Certains cabinets juridiques sont des entreprises familiales, les juristes, leurs conjoints, leurs enfants et les autres membres de la famille assumant un rĂ´le essentiel au sein du cabinet.
Cet arrangement convient Ă certaines familles, mais les juristes et les experts avertissent que ce n’est pas toujours le cas.
« Dans certaines familles, les divers membres adorent ĂŞtre toujours ensemble et peuvent donc collaborer sans problème », affirme Doron Gold, un psychothĂ©rapeute de Toronto qui exerçait auparavant le droit. « Cela dĂ©pend toutefois largement de la qualitĂ© de la relation. »
Selon M. Gold, travailler ensemble ne convient qu’aux membres d’une mĂŞme famille qui « peuvent sans problème se cĂ´toyer toute la journĂ©e ».
Bradley Smith, qui travaille avec sa conjointe, Jurga Smith, dans le cabinet Wingham Law Corporation Ă Vanderhoof (C.-B.), est tout Ă fait d’accord.
Il dit ne pas ĂŞtre certain qu’il recommanderait cet arrangement professionnel Ă d’autres juristes dans des petits cabinets.
« Un tel arrangement ne conviendra pas nĂ©cessairement Ă tous les couples modernes. C’est probablement une question de personnalitĂ© plutĂ´t que de compĂ©tences techniques complĂ©mentaires », affirme Bradley Smith, qui ajoute que la stabilitĂ© de la relation est un autre facteur Ă ne pas oublier.
Jurga Smith, commis comptable et gestionnaire de bureau pour son conjoint, se fait l’Ă©cho de ces commentaires : « je ne recommanderais cette solution que dans le cas de couples solides, engagĂ©s et ayant fait leurs preuves ».
Si les conjoints souhaitent travailler ensemble, elle leur recommande de travailler Ă temps partiel au dĂ©but. « Il faudrait peut-ĂŞtre commencer par la tenue des registres comptables, pour voir si l’arrangement est viable. »
M. Gold recommande aux couples qui travaillent ensemble de veiller Ă fixer des limites.
« Lors de transactions professionnelles, les partenaires doivent axer leur attention sur l’opĂ©ration et ne pas laisser leur relation personnelle interfĂ©rer avec les affaires », dit-il. « Les conjoints doivent savoir et reconnaĂ®tre qu’ĂŞtre mari et femme Ă la maison, mais collègues au travail, relèvent de deux rĂ´les totalement diffĂ©rents. »
Selon l’expĂ©rience de Bradley Smith, la dynamique de la relation change selon que les personnes se trouvent Ă la maison ou au bureau.
« En fin de compte, comme c’est moi l’avocat, je dois souvent prendre la dĂ©cision finale quant Ă certaines questions comme les risques liĂ©s Ă la responsabilitĂ©. Il est naturel pour elle en tant que conjointe non-juriste, de me considĂ©rer comme elle le ferait Ă la maison, soit son mari et non pas un juriste et son employeur », dit-il. « La dĂ©mocratie est un concept qui ne peut pas toujours s’appliquer efficacement dans un petit cabinet juridique. Je pense que ce doit ĂŞtre une leçon difficile Ă apprendre, mais en fait je n’en sais rien, et je ne veux pas en faire l’expĂ©rience. »
Jurga Smith convient qu’il peut ĂŞtre difficile de sĂ©parer la vie au bureau et celle Ă la maison.
« Je me considère comme la personne dominante Ă la maison. Alors au travail, je dois rapidement changer d’attitude », dit-elle.
David E.M. Jenkins, avocat dans le cabinet Heather Sadler Jenkins LLP, dit qu’il adore travailler avec son père, qui y est associĂ© directeur.
Cependant, il recommande aux juristes qui envisagent de travailler avec un membre de leur famille de bien envisager la question des personnalités.
