Ce n’est pas l’Ă©poque la plus propice pour les jeunes juristes qui cherchent du travail.
« En ce moment, les jeunes juristes inondent un marchĂ© acheteur dans lequel le nombre d’emplois est limitĂ© », dĂ©clare Warren Bongard, prĂ©sident et cofondateur de Zsa Legal Recruitment, Ă Toronto. « Par consĂ©quent, les plus grands cabinets des plus grandes mĂ©tropoles canadiennes peuvent dicter les salaires et les conditions de travail des nouveaux employĂ©s, et ils ne s’en privent pas. »
« Le nombre de jeunes juristes sur le marchĂ© du travail excède largement le nombre de postes », a convenu Preston Parsons, avocat dans le cabinet Overholt Law de Vancouver et prĂ©sident de la Section des jeunes juristes de l’ABC. « La loi de l’offre et de la demande leur est indubitablement contraire. »
Ryan Cooper, de Toronto, le sait très bien car il en a fait l’expĂ©rience. Admis au Barreau en juin 2018, il avait prĂ©vu de travailler dans le cabinet dans lequel il avait fait son stage. Malheureusement, on lui a rĂ©cemment dit que le cabinet ne souhaite pas s’agrandir.
Par consĂ©quent, il tente Ă la dernière minute de trouver un emploi d’avocat salariĂ© Ă Toronto ou Ă Kingston. « HonnĂŞtement, je devrai me contenter de ce qui se prĂ©sentera », a-t-il dit.
Dans un marchĂ© acheteur, il est sans aucun doute difficile pour un jeune juriste de trouver un travail, sans parler d’oser nĂ©gocier sa rĂ©munĂ©ration et ses conditions de travail. Difficile, mais pas impossible.
Voici quelques conseils pour y parvenir.
N’oubliez pas les petits cabinets
Souhaitez-vous avoir votre mot Ă dire quant Ă votre rĂ©munĂ©ration et Ă vos conditions de travail? Alors, n’allez pas briguer un poste dans les grands cabinets bien Ă©tablis des grands centres urbains canadiens. « Ils ne sont prĂŞts Ă discuter ni les rĂ©munĂ©rations, ni les conditions de travail de la première annĂ©e d’un avocat salariĂ© », affirme Warren Bongard. « C’est gĂ©nĂ©ralement applicable que vous soyez n’importe qui. »
Par contre, il peut y avoir des possibilités de négocier avec les cabinets de petite et de moyenne taille.
« Dans les cabinets oĂą un juriste exerce seul et dans les petits cabinets, le nouveau juriste pourrait ĂŞtre en mesure d’entamer des nĂ©gociations sur son salaire et ses conditions de travail, car le cabinet pourrait ne pas avoir de structure prĂ©existante », a dĂ©clarĂ© Zara Suleman, fondatrice du cabinet de Vancouver Nord, Suleman Family Law. « Cela peut crĂ©er une possibilitĂ© de nĂ©gocier pour produire une rĂ©munĂ©ration, des avantages sociaux ou des adaptations hors des sentiers battus, tels que le tĂ©lĂ©travail, des heures de travail flexibles et d'autres avantages permettant d’Ă©quilibrer la vie professionnelle et la vie personnelle. »
Certains cabinets de petite ou moyenne taille peuvent possĂ©der un cadre rĂ©gissant la rĂ©munĂ©ration et les conditions de travail, mais il ne sera jamais aussi rigide que celui des grands cabinets, a-t-elle ajoutĂ©. Bien que ces cabinets puissent ne pas ĂŞtre aussi ouverts Ă la nĂ©gociation que les plus petits, « il peut y avoir des possibilitĂ©s de nĂ©gocier des points liĂ©s aux salaires, bonus et autres formes de rĂ©munĂ©ration et d’avantages sociaux ».
Quant Ă l’argent, certains des plus petits cabinets pourraient ĂŞtre prĂŞts Ă nĂ©gocier le paiement sur la base d’un « salaire exclusivement fondĂ© sur le partage des honoraires ou d’un salaire ordinaire, ou une combinaison des deux », a dĂ©clarĂ© Stuart Rudner, avocat spĂ©cialisĂ© en droit de l’emploi et mĂ©diateur dans le cabinet Rudner Law de Toronto. « Selon le cabinet, il peut y avoir une certaine marge de manĹ“uvre, ainsi qu’au niveau du nombre d’heures facturables et non facturables qu’un nouveau juriste doit s’engager Ă faire. »
Fuyez les grandes métropoles
Tous s’accordent Ă reconnaĂ®tre qu’au Canada les avocats sont très recherchĂ©s dans les petites villes et dans les villages, et plus particulièrement dans les communautĂ©s rurales et Ă©loignĂ©es. Pour les juristes qui ont besoin d’un premier emploi, il pourrait s’avĂ©rer fructueux de s’adresser aux cabinets implantĂ©s dans ces endroits. De façon gĂ©nĂ©rale, les salaires seront infĂ©rieurs dans les petites communautĂ©s canadiennes, mais le coĂ»t de la vie y sera Ă©galement gĂ©nĂ©ralement moindre, sauf dans le Grand Nord. Cependant, puisque le nombre de juristes prĂŞts Ă s’y installer est beaucoup moins important que ceux qui veulent exercer dans les grands centres, ils devraient ĂŞtre en mesure de nĂ©gocier de meilleures conditions de travail et rĂ©munĂ©rations.
