Les dettes sont une rĂ©alitĂ© pour les juristes exerçant seuls ou en petits cabinets qui, comme toute entreprise, ont parfois besoin de l’argent d’autrui pour aider Ă acquitter leurs factures. Cependant, un endettement trop profond peut rendre un cabinet insolvable et l’obliger Ă fermer ses portes. Le dĂ©fi se rĂ©sume Ă trouver un juste Ă©quilibre.
Il existe de bonnes raisons, tout à fait défendables, de contracter une dette.
« Ainsi, le fait de s’endetter peut aider un juriste dĂ©butant Ă rembourser ses prĂŞts d’Ă©tudes et Ă ouvrir son cabinet », dĂ©clare Alan Acton. Il est vice-prĂ©sident et gestionnaire de portefeuille chez Polaris Wealth, un cabinet de conseillers financiers d’Ottawa qui se spĂ©cialise dans l’apport d’aide aux juristes. « Franchement, Ă moins que votre famille ne vous donne des fonds, l’endettement est essentiel au bon dĂ©part des nouveaux juristes exerçant seuls ou en petits cabinets. »
L’endettement peut, en outre, les aider Ă financer les acquisitions de matĂ©riel ou les expansions de leurs bureaux, et mĂŞme Ă engager de nouveaux membres du personnel pour servir un important nouveau client qui, au fil du temps, gĂ©nèrera des milliers de dollars en heures facturables, mĂŞme si ce n’est pas le cas dès le dĂ©part. Sans endettement, il pourrait s’avĂ©rer impossible de profiter de telles occasions.
L’endettement revĂŞt toutes sortes de formes, y compris les marges de crĂ©dit, les prĂŞts aux entreprises et aux particuliers, les hypothèques, les accords de dĂ©couvert sur les comptes bancaires et les cartes de crĂ©dit.
Les fournisseurs de matĂ©riel offrent frĂ©quemment des possibilitĂ©s de bail, ce qui permet Ă l’acheteur de payer le prix d’achat directement au fournisseur sur une pĂ©riode donnĂ©e, plutĂ´t que de s’endetter envers un prĂŞteur tiers.
Naturellement, aucune dette n’est gratuite. C’est ce qui fait vivre le prĂŞteur. Les juristes exerçant seuls ou en petit cabinet doivent par consĂ©quent classer les options d’endettement en fonction des intĂ©rĂŞts portĂ©s par chacune. Le but Ă©tant de trouver l’option la moins onĂ©reuse et d’en faire la demande, puis de voir venir. (Les nouveaux juristes pourraient, dans un premier temps, souhaiter solliciter la « Banque Papa-Maman », qui offre gĂ©nĂ©ralement les meilleures conditions de remboursement et les pĂ©nalitĂ©s les moindres.)
« Les marges de crĂ©dit obtenues auprès des banques ou des fiducies reprĂ©sentent souvent le meilleur choix », selon M. Acton. « Elles offrent gĂ©nĂ©ralement les taux d’intĂ©rĂŞt les plus bas, et vous pouvez les rembourser Ă votre rythme, sous rĂ©serve de satisfaire aux paiements minimums mensuels des marges de crĂ©dit. »
Le douteux honneur d’ĂŞtre la pire des options revient aux cartes de crĂ©dit avec leurs taux d’intĂ©rĂŞt Ă deux chiffres et pĂ©nalitĂ©s pour dĂ©passement de la limite. « Vous pouvez compter sur un taux d’intĂ©rĂŞt allant de 20 Ă 30 % si vous utilisez des cartes de crĂ©dit comme moyens de financement », dĂ©clare M. Acton.
Entre ces deux extrĂŞmes, il existe un certain nombre d’options d’endettement, y compris les ententes de crĂ©dit (emprunt Ă terme fixe) qui sont nĂ©gociĂ©es directement avec la banque. Les engagements se rapportant Ă cette option peuvent en constituer le principal inconvĂ©nient : ils peuvent restreindre la marge de manĹ“uvre de l’emprunteur lorsqu’il approche de la limite de son crĂ©dit.