« Si vous avez un proche du genre tyrannique, le travail peut parfois ĂŞtre une Ă©chappatoire Ă votre vie personnelle et Ă ses stress. Si vous travaillez avec cette personne, vous ne pouvez plus laisser cet aspect de votre vie derrière vous », dit-il. « Vous devez vous en rendre compte et tenter, autant que faire se peut, d’Ă©viter de vous retrouver dans cette situation. »
M. Gold convient qu’il importe de savoir qu’il peut exister des conflits de personnalitĂ©s.
« Vous ne voulez pas que cela se traduise par un Ă©chec de votre relation personnelle », dit M. Gold, qui offre ses services sans frais aux juristes, aux parajuristes et aux membres de leurs familles en Ontario par l’entremise du programme d’aide aux membres du Barreau du Haut-Canada.
De mĂŞme, certaines familles ont des inquiĂ©tudes d’ordre financier si les deux conjoints travaillent dans le mĂŞme cabinet juridique, puisque toute la famille dĂ©pend d’une seule et unique source de revenus.
En travaillant avec votre conjoint, vous « mettez tous vos Ĺ“ufs dans le mĂŞme panier », dit Bradley Smith.
Selon Doron Gold, les membres de la famille doivent s’assurer qu’ils ne travaillent pas ensemble par obligation, ou parce qu’ils pensent ne pas avoir d’autre choix.
« Les gens se sentent parfois obligĂ©s de travailler avec leur partenaire », dit-il. « Cependant, si les deux parties acceptent cet arrangement de plein grĂ©, alors, cela pourrait ĂŞtre une relation très productive et très gratifiante. »
Pour Me Jenkins, les avantages qu’il tire du travail avec son père dĂ©passent largement les inconvĂ©nients.
« Le fait de travailler avec mon père Ă©tait, pour moi, un bien meilleur choix que de faire un stage et de travailler avec une personne extĂ©rieure Ă la famille, car en tant que jeune juriste, j’ai eu l’occasion de mieux connaĂ®tre les dossiers et le contexte de l’exercice du droit. Je n’ai jamais eu le sentiment de marcher sur les platebandes d’un avocat chevronnĂ©, comme cela aurait Ă©tĂ© le cas si la personne avec laquelle je travaillais ne faisait pas partie de ma famille », dit-il. « Je pense avoir Ă©tĂ© en mesure d’en apprendre davantage auprès de mon père. Parce que je suis son fils, il Ă©tait prĂŞt Ă m’accorder une plus grande part de son temps. »
Me Jenkins, qui exerce le droit pĂ©nal comme son père, dit qu’il pense que le mentorat de son père a aidĂ© sa carrière.
« En tant que membre de la famille, mon père souhaite vraiment que je rĂ©ussisse, car les parents veulent ce qu’il y a de mieux pour leurs enfants », dit-il. « Il a investi beaucoup plus de temps et d’efforts pour m’aider Ă rĂ©ussir en tant que juriste que ne l’aurait fait un autre avocat pour une personne ne faisant pas partie de sa famille. »
Selon Me Jenkins, « le problème le plus important » auquel il doit faire face est le fait qu’il porte le mĂŞme nom que son père, jusqu’Ă l’initiale de leur deuxième prĂ©nom. La seule façon de les distinguer est le titre c.r. ajoutĂ© après le nom de son père.
« Les gens nous confondent tout le temps et pensent que c’est moi l’avocat qui travaille sur un certain dossier, ou le contraire », dit-il « Cela me prend au moins 10 minutes de mon temps chaque jour. »
Jeune père, il a dĂ©cidĂ© de donner un nom diffĂ©rent Ă son fils pour lui faciliter les choses, s’il dĂ©cide un jour de se joindre au cabinet familial, dit-il en riant. « Mon fils Ă©conomisera beaucoup de temps, qu’il pourra passer Ă faire des choses plus productives. »
Carolynne Burkholder est avocate dans le cabinet Heather Sadler Jenkins LLP Ă Prince George (C.-B.)