IntĂ©rĂȘt commun - Contexte d'un litige : Habituellement, lorsqu'un avocat divulgue avec l'autorisation du client des renseignements privilĂ©giĂ©s Ă des tiers, la protection du secret professionnel est considĂ©rĂ©e comme ayant fait l'objet d'une renonciation. Cependant, si les parties ont un intĂ©rĂȘt commun tel qu'il leur serait avantageux d'Ă©changer des renseignements privilĂ©giĂ©s, il n'y a pas de prĂ©somption de renonciation.
Au Canada, tous les renseignements privilĂ©giĂ©s entre des parties qui ont un « intĂ©rĂȘt commun » continuent d'ĂȘtre protĂ©gĂ©s par le secret professionnel entre avocat et client.
Le principe gĂ©nĂ©ral a Ă©tĂ© dĂ©crit pour la premiĂšre fois dans l'arrĂȘt Buttes Gas & Oil c. Hammer (no. 3) .8 Dans cette affaire, Lord Denning a estimĂ© qu'il serait avantageux pour le systĂšme contradictoire, lorsque les parties visent un rĂ©sultat ou un but commun, mais non identique, qu'elles puissent unifier leur « mĂȘme intĂ©rĂȘt ».
Lorsqu'un tiers a un intĂ©rĂȘt commun Ă l'Ă©gard de l'objet d'une communication privilĂ©giĂ©e entre une partie et l'avocat de cette partie, la communication peut ĂȘtre communiquĂ©e au tiers sans risque de renonciation au privilĂšge. Pour qu'un tiers ayant un intĂ©rĂȘt commun soit reconnu Ă ce titre, il n'a pas Ă faire la preuve d'une relation d'un type particulier pourvu que la relation ait Ă©tĂ© crĂ©Ă©e par un intĂ©rĂȘt commun9 : [TRADUCTION] « les tribunaux devraient, dans le contexte de l'enquĂȘte prĂ©alable, considĂ©rer tous les intĂ©ressĂ©s comme s'ils Ă©taient des associĂ©s d'un mĂȘme cabinet ou des services d'une mĂȘme sociĂ©tĂ©. Chacun peut se prĂ©valoir du privilĂšge aux fins d'un litige » .10
IntĂ©rĂȘt commun - Contexte commercial : Initialement, l'application du secret professionnel entre avocat et client aux parties ayant un « intĂ©rĂȘt commun » avait lieu seulement dans le contexte d'un litige. Il a depuis Ă©tĂ© Ă©tendu au Canada de maniĂšre Ă s'appliquer Ă certaines opĂ©rations commerciales [TRADUCTION] « au sein du groupe de sociĂ©tĂ©s » .11 La logique sous-tendant [TRADUCTION] l'« exception fondĂ©e sur un intĂ©rĂȘt commun » dans un litige concerne la promotion du bon fonctionnement du systĂšme contradictoire. Dans le contexte d'opĂ©rations commerciales, le fondement philosophique est diffĂ©rent : l'intĂ©rĂȘt commun des parties Ă la rĂ©alisation efficace d'une opĂ©ration financiĂšre est reconnu comme constituant un avantage pour elles ainsi que pour l'Ă©conomie et la sociĂ©tĂ© dans son ensemble.
