Ă€ l’origine, John Norman ne se destinait pas au droit.
« Moi, c’Ă©tait les sciences qui me branchaient, explique M. Norman, titulaire d’une maĂ®trise en gĂ©nĂ©tique molĂ©culaire et d’un doctorat en biochimie. D’ailleurs, ma femme dit souvent Ă la blague que j’Ă©tais comme les gars de The Big Bang Theory. »
Maintenant associĂ© Ă Gowling Lafleur Henderson LLP, M. Norman est un de ces nombreux Canadiens qui mettent leurs Ă©tudes supĂ©rieures au profit de l’exercice du droit.
Ă€ l’Ă©poque oĂą il poursuivait son doctorat, beaucoup d’Ă©tudiants et Ă©tudiantes avaient du mal Ă se trouver un poste de recherche postdoctoral Ă cause de la rĂ©duction des subventions.
Il s’est dĂ©couvert un intĂ©rĂŞt pour le droit en assistant Ă un sĂ©minaire oĂą le reprĂ©sentant d’une entreprise pharmaceutique internationale dĂ©crivait les avantages d’allier science et droit.
« Je me souviens que sur le chemin du retour, j’ai dit Ă ma femme : “Je vais m’inscrire dans une Ă©cole professionnelle.” Elle m’a rĂ©pliquĂ© : “Enfin, je savais bien que ça arriverait! Alors, quand est-ce que tu passes le MCAT?” Quand je lui ai rĂ©pondu que je pensais en fait m’inscrire Ă la facultĂ© de droit, elle pensait que je la faisais marcher! », relate M. Norman en riant.
Après avoir fait son doctorat – en mĂŞme temps que son droit, ce qu’il ne conseille Ă personne! –, il a eu Ă©tonnamment peu de mal Ă se trouver un emploi.
« Je me prĂ©sentais Ă des cabinets en disant que je m’intĂ©ressais aux litiges en matière de brevets et que j’avais une formation scientifique. Je n’ai pas eu Ă en approcher beaucoup pour recevoir des offres. »
Depuis, les occasions ne manquent pas pour lui de se servir de ses connaissances scientifiques, que ce soit pour lire des brevets ou pour discuter avec des témoins experts, voire en se prêtant à des contre-interrogatoires.
« Je trouve que parfois, les gens sans formation scientifique se font emberlificoter et arrĂŞtent de poser des questions parce qu’ils s’y perdent. Si on comprend les concepts scientifiques, c’est une autre histoire. »
Spécialisé en propriété intellectuelle, M. Norman dit que la science fait partie de son quotidien.
« Demandes de brevets, discussions avec les experts, contre-interrogatoires, prĂ©paration en vue de demandes ou de procès : je baigne dans la science tous les jours, dit-il. Ă€ mon avis, ma formation me sert autant que si j’Ă©tais restĂ© dans le milieu universitaire. »
Danny Kharazmi, titulaire d’une maĂ®trise en administration publique et d’une autre en administration des affaires, considère lui aussi que sa formation spĂ©cialisĂ©e l’avantage.
En effet, affirme-t-il, les connaissances et les compĂ©tences qu’il a acquises Ă l’universitĂ© lui servent rĂ©gulièrement.
« Je pense qu’avoir un MBA change la relation avec le client du tout au tout, explique cet associĂ© Ă Wildeboer Dellelce LLP. Je comprends mieux ce que font mes clients. »
M. Kharazmi dit que son MBA l’a aidĂ© Ă Ă©tendre son rĂ©seau, ce qui lui donne une longueur d’avance sur ses concurrents lorsqu’il postule pour un emploi.
« On se prĂ©sente Ă l’entrevue fort d’un grand nombre de relations. »
De fait, le rĂ©seautage est un des bienfaits potentiels des Ă©tudes supĂ©rieures, confirme Elizabeth Long, une avocate torontoise en droit de l’immigration.
Cette associée à Long Mangalji LLP a obtenu il y a peu sa maîtrise en droit du travail.
« Certains de mes condisciples Ă©tant d’Ă©minents praticiens du droit du travail, l’occasion Ă©tait excellente pour rĂ©seauter et Ă©changer des idĂ©es et des recommandations. »
Mme Long explique que sa maĂ®trise lui a permis de combiner son domaine d’exercice – le droit de l’immigration – Ă ses recherches sur le droit du travail pour les travailleurs Ă©trangers.
« Ce fut très Ă©difiant, se rĂ©jouit-elle. J’en retire une meilleure comprĂ©hension de ce que je peux faire pour mes clients. »
Selon M. Norman, un nombre grandissant d’avocats et avocates s’orientent vers des Ă©tudes supĂ©rieures.
« On voit passer en entrevue de plus en plus d’Ă©tudiants et Ă©tudiantes qui ont un diplĂ´me supĂ©rieur en science ou en gĂ©nie. Ce n’est plus aussi rare que ça l’Ă©tait. »
M. Norman est catĂ©gorique : il recommence Ă tous ceux qui se destinent au droit de la propriĂ©tĂ© intellectuelle d’Ă©tudier d’abord en sciences. « C’est une solide corde Ă votre arc qui vous fera dĂ©velopper votre esprit analytique. Une formation Ă ne pas nĂ©gliger. »
Les doctorats Ă©taient auparavant rares en droit, mĂŞme dans le milieu universitaire, mais les temps changent.
« De nos jours, nombre de professeurs embauchĂ©s dans les facultĂ©s de droit sont titulaires d’un doctorat, dĂ©clare Angela Cameron, elle-mĂŞme professeure Ă l’UniversitĂ© d’Ottawa. Les postulants Ă l’UniversitĂ© d’Ottawa sont de plus en plus nombreux Ă en avoir fait un, quand ce n’est pas un postdoctorat. »
Mme Cameron, qui a terminĂ© son propre doctorat en 2012, ne prĂ©voyait pas poursuivre sa carrière Ă l’universitĂ©.
« Ma maĂ®trise, je l’avais commencĂ©e par simple curiositĂ©, explique-t-elle. Je pensais que ça ne serait qu’une parenthèse, et que je recommencerais la pratique après coup. »
Une fois aux Ă©tudes supĂ©rieures cependant, Mme Cameron s’est mise Ă faire du travail contractuel comme chercheuse et rĂ©dactrice pour des ONG et des organisations de dĂ©fense des droits de la personne.
« J’ai eu la chance de travailler pour des organismes qui contribuent vraiment Ă changer le monde, ou au moins les lois et politiques. Et je me suis dit que si j’enseignais, je pourrais continuer Ă le faire toute ma vie. »
Mme Cameron indique que sa dĂ©cision de pousser jusqu’au doctorat a Ă©tĂ© graduelle.
« En regardant autour de moi, j’ai rĂ©alisĂ© que la concurrence Ă©tait rude pour dĂ©crocher un poste de professeur. Le doctorat me paraissait de plus en plus nĂ©cessaire. Bien entendu, ajoute-t-elle, beaucoup s’en tirent Ă©galement très bien avec une maĂ®trise. »
Son doctorat, qui portait sur les interventions judiciaires dans les cas de violence faite aux femmes, lui sert encore dans sa carrière, assure-t-elle.
« Il m’est d’une grande utilitĂ© : il me sert dans mon travail tant en enseignement qu’en justice sociale dans ma communautĂ©, ce que j’adore. En ce sens, j’ai vraiment un emploi fantastique – je peux continuer de faire ce qui me passionne vraiment. »
Ă€ propos de l'auteur
Ancienne journaliste, Carolynne Burkholder-James est associée à Heather Sadler Jenkins LLP, à Prince George, en Colombie-Britannique.