Kathy Geiger affirme que vendre une pratique juridique ressemble beaucoup Ă jouer le rĂ´le d’entremetteur.
« Il ne s’agit pas seulement d’une transaction commerciale », dĂ©clare Mme Geiger, qui a exercĂ© le droit pendant 15 ans avant de se spĂ©cialiser dans la vente de pratiques juridiques. « Il doit vraiment y avoir une Ă©tincelle entre l’acheteur et le vendeur ».
Après sept ans dans ce qu’elle qualifie de crĂ©neau auparavant inoccupĂ©, Mme Geiger, âgĂ©e de 53 ans, a maintenant des clients un peu partout au Canada et a certains conseils Ă l’intention des avocats qui veulent vendre.
« L’une des choses les plus importantes consiste Ă tenter d’Ă©valuer une pratique juridique et Ă comprendre ce qui rend une pratique viable, et viable aux fins de transfert Ă un nouvel avocat ». Elle souligne que son exercice antĂ©rieur de la profession lui permet d’avoir sa propre opinion Ă ce sujet. « Mais j’ai aussi effectuĂ© beaucoup de recherches quant aux diffĂ©rents facteurs qui touchent la viabilitĂ©. Donc, j’effectue des Ă©valuations pour mes clients dans le cadre du processus. »
Après avoir Ă©tabli le bĂ©nĂ©fice net, il faut soupeser des facteurs comme l’endroit et le type de pratique. Par exemple, les pratiques en droit criminel peuvent ĂŞtre difficiles Ă vendre, puisque dans ce domaine, les accusĂ©s sont plus susceptibles de nouer des liens avec un avocat donnĂ© qu’avec un cabinet.
« Par contre, si un avocat exerce en droit testamentaire et successoral ou en droit des sociĂ©tĂ©s et en droit immobilier et qu’il s’adjoint les services d’une personne qu’il peut recommander, il a de bien meilleures chances de conserver beaucoup de clients. »
Ensuite, il vous faut un bon plan de transition puisque si le transfert est mal fait, la pratique peut perdre sa valeur – c’est-Ă -dire que les clients partiront, dĂ©clare Mme Geiger.
Fait partie d’une bonne transition la prĂ©sence du vendeur pendant un certain temps, selon elle.
« Si un avocat veut quitter la pratique plus tĂ´t que ce que j’estime indiquĂ©, je lui dis de conserver son assurance pendant un an et de garder son nom sur le papier Ă lettre du cabinet comme avocat », dĂ©clare Mme Geiger. « Vous exercez toujours la profession, vous payez toujours vos primes d’assurance et vous ĂŞtes disponible si un client a un problème et veut que son ancien avocat s’en mĂŞle. Il ne s’agit pas simplement de dire « voici le dossier ». »
L’avocate d’Ottawa Leslie Kirk estime qu’elle a connu le scĂ©nario parfait lorsqu’elle envisageait l’achat d’une pratique.
« Je connaissais (le vendeur) depuis des annĂ©es et j’avais travaillĂ© dans son bureau comme adjointe juridique pendant l’Ă©tĂ© », dĂ©clare-t-elle. « Donc, je connaissais la pratique, je le connaissais, il Ă©tait plus âgĂ© et cherchait Ă Ă©tablir un plan de relève. Selon le projet, je commencerais Ă travailler Ă ses cĂ´tĂ©s et, après quelques annĂ©es, je dĂ©ciderais si je voulais continuer d’exercer cette profession pendant le reste de ma vie. »
Après environ un an et demi, Mme Kirk a commencĂ© Ă verser des dĂ©pĂ´ts en vue de l’achat de la pratique. Elle a obtenu un financement en bonne et due forme et a fait rĂ©aliser une Ă©valuation d’entreprise par un comptable. Elle a aussi constituĂ© une sociĂ©tĂ© par actions en raison de « l’excellent avantage fiscal » que cela procure.
Même si elle connaissait le cabinet et la clientèle, elle a néanmoins fait en sorte que le vendeur demeure en place pendant quatre ans.
« J’en ai appris beaucoup plus Ă ses cĂ´tĂ©s, en l’Ă©coutant parler au tĂ©lĂ©phone avec les clients et rĂ©gler les problèmes. Il a pu m’aider et me refiler des conseils », dĂ©clare-t-elle.
La durĂ©e de la prĂ©sence du vendeur relève des prĂ©fĂ©rences personnelles et diffère selon les avocats en cause. Mais, d’après Mme Geiger, il faut savoir quand c’est le temps de partir.
« Ă€ un certain moment, l’avocat acheteur veut avoir le contrĂ´le et dĂ©sire que le vendeur passe Ă autre chose. Je pense qu’une annĂ©e ou deux est une bonne chose. Si c’est plus long que cela, il faut que les deux parties le veuillent vraiment. Pour un avocat peu expĂ©rimentĂ© qui veut ĂŞtre guidĂ© par un avocat chevronnĂ©, il pourrait s’agir d’une très bonne entente. Mais si vous ĂŞtes un avocat plus expĂ©rimentĂ©, vous ne voulez probablement pas que l’autre avocat vous dise quoi faire pendant trop longtemps. »
Ce ne sont pas seulement les clients qui quitteront si la transition est mal faite, affirme Mme Geiger.
« Si vous ne prenez pas les mesures nĂ©cessaires pour rassurer vos employĂ©s au sujet de leur emploi et leur assurer que les choses continueront comme avant, les employĂ©s pourraient aussi quitter. Vous avez besoin d’un vrai bon appui pour exploiter une bonne pratique. »
Mme Geiger avertit Ă©galement ses clients qu’ils doivent s’attendre Ă ce que le nouveau propriĂ©taire dĂ©sire conserver le nom du cabinet afin de profiter de sa rĂ©putation.
« Vous jugerez peut-ĂŞtre bon d’ajouter le nom de l’acheteur; il s’agit d’une question de nĂ©gociation. Mais je pense que si vous exploitez votre pratique sous le nom de Smith & Smith pendant 25 ans et que vous voulez la vendre, vous devez vous attendre Ă ce que le nouvel acheteur conserve le nom puisque les clients reviendront. Si le nom change du jour au lendemain, vous pourriez perdre des clients. »
Mme Geiger affirme qu’il y a actuellement un bon marchĂ© tant pour les acheteurs que pour les vendeurs.
« Les baby-boomers en sont rendus au stade oĂą ils envisagent la retraite ou ont dĂ©passĂ© l’âge de la retraite et rĂ©alisent soudainement qu’ils n’ont aucun plan de relève. En ce qui concerne les avocats moins expĂ©rimentĂ©s, le marchĂ© de l’embauche par les cabinets s’est resserrĂ©, de sorte qu’il a des acheteurs. Et il y a aussi des gens qui veulent se lancer et exploiter leur propre entreprise. »
Leslie Kirk incite fortement les jeunes avocats à rechercher les avocats plus âgés qui prennent leur retraite et qui exercent seuls ou en petits cabinets.
« Ils veulent cesser d’exercer la profession et les jeunes avocats recherchent des postes. En outre, parlez Ă autant de personnes qui ont connu cette expĂ©rience que possible puisque les modalitĂ©s, le financement et la structuration de l’opĂ©ration peuvent ĂŞtre aussi crĂ©atifs que vous le voulez. Le paiement est-il Ă©chelonnĂ©? Le montant total sera-t-il fondĂ© sur la fidĂ©lisation des clients ou s’agit-il seulement d’un chiffre fixe? DiffĂ©rentes choses peuvent ĂŞtes faites. »
Becky Rynor est une journaliste et rédactrice travaillant à Ottawa