« Manifestement, dans les rĂ©gions rurales, les jeunes juristes auront beaucoup plus de chances d’obtenir des conditions de travail plus souples et de meilleures perspectives de carrière », a dĂ©clarĂ© Me Parsons. Sans compter qu’un grand nombre de juristes qui exercent dans des petites villes se dirigent Ă grands pas vers leur retraite. Ainsi, « hors de la vallĂ©e du bas Fraser, l’âge moyen d’un juriste qui exerce en C.-B. est de 55 ou 56 ans », a-t-il dit. « Si un jeune juriste est prĂŞt Ă relever les dĂ©fis de l’exploitation d’un cabinet dans une petite ville, il pourrait obtenir des conditions favorables auprès d’un avocat qui souhaite bientĂ´t prendre sa retraite. »
Le tĂ©lĂ©travail… peut-ĂŞtre pas une si bonne idĂ©e
Nombreux sont les membres de la gĂ©nĂ©ration du millĂ©naire qui s’y connaissent en technologie et sont capables de travailler chez eux. Si les conditions sont favorables, ils pourraient rĂ©ussir Ă obtenir cette concession de la part d’un nouvel employeur.
Mais devraient-ils vraiment la rechercher? Preston Parsons pense que ce n’est pas le cas. « Il peut s’avĂ©rer difficile de tisser des liens avec vos collègues dans un nouveau cabinet si vous travaillez Ă la maison plusieurs jours par semaine », a-t-il dit. MĂŞme avec toutes les meilleures intentions du monde, « il peut ĂŞtre difficile d’apprendre Ă faire confiance Ă quelqu’un de nouveau qui n’est pas souvent au bureau ». Cette absence de confiance pourrait nuire Ă la capacitĂ© d’un jeune juriste Ă gravir les Ă©chelons au sein du cabinet, a-t-il averti.
Ne vous présentez pas les mains vides
L’un des Ă©lĂ©ments qui peuvent donner du poids aux jeunes juristes face Ă un employeur potentiel au moment de l’embauche, c’est d’amener avec eux la possibilitĂ© de nouveaux clients et donc de gains Ă©ventuels pour le cabinet.
« Si un cabinet pense qu’un jeune juriste a un prĂ©cieux rĂ©seau qui gĂ©nĂ©rera de nouveaux clients, ou possède des compĂ©tences spĂ©cialisĂ©es, un statut, des possibilitĂ©s de gain et de solides antĂ©cĂ©dents dans un domaine du droit particulier, cela pourrait donner Ă ce juriste une plus grande marge de manĹ“uvre pour nĂ©gocier », a dit Me Suleman.
Ouvrez votre propre cabinet
Naturellement, le meilleur moyen de façonner l’emploi dont vous rĂŞvez, c’est d’ouvrir votre propre cabinet, car votre seul interlocuteur lors des nĂ©gociations sera… vous-mĂŞme. Exercer par vous-mĂŞme ou ouvrir un petit cabinet avec des collègues sur la mĂŞme longueur d’onde vous permet de dĂ©finir votre rĂ©munĂ©ration, vos conditions de travail et de crĂ©er une culture d’entreprise plus diverse et inclusive.
En revanche, exercer par soi-mĂŞme ne vous garantit pas le salaire prĂ©visible que l’emploi dans un cabinet vous assure et, au moins jusqu’Ă ce que votre cabinet soit bien Ă©tabli, vous devrez consacrer autant de temps Ă trouver des clients qu’Ă travailler sur leurs dossiers.
« J’ai constatĂ© que plus de femmes, de juristes racialisĂ©s, de juristes autochtones et de juristes appartenant Ă la communautĂ© LGBTQ2 ouvrent leur propre cabinet et lancent de nouvelles conversations au sujet de l’exercice du droit au lieu de s’efforcer de se couler dans le moule existant des cabinets juridiques », a dĂ©clarĂ© Me Suleman. « C’est fascinant de voir qu’un plus grand nombre de juristes souhaitent imaginer et crĂ©er quelque chose de diffĂ©rent! »
James Careless rédige fréquemment des articles pour EnPratique de l'ABC.