La Charte et la protection constitutionnelle des enfants au Canada
Les droits confĂ©rĂ©s Ă l’enfant par la Charte constituent le fondement de la mise en Ĺ“uvre de la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies (« la Convention ») en droit canadien parce que :
- les tribunaux peuvent utiliser la Charte comme outil d’interprĂ©tation pour l’application de la Convention;
- la Charte assure au moins autant de protection que les droits conférés par les traités internationaux que le Canada a ratifiés, telle la Convention;
- la Convention Ă©tablit le contexte dans lequel soupeser toute justification proposĂ©e pour les droits confĂ©rĂ©s par la Charte Ă l’enfant en vertu de l’article 1, car elle constitue une base pour l’examen de ce qui est acceptable au Canada et dans d’autres sociĂ©tĂ©s dĂ©mocratiques dans le monde;
- bon nombre des droits énoncés dans la Convention sont inclus dans la Charte.
Droit international
Bon nombre des droits fondamentaux Ă©noncĂ©s dans la Convention sont expressĂ©ment garantis dans la Charte; par exemple, l’article 2 de la Convention, qui protège les enfants contre la discrimination, est analogue Ă l’article 15 de la Charte. D’autres droits ne sont pas expressĂ©ment confĂ©rĂ©s, mais entrent dans le cadre des dispositions de la Charte, par exemple la prise en compte des opinions et des dĂ©sirs de l’enfant en vertu de l’article 12 de la Convention, dont il a Ă©tĂ© conclu qu’elle faisait partie des voies de droit rĂ©gulières au titre des principes de justice fondamentale en vertu de l’article 7 de la Charte.
Le principe de l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant est plus complexe, du fait que la Cour suprĂŞme du Canada a Ă©tabli, dans Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur gĂ©nĂ©ral) (au par. 7), que ce principe n’est pas un principe de justice fondamentale en vertu de l’article 7 de la Charte. Toutefois, c’est un principe qui a Ă©tĂ© confirmĂ© comme n’Ă©tant pas constitutionnellement vague dans le cadre des procĂ©dures de droit de la famille et il a constituĂ© un facteur contextuel de première importance dans l’analyse de l’article 1 de la Charte.
La Cour suprême du Canada a reconnu que la Convention avait été incorporée par renvoi dans le préambule de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Cette loi confère une protection spéciale aux adolescents en ce qui concerne tant leurs droits constitutionnels que leurs droits en vertu des traités.
Pour les correspondances entre les droits garantis par la Charte et par la Convention, voir le tableau consultable ici.
Autres instruments internationaux
Sources d’interprĂ©tation
Droit canadien
Jurisprudence
- Baker c. Canada (Ministre de la CitoyennetĂ© et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S 817, la juge L’Heureux-DubĂ© : « Les droits des enfants, et la considĂ©ration de leurs intĂ©rĂŞts, sont des valeurs d’ordre humanitaire centrales dans la sociĂ©tĂ© canadienne. »
- Kanthasamy c. Canada (CitoyennetĂ© et Immigration), [2015] A.C.S. no 61, 2015 CSC 61, la juge Abella : « Les instruments internationaux portant sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire, y compris la Convention relative aux droits de l’enfant, soulignent Ă©galement l’importance de l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant (R.T. Can. 1992 no 3; Baker, par. 71). En particulier, le par. 3(1) de la Convention consacre la primautĂ© du principe de l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant » […] « Lorsque, comme en l’espèce, la loi exige expressĂ©ment la prise en compte de l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant “directement touchĂ©”, cet intĂ©rĂŞt reprĂ©sente une considĂ©ration singulièrement importante dans l’analyse (A.C., par. 80-81). »
- Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur gĂ©nĂ©ral), [2004] 1 R.C.S. 76, la juge en chef McLachlin : « Bien qu’il constitue un principe juridique important et un Ă©lĂ©ment Ă prendre en considĂ©ration dans de nombreux contextes, l’“intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant” n’est ni primordial ni fondamental dans la notion de justice de notre sociĂ©tĂ© et n’est donc pas un principe de justice fondamentale. »
- R. c. R.C., [2005] 3 R.C.S. 99 : Le juge Fish (au par. 41) note que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents incorpore la Convention par renvoi dans son préambule.
- R. c. D.B., [2008] 2 R.C.S. 3 : L’article 40 de la Convention est invoquĂ© Ă l’appui de la conclusion que la prĂ©somption de culpabilitĂ© morale moins Ă©levĂ©e des adolescents est un principe de justice fondamentale en vertu de l’article 7 de la Charte et que la prĂ©somption d’assujettissement Ă une peine applicable aux adultes viole ce principe. Les Règles de Beijing sont Ă©galement mentionnĂ©es en ce qui concerne les effets nĂ©fastes sur les adolescents de la publication de leur identitĂ©, Ă l’appui du fait que l’inversion du fardeau de la preuve quant Ă cette publication viole Ă©galement l’article 7.
- A.C. c. Manitoba (Directeur des services Ă l’enfant et Ă la famille), [2009] 2 R.C.S. 181 : La juge Abella affirme que la conception du critère de « l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant » est « compatible avec des instruments internationaux dont le Canada est signataire. Selon la [Convention], “l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant” est une considĂ©ration primordiale dans toutes les dĂ©cisions qui concernent les enfants (article 3). Le document instaure ensuite un cadre dans lequel le point de vue de l’enfant sera pris en compte pour l’application du critère de “l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant”, l’importance accordĂ©e Ă son opinion devant augmenter au fur et Ă mesure de sa maturitĂ©. Les articles 5 et 14 de la Convention, par exemple, exigent que les États parties respectent la responsabilitĂ©, le droit et le devoir qu’ont les parents de guider l’enfant dans l’exercice des droits qui lui sont confĂ©rĂ©s par la Convention, “d’une manière qui corresponde au dĂ©veloppement de ses capacitĂ©s”. De mĂŞme, l’article 12 exige que les États parties “garantissent Ă l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intĂ©ressant, les opinions de l’enfant Ă©tant dĂ»ment prises en considĂ©ration eu Ă©gard Ă son âge et Ă son degrĂ© de maturitĂ©”. »
Affaires supplémentaires
Ressources
- Canadian Foundation for Children, Youth and the Law v. Canada (Procureur général), 2004 SCC 4, 1 SCR 76, 16 CR (6th) 203, en ligne.
- Reference re: s. 293 of the Criminal Code of Canada, 2011 BCSC 1588 (Closing Submissions of the Canadian Coalition for the Rights of Children and the David Asper Centre for Constitutional Rights) en ligne.
- Kanthasamy v. Canada (Citizenship and Immigration), 2015 SCC 61 (Factum of the Intervener Justice for Children and Youth) (Factum of the Intervener, Justice for Children and Youth) en ligne.
- A.M.R.I. v. K.E.R., 2011 ONCA 417, 106 OR (3d) 1. (Factum of the Office of the Children’s Lawyer).
- A.M.R.I. v. K.E.R., 2011 ONCA 417, 106 OR (3d) 1, en ligne.
- Suzanne Williams, “Legal Hooks and Springboards to Advance Children’s Access to Justice” (2015).