Au moyen des modifications législatives récemment adoptées et des modifications réglementaires en rédaction, le Canada se prépare à mettre en œuvre le Traité sur le droit des brevets.
Le TraitĂ© vise Ă harmoniser les procĂ©dures officielles rĂ©gissant les demandes de brevet. Il y a actuellement 36 parties contractantes. Le TraitĂ© est en vigueur au R.-U., en Suisse et en France. L’Organisation europĂ©enne des brevets (OEB) et l’Allemagne n’ont pas encore ratifiĂ© le TraitĂ©, mais la modification apportĂ©e Ă la Convention sur le brevet europĂ©en (CBE 2000) qui est entrĂ©e en vigueur en 2007 a rapprochĂ© l’OEB du TraitĂ©. Le Japon n’est pas partie au TraitĂ©, mais les modifications qui entreront en vigueur en avril en rapprocheront Ă©galement le Japon. Le dernier pays oĂą le TraitĂ© est entrĂ© en vigueur est les Étas-Unis, en dĂ©cembre 2013.
Le gouvernement du Canada a dĂ©posĂ© le TraitĂ© devant le Parlement deux mois plus tard, en janvier 2014, expliquant dans un mĂ©moire que l’harmonisation non seulement rĂ©duirait le fardeau rĂ©glementaire et procĂ©dural, mais amĂ©liorerait la correspondance avec les principaux partenaires commerciaux du Canada. Le gouvernement a ensuite dĂ©posĂ© un projet de loi renfermant des modifications de mise en Ĺ“uvre Ă la Loi sur les brevets, projet de loi qui a Ă©tĂ© adoptĂ© en dĂ©cembre 2014. Certaines des modifications ont trait Ă la date de dĂ©pĂ´t, aux parties manquantes, au rĂ©tablissement de la prioritĂ©, au dĂ©lai de grâce, Ă l’abandon, au rĂ©tablissement de la demande, aux vices de forme et aux tiers. Voici un aperçu de ces modifications.
Date de dĂ©pĂ´t. En vertu des modifications, il n’est plus nĂ©cessaire de payer la taxe rĂ©glementaire pour obtenir une date de dĂ©pĂ´t. Si la taxe rĂ©glementaire n’est pas payĂ©e lors du dĂ©pĂ´t, le Commissaire aux brevets doit envoyer au demandeur un avis indiquant l’absence de paiement et exigeant le paiement de la taxe rĂ©glementaire et de la surtaxe rĂ©glementaire au plus tard Ă la date rĂ©glementaire. Voir le paragraphe modifiĂ© 27(7).
Parties manquantes. Un demandeur peut soumettre une partie du mĂ©moire descriptif ou du dessin qui Ă©tait manquant au dĂ©pĂ´t tout en conservant la date de dĂ©pĂ´t attribuĂ©e. Les Ă©lĂ©ments ou le dessin ajoutĂ© doivent ĂŞtre « entièrement compris » dans la demande de prioritĂ© et doivent ĂŞtre ajoutĂ©s dans un dĂ©lai rĂ©glementaire non supĂ©rieur Ă six mois de la date de dĂ©pĂ´t. L’ajout permet au demandeur de complĂ©ter la demande sans perdre la date de prioritĂ© pour le point appuyĂ© seulement par la partie manquante. Voir le nouvel article 28.01.
RĂ©tablissement de la prioritĂ©. Les modifications permettent d’Ă©viter la perte non intentionnelle de droits de prioritĂ©. Lorsque le demandeur fait dĂ©faut de dĂ©poser une demande dans les 12 mois de sa date de prioritĂ©, il disposera d’un dĂ©lai additionnel de deux mois si l’omission n’Ă©tait pas intentionnelle. Voir le nouveau paragraphe 28.4(6).
Délai de grâce. Le délai de grâce pourra remonter à un an avant la date de priorité. Ce changement harmonise le délai de grâce prévu au Canada avec ceux que prévoient plusieurs autres pays, notamment les Étas-Unis (pour les demandes postérieures à la America Invents Act). Le délai de grâce est des plus utiles pour les institutions de recherche, les PME et les inventeurs qui sont des personnes physiques, selon plusieurs pays recensés dans un rapport de 2013. Voir les alinéas modifiés 28.2(1)a) et 28.3a).