La simple existence d'une opĂ©ration commerciale ne suffit toutefois pas Ă mettre Ă l'abri toutes les communications entre client et avocat. Dans certains cas, les circonstances indiquent qu'il y a effectivement eu perte du secret professionnel ou renonciation Ă celui ci. Par exemple, dans une fusion ou autre opĂ©ration commerciale oĂč il y a une opposition manifeste entre les intĂ©rĂȘts des parties, on ne peut guĂšre justifier un Ă©change d'information au nom d'un intĂ©rĂȘt commun supĂ©rieur. Par ailleurs, les tribunaux ont conclu que dans de nombreuses opĂ©rations commerciales, les parties veulent nĂ©gocier Ă la lumiĂšre d'une comprĂ©hension commune de la position juridique de chacun et que l'attente, explicite ou implicite, veut que les opinions contribuent Ă la rĂ©alisation de l'opĂ©ration et, en ce sens, bĂ©nĂ©ficient Ă toutes les parties.12
Pour que l'« exception fondĂ©e sur un intĂ©rĂȘt commun soit d'application et Ă©tende Ă un tiers le privilĂšge du secret professionnel, l'intention des parties Ă©changeant de l'information doit ĂȘtre manifestement volontaire, et l'Ă©change doit se faire dans l'optique d'un avantage commun » .13
Une entente signĂ©e entre les parties et Ă©nonçant leur intĂ©rĂȘt commercial commun et leur intention de protĂ©ger leurs communications privilĂ©giĂ©es qu'elles partagent pourrait servir Ă procurer une preuve importante de ces intentions.
L'exception du « privilĂšge de l'"intĂ©rĂȘt commun" » est-elle la mĂȘme aux Ătats Unis qu'au Canada? : Aux Ătats Unis, l'« exception de l'intĂ©rĂȘt commun » au secret professionnel entre avocat et client s'applique seulement dans les cas de litige. Dans la dĂ©cision rendue par la Cour d'appel du troisiĂšme circuit dans l'affaire In re Teleglobe Communications Corp.14, la cour a conclu que le privilĂšge de l'intĂ©rĂȘt commun s'applique [TRADUCTION] « lorsque des clients ayant des avocats distincts partagent des renseignements par ailleurs privilĂ©giĂ©s afin de coordonner leurs activitĂ©s juridiques » dans le contexte d'un litige.15 Cela est conforme Ă l'alinĂ©a 502(b)(3) de la Uniform Rule of Evidence des Ătats Unis, qui nĂ©cessite une action en cours avant qu'on puisse faire valoir la dĂ©fense de l'intĂ©rĂȘt commun contre la renonciation au privilĂšge.16
Comme on l'a vu prĂ©cĂ©demment, les tribunaux canadiens ont appliquĂ© l'« exception de l'intĂ©rĂȘt commun » Ă certaines opĂ©rations commerciales. Un tribunal canadien Ă©tait prĂȘt Ă appliquer le privilĂšge de l'intĂ©rĂȘt commun dans le contexte d'une opĂ©ration commerciale transfrontaliĂšre. Dans la dĂ©cision rendue en 2002 par la Cour suprĂȘme de la Colombie Britannique, Fraser Milner Casgrain LLP c. Minister of National Revenue17 la cour a appliquĂ© l'exception de l'intĂ©rĂȘt commun aux communications entre les parties au Canada et aux Ătats Unis, expliquant que [TRADUCTION] « c'est l'intĂ©rĂȘt commun des parties dans la rĂ©alisation de l'opĂ©ration qui constitue l'Ă©lĂ©ment qui donne naissance au privilĂšge. La prĂ©servation de la confidentialitĂ© en constitue la justification » .18 La nature transfrontaliĂšre de ces communications n'a pas eu d'effet sur la dĂ©cision de la cour.
Le « mandat conjoint » : Le privilĂšge conjoint est reconnu au Canada et aux Ătats Unis et fait rĂ©fĂ©rence au cas oĂč un avocat reprĂ©sente plusieurs clients dans une affaire
Dans la rĂ©alisation d'opĂ©rations transfrontaliĂšres, il faudrait clairement indiquer les communications privilĂ©giĂ©es et celles ci ne devraient ĂȘtre transmises que par l'intermĂ©diaire d'un avocat dont les services ont Ă©tĂ© retenus conjointement par les parties afin d'obtenir la protection du « privilĂšge conjoint ».
La divulgation qui ne s'inscrit pas dans un mandat conjoint constitue une renonciation au secret professionnel entre avocat et client aux Ătats Unis, de sorte qu'il faut prendre soin de transmettre les communications par des voies protĂ©gĂ©es.
Notes de fin