet la divulgation des renseignements dont l'expert a tenu compte pour se former une opinion finale.99

En Ontario, par exemple, la rĂšgle 31.06(3) des RĂšgles de procĂ©dure civile exige qu'Ă  moins que i) le matĂ©riel ait Ă©tĂ© prĂ©parĂ© uniquement en prĂ©vision d'une poursuite envisagĂ©e ou en cours et que ii) la partie interrogĂ©e s'engage Ă  ne pas appeler l'expert Ă  tĂ©moigner au procĂšs, « une partie qui interroge au prĂ©alable peut obtenir la divulgation de l'opinion et des conclusions de l'expert engagĂ© par la partie interrogĂ©e, ou en son nom, qui sont pertinentes Ă  l'Ă©gard d'une question en litige dans l'action ainsi que de ses nom et adresse ».100 Le dĂ©bat n'est pas tranchĂ© sur ce que constitue exactement « l'opinion et les conclusions » de l'expert et sur la mesure dans laquelle la production d'un rapport d'expert entraĂźnera la production d'autres documents.101 Mais dans une dĂ©cision rendue en 2006, la Cour d'appel de l'Ontario a conclu que les obligations de production prĂ©vues par la rĂšgle 31.06(3) s'appliquent Ă  toute l'information que l'expert examine pour se former son opinion finale.102

Les genres suivants de documents ont été jugés assujettis aux obligations de divulgation prévues par la rÚgle en Ontario :

  • les renseignements factuels et les donnĂ©es sur lesquels se fonde l'expert (comme les calculs, les notes prises sur les lieux ou les renseignements obtenus lors d'entrevues)
  • les renseignements communiquĂ©s par le conseiller juridique Ă  l'expert et sur lequel l'expert se fonde dans la prĂ©paration du rapport
  • les versions prĂ©liminaires
  • le rapport d'un autre auteur que l'expert utilise et prend en considĂ©ration dans l'affaire.103

Les décisions visent à assurer la divulgation appropriée de tous les faits pertinents pour la formulation de l'opinion de l'expert.

Se reporter Ă  Liste de vĂ©rification pour les conseillers juridiques d'entreprises : StratĂ©gies de prĂ©servation du secret professionnel entre avocat et client.

Notes de fin

  1. Chernetz c. Eagle Copters Ltd., 2005 ABQB 712, 385 A.R. 238, 28 C.P.C. (6th) 175 (C.B.R.A.); voir aussi General Accident c. Chrusz, 1999 CanLII 7320 (CA ON); 45 O.R. (3d) 321 (C.A.).
  2. Kennedy c. McKenzie, [2005] O.J. No 2060 (C.S.), au par. 20, cité avec approbation dans R. c. Dunn, 2012 ONSC 2748 (CanLII).
  3. Voir Lana Finney et Sarah Robicheau, « The Broadening Disclosure Obligations for Expert Witnesses », 22(1) Environews [Association du Barreau de l’Ontario – Section du droit de l’environnement] mars 2012; voir aussi Paul D. Paton, « Waiver of Privilege and Preliminary Drafts of Expert Reports », 3(2) Commercial Litigation 130 (1996); William G. Horton et Michael Mercer, « Expert Witness Evidence in Civil Cases », 29 Advocates Quarterly 153 (2004) [Ă©dition rĂ©visĂ©e en juillet 2007].
  4. Conceicao Farms Inc. c. Zeneca Corp., (2006) 82 O.R. (3d) 229, 2006 CanLII 25345 (.C.A.), aux par. 37 Ă  43, infirmĂ© pour d’autres motifs dans Conceicao Farms Inc. c. Zeneca Corp., (2006) 83 O.R. (3d) 792, 2006 CanLII 31976 (C.A.).
  5. RÚgles de procédure civile, RÚgle 31.06(3), R.R.O. 1990 (prises en application de la Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990, c. C4).
  6. Horton et Mercer, prĂ©citĂ©, note 98, Ă  la p. 14 : [TRADUCTION] « Il est important de souligner que la rĂšgle 31.06 s’applique seulement pour empĂȘcher la divulgation des "connaissances, opinions et croyances" d’une partie qui constituent des " opinions et conclusions" de l’expert. Les autres "connaissances, opinions et croyances" d’une partie seront, sous rĂ©serve des RĂšgles, susceptibles d’examen prĂ©alable. »
  7. Conceicao Farms Inc., précité, note 99.
  8. Finney et Robicheau, précité, note 98, à la p. 2.