Abandon. Les modifications permettent d’Ă©viter l’abandon pour cause de non-paiement de certaines taxes en introduisant des avis avant abandon et en prolongeant les dĂ©lais. Une demande ne sera pas considĂ©rĂ©e abandonnĂ©e pour dĂ©faut de payer une taxe pour le maintien en Ă©tat au plus tard Ă la date rĂ©glementaire sans que le demandeur ne soit d’abord informĂ© par le Commissaire et ne bĂ©nĂ©ficie d’un dĂ©lai supplĂ©mentaire pour payer, assorti d’une surtaxe rĂ©glementaire, Ă savoir dans les six mois suivant la date rĂ©glementaire ou deux mois suivant l’avis, selon la date la plus tardive. Lorsque le demandeur omettra de solliciter un examen et de payer la taxe requise, le Commissaire devra de mĂŞme lui transmettre un avis avant l’abandon, mais la prolongation prĂ©vue est de deux mois suivant l’avis. Toutefois, l’omission de rĂ©pondre Ă une mesure de l’Office continuera d’entraĂ®ner l’abandon sans prĂ©avis. Voir les alinĂ©as modifiĂ©s 73(1)c), d) et a).
RĂ©tablissement de la demande. Afin de rĂ©duire le nombre de tentatives de prolonger indĂ»ment l’incertitude liĂ©e Ă l’abandon, selon l’Office de la propriĂ©tĂ© intellectuelle du Canada (OPIC), des exigences additionnelles s’appliqueront au rĂ©tablissement de la demande dans certaines circonstances. Pour faire rĂ©tablir la demande, le demandeur devra expliquer les raisons pour lesquelles il a omis de prendre les mesures qui s’imposaient pour Ă©viter l’abandon et le Commissaire devra dĂ©terminer si l’omission a eu lieu malgrĂ© la diligence requise. Le gouverneur en conseil aura le pouvoir de rĂ©glementation Ă l’Ă©gard des circonstances dans lesquelles des raisons et la diligence requise ne seront pas nĂ©cessaires. Il reste Ă savoir comment cela influencera la capacitĂ© actuelle d’abandonner une demande après l’autorisation de rĂ©ouverture d’une poursuite, par exemple pour ajouter des Ă©lĂ©ments au rĂ©tablissement. Toutefois, l’OPIC a indiquĂ©, Ă titre d’exemple du mode d’application des dispositions rĂ©glementaires, que les demandeurs sollicitant le rĂ©tablissement après une pĂ©riode prescrite par les Règles sur les brevets devraient remplir les exigences relatives aux raisons et Ă la diligence requise. Par consĂ©quent, il sera peut-ĂŞtre possible de rouvrir une poursuite tout en Ă©vitant les exigences des raisons et de la diligence requise en abandonnant la demande susmentionnĂ©e pour ensuite faire rĂ©tablir la demande avant la fin du dĂ©lai rĂ©glementaire. Voir le nouveau sous-alinĂ©a 73(3)a)(ii) et les nouveaux alinĂ©as 73(3)b)) et 12 j.76).
Vice de forme. Les modifications permettent d’Ă©viter la rĂ©vocation d’un brevet en raison d’un vice de forme pendant l’Ă©tape de la demande. Un brevet ne peut pas ĂŞtre dĂ©clarĂ© invalide du seul fait qu’il a Ă©tĂ© accordĂ© au titre d’une demande qui a Ă©tĂ© abandonnĂ©e, mais qui n’a pas Ă©tĂ© rĂ©tablie. Il y a exception lorsque l’exposĂ© des raisons comprend une allĂ©gation importante non conforme Ă la vĂ©ritĂ© ou que la diligence requise n’a pas Ă©tĂ© exercĂ©e. Voir le nouvel article 73.1.
Tiers. Pour attĂ©nuer l’effet de pĂ©riodes potentiellement plus longues d’incertitude du marchĂ© et dĂ©courager le comportement non concurrentiel, selon l’OPIC, une dĂ©fense de bonne foi opposable Ă une action en contrefaçon est prĂ©vue. Il ne pourra pas ĂŞtre intentĂ© d’action en contrefaçon contre une personne Ă l’Ă©gard d’un acte, qui constituerait par ailleurs un acte de contrefaçon, qu’elle a commis de bonne foi pendant une pĂ©riode prĂ©vue par règlement. Voir le nouvel article 55.11.
Les modifications Ă la Loi sur les brevets entrent en vigueur Ă la date fixĂ©e par dĂ©cret du gouverneur en conseil. Selon l’OPIC, cette date devrait tomber en hiver ou au dĂ©but de 2016 et sera Ă©tablie une fois que la modification pertinente aux Règles sur les brevets sera prĂŞte.
Le Canada se trouve Ă mi-chemin dans la mise en Ĺ“uvre du TDB. Les modifications relatives Ă la pratique d’abandon et de rĂ©tablissement d’une demande, qui introduisent une variĂ©tĂ© de dĂ©lais de prolongement et imposent des exigences plus lourdes, font ressortir la nĂ©cessitĂ© de faire preuve de prudence et d’en limiter l’utilisation. Les modifications offrent cependant des assouplissements heureux en ce qui concerne les parties manquantes et le rĂ©tablissement de la prioritĂ©.
Jean-Charles Grégoire est avocat auprès de Marks & Clerk Canada.