« Dans de telles situations, un engagement peut obliger l’emprunteur Ă rembourser la dette au lieu de payer les partenaires du cabinet ou d’utiliser les revenus pour financer un capital de travail », dĂ©clare Andrew Luetchford, associĂ© spĂ©cialisĂ© en financement d’entreprise chez Deloitte, le cabinet de conseil financier. « Le problème ici, c’est que les engagements peuvent restreindre la libertĂ© d’un cabinet quant Ă ses choix financiers si le prĂŞteur considère que l’emprunteur est trop endettĂ©. »
Et puis, il y a la situation particulière des juristes qui ne sont payĂ©s que s’ils ont gain de cause dans les dossiers qu’ils traitent. Malheureusement, ils doivent acquitter leurs factures en temps opportun comme tout le monde. C’est la raison pour laquelle ils ont recours Ă des sociĂ©tĂ©s telles que BridgePoint Financial Services, qui se dĂ©crit comme « le chef de file canadien pour les prĂŞts de règlement des litiges ».
« Nous fournissons un capital de travail aux juristes qui travaillent Ă titre conditionnel, en fonction de leur charge de travail et des issues probables des affaires », dĂ©clare Stephen Pauwels, cofondateur et directeur de BridgePoint. « Ils mènent leurs affaires selon un modèle financier unique que nous comprenons et dont nous savons comment l’appuyer. »
Les taux d’intĂ©rĂŞt de BridgePoint sont supĂ©rieurs Ă ceux d’une marge de crĂ©dit ou d’un prĂŞt bancaire ordinaire (12 Ă 18 %, selon les rĂ©sultats du cabinet et les dossiers acceptĂ©s Ă titre conditionnel), car le cabinet partage le risque auquel font face quotidiennement les juristes qui travaillent selon ce modèle; un risque que peu de banques sont prĂŞtes Ă assumer.
L’endettement peut Ă©chapper Ă l’emprise des cabinets, mĂŞme les mieux gĂ©rĂ©s. Une affaire cruciale peut mal se terminer, des clients peuvent payer en retard ou changer de cabinet, ou l’Ă©conomie peut s’effondrer entraĂ®nant une grave atteinte aux services facturables : des problèmes de liquiditĂ© apparaissent alors.
La chute est parfois prĂ©cĂ©dĂ©e de signes avant-coureurs. « Si vos prĂŞteurs exigent des intĂ©rĂŞts considĂ©rablement supĂ©rieurs lors de votre prochain prĂŞt, ou exigent votre maison ou votre voiture comme garantie, ou les deux, cela signifie qu’ils commencent Ă s’inquiĂ©ter de votre Ă©tat financier », dĂ©clare M. Acton. « Dans ce cas, vous devriez, vous aussi, vous inquiĂ©ter, et tenter de redresser la situation. »
Si la dette devient trop importante, vous pouvez notamment la rembourser en rĂ©duisant les autres dĂ©penses du cabinet et en la restructurant, avec l’approbation de votre prĂŞteur, afin de la contrĂ´ler. « C’est lĂ que des conseils professionnels prodiguĂ©s par une sociĂ©tĂ© telle que Deloitte peuvent aider », dĂ©clare M. Luetchford. « Nous comprenons les dĂ©fis financiers auxquels font face les juristes exerçant seuls et les petits cabinets. »
Lorsque vous envisagez les coupures Ă faire, tournez-vous vers celles qui porteront le moins atteinte Ă votre capacitĂ© Ă gagner de l’argent. Ainsi, remplacer un bureau Ă plein temps par un bureau louĂ© Ă l’heure (le reste du temps, vous travaillez chez vous) peut rĂ©duire les coĂ»ts tout en vous donnant un lieu propre Ă la rencontre avec vos clients. Dans le mĂŞme ordre d’idĂ©es, il peut ĂŞtre sensĂ© d’engager un adjoint administratif ayant un salaire relativement peu Ă©levĂ© pour assumer les tâches administratives alors que vous augmentez votre revenu en travaillant pour des clients facturĂ©s Ă l’heure.
La morale de cette histoire, s’il y en a une, c’est que l’endettement peut ĂŞtre profitable ou nocif pour toute entreprise. Ce qui fait gĂ©nĂ©ralement la diffĂ©rence, ce n’est pas la dette mĂŞme, mais bien la façon dont votre entreprise la gère.
James Careless contribue frĂ©quemment des articles Ă EnPratique de l’ABC.