Vous considérez comme une chance d’entrer dans le palais de justice les bras chargés des dossiers les plus médiatisés du jour. Les médias sont là pour l’affaire la plus en vue du moment… Soudain, l’attention est recentrée sur vous et chacun veut entendre ce que vous avez à dire! Soyez fin prêt, juste au cas, afin de ne pas avoir l’air de tomber des nues.
La formation même des juristes tend à mieux les préparer que le commun des mortels à s’exprimer sur un sujet particulier, surtout devant un juge. Cependant, c’est une tout autre paire de manches que de faire face aux médias.
« Les juristes ont des choses importantes à dire, et ils devraient les dire », affirme Jana Schilder, cofondatrice de l’agence spécialisée d’Oakville (Ontario), The Legal A Team. Cependant, elle ajoute que les relations avec les médias relèvent de compétences uniques en leur genre et que les juristes doivent savoir un certain nombre de choses cruciales au sujet du fonctionnement des médias.
Elle leur recommande d’apprendre comment les journalistes, rédacteurs et producteurs travaillent. Les journalistes sont toujours « à la recherche d’un contenu percutant offert avec grâce et panache. Ce sont les petites phrases que chacun recherche. Du coup, nous apprenons à nos clients à reconnaître les deux, trois ou quatre points qu’ils veulent présenter de façon convaincante à un journaliste. »
Jana Schilder enseigne également aux juristes le fonctionnement d’une salle de rédaction. Chaque matin, à l’issue de la réunion éditoriale, une multitude de courriels sont envoyés pour solliciter des entrevues. Les personnes qui les reçoivent doivent réagir promptement. « C’est celle qui répond la première qui décroche l’entrevue », affirme Jana Schilder. « Les journalistes se tournent toujours vers les personnes qui font deux choses : les rappelle sans délai et leur donne ce qu’on appelle une “belle citation”. » Si vous ne pouvez pas fournir ces deux choses, les journalistes continueront à se tourner vers leurs sources habituelles.
Qu’un journaliste vous contacte le matin pour vous rencontrer en milieu d’après-midi ou qu’il appelle en urgence à 16 h 30 parce qu’on lui a posé un lapin et qu’il n’a rien à publier, vous avez-là une occasion de saisir votre chance au vol et de faire votre apport.
Sachez à l’avance qui vous allez rencontrer et ce que ce journaliste a publié par le passé. Attention à ce que vous dites et à la façon dont vous l’exprimez : tant les jurons que les acronymes sont à proscrire sans appel lors d’une entrevue. « Les journalistes n’ont pas pour mission de vous détruire, cependant, il vous incombe aussi de ne pas commettre d’impair », affirme Jana Schilder. « Rien ne sera confidentiel tant que vous n’aurez pas établi un solide rapport de travail et de confiance avec un journaliste. »
Jana Schilder recommande à ses clients d’aider les journalistes à faire leur travail : « les journalistes ne sont pas des experts dans les domaines qu’ils traitent. Ils se fient à des sources telles que des avocats et des gens d’affaires pour mettre les nouvelles en contexte et leur donner un sens. Par conséquent, si vous souhaitez réellement cultiver une véritable relation avec les médias, il vous faudra être patient et susciter la confiance ».
La promotion de vos travaux et de ceux de votre cabinet auprès d’un vaste public repose sur une bonne stratégique médiatique. « Ne sous-estimez pas la valeur des médias, elle est immense », affirme Carol Endicott, directrice des communications pour Umbrella Legal Marketing à Toronto. « La possibilité de publiciser votre nom en tant que juriste ou en tant que représentant d’un cabinet est un très bon rendement de l’investissement. »
Vous n’avez rien à perdre en demandant au journaliste de vous communiquer ses questions à l’avance afin de vous préparer et de communiquer clairement votre message. S’il s’agit d’une entrevue téléphonique, dressez votre propre liste de points que vous pourrez consulter pour découvrir la tangente du journaliste et revenir à votre propos. Pensez aux questions qui pourraient vous désarçonner et évitez de répondre à celles qui ne vous ont pas été posées, particulièrement s’il s’agit d’une affaire très médiatisée. « Demeurez neutre. Le droit, rien que le droit », recommande Carol Endicott.
Apprenez à vous vêtir de façon appropriée pour une entrevue télévisée. Évitez les accessoires voyants. Une cravate tape-à-l’œil peut passer, mais bannissez les bijoux ou les écharpes d’une taille telle que le public les regardera au lieu de vous écouter.
Ne vous attendez pas à ce que l’article ou le reportage contienne tout ce que vous aurez dit lors de l’entrevue. « Les journalistes ne sont pas des sténographes judiciaires, ils ne rédigent pas sous votre dictée », dit Jana Schilder. « Cela ne fonctionne pas de cette façon. Ils se fondent sur un certain nombre de sources et il vous incombe de leur fournir un contenu tellement convaincant et intéressant que vous vous taillez la part du lion dans l’article ou le reportage. » Ne sablez pas le champagne avant la parution de l’article ou la diffusion de l’entrevue à la radio ou à la télévision, dit-elle. « Ce n’est que si c’est un bon article qui rend compte avec exactitude de votre entrevue et vous montre sous votre meilleur jour que vous pourrez sauter de joie. »
Dans les grands cabinets, ce sont généralement les associés qui assument le rôle de porte-parole, et ce sont le plus fréquemment ces cabinets auxquels sont confiées les affaires très médiatisées.
Cela ne signifie cependant pas que les petits ou moyens cabinets, dans lesquels les jeunes juristes seront plus souvent chargés d’une vaste gamme d’affaires, ne devraient pas savoir comment faire face aux médias. Dans ces cabinets, devenir porte-parole attitré est une bonne façon d’améliorer votre profil.
Au lieu d’attendre que le téléphone sonne, soyez proactif si vous avez une idée d’un article ou d’un reportage ou une perspective sur une affaire que personne n’a encore exprimée. « N’hésitez pas à prendre les devants et à faire vos propres démarches », dit Carol Endicott. Les publications de nouvelles donnent généralement la liste des adresses électroniques de leurs journalistes, par conséquent « invitez-les à prendre le café, apprenez à les connaître, à connaître leurs sujets de prédilection, laissez-les tisser des liens avec vous et découvrir le domaine du droit dans lequel vous exercez. » Si vous travaillez sur un sujet qui correspond à ceux qui ont fait l’objet de leurs articles, n’hésitez pas à leur en faire part, ajoute-t-elle, puisqu’ils sont toujours à la recherche d’un bon porte-parole et d’un point de vue différent.
N’oubliez pas qu’apparaître avec élégance et panache devant les caméras au nom du cabinet n’est pas donné à tous. Un de vos collègues est peut-être plus doué pour le faire. « Ne vous en offusquez pas », ajoute Carol Endicott. Ce qui importe, au fond, c’est que ce soit la personne la plus apte qui représente votre cabinet et vos clients sur la scène médiatique.
Ann Macaulay rédige fréquemment des articles pour EnPratique.