La pratique autonome du droit n’est pas pour tout le monde. Adieu, le chèque de paye; bonjour, les responsabilitĂ©s : de la gestion des cas au dĂ©veloppement des affaires en passant par le paiement des dettes et la facturation, tout retombe sur vous.
En revanche, le juriste autonome est libre de tracer son propre chemin. Il n’a pas Ă chercher un emploi; c’est lui l’employeur. Dans la mesure du possible, il peut aussi fixer son propre horaire et mĂŞme travailler Ă partir de chez lui, si tel est son dĂ©sir.
Que faut-il donc pour faire cavalier seul? Voici quelques incontournables :
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Pour rĂ©ussir Ă son compte, « un avocat ou une avocate doit avoir l’esprit d’entreprise, explique Omar Ha-Redeye, directeur de la sociĂ©tĂ© torontoise Fleet Street Law, qui aide les juristes autonomes et les petits cabinets Ă faire leurs premiers pas. Il doit pouvoir composer avec un certain degrĂ© d’inconnu, ajoute-t-il. Autrement dit, il doit ĂŞtre en mesure de gĂ©rer l’incertitude financière qu’implique l’entrepreneuriat et trouver des moyens d’Ă©conomiser pour se maintenir Ă flot pendant les annĂ©es maigres. »
« Il faut aimer l’aspect administratif de la pratique, ou Ă tout le moins savoir s’y prendre, renchĂ©rit Jordan Furlong, directeur de la firme ottavienne Edge International, qui se spĂ©cialise dans l’analyse des marchĂ©s juridiques. Cela n’a rien Ă voir avoir un poste d’associĂ© dans un cabinet, oĂą les clients semblent se succĂ©der naturellement et oĂą le salaire est rĂ©gulier. Le juriste autonome doit tout faire lui-mĂŞme. »
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Il ne suffit pas de savoir supporter l’incertitude financière : il faut prendre le taureau par les cornes pour faire entrer l’argent. La question n’est plus « Que voulez-vous que je fasse? », mais plutĂ´t « Qu’est-ce que je peux faire? » Le juriste doit savoir analyser les particularitĂ©s d’une situation et se donner les moyens de l’amĂ©liorer.
« Les chèques sont rares ce mois-ci? Vos dĂ©biteurs vous rembourseront peut-ĂŞtre plus rapidement si vous leur offrez un escompte, conseille M. Ha-Redeye. Vous n’avez pas assez de clients? C’est le temps d’augmenter la cadence, cĂ´tĂ© rĂ©seautage et promotion. » L’obligation de trouver ses propres clients suffit pour en dĂ©courager plus d’un. « Si cette crainte domine, l’avocat ou l’avocate a plus intĂ©rĂŞt Ă travailler pour un cabinet qu’Ă exercer seul, affirme M. Furlong. Il n’y a pas de honte Ă avoir. Certains sont mieux disposĂ©s au travail salariĂ©. »
« Le juriste autonome ne doit pas nĂ©cessairement ĂŞtre un extraverti fini pour se faire de nouveaux clients, prĂ©cise Bo Arfai, juriste autonome Ă Toronto, mais il doit tout de mĂŞme se faire une clientèle en tissant des liens avec les membres de la profession et en se faisant connaĂ®tre du public. Bref, il doit ĂŞtre visible ». Personne ne trouve du travail en restant assis Ă son bureau Ă attendre que des clients lui tombent du ciel. « Il faut sortir de sa bulle et montrer au monde ce qu’on a Ă offrir. »
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Autre qualitĂ© indispensable du juriste qui se met Ă son compte : la discipline. MaĂ®trise de soi et tĂ©nacitĂ© doivent ĂŞtre au rendez-vous, s’il veut en faire une carrière sĂ©rieuse Ă temps plein, de mĂŞme que la persĂ©vĂ©rance dans l’Ă©preuve. « C’est Ă vous de faire ce qu’il faut pour garder le cap, non seulement en trouvant des clients, en les servant et en facturant vos services, mais aussi en gĂ©rant tous les dĂ©tails qui font le quotidien d’une petite entreprise, dit M. Furlong. Et si vous n’avez pas les compĂ©tences nĂ©cessaires pour administrer une petite entreprise, vous devrez les acquĂ©rir. »
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Le problème pour les nouveaux avocats et les nouvelles avocates, c’est que les facultĂ©s de droit enseignent le droit, et non l’entrepreneuriat. Pour y remĂ©dier, l’avocate amĂ©ricaine Susan Cartier Liebel a fondĂ© l’universitĂ© Solo Practice. Il s’agit d’un rĂ©seau en ligne de formation et de rĂ©seautage professionnel qui enseigne aux avocats et aux avocates comment gĂ©rer leur propre cabinet. On y offre des cours comme « Comment passer du banc d’Ă©cole Ă son propre cabinet… ou presque » ou encore « Introduction Ă la facturation et Ă la comptabilitĂ© », entre autres cours sur le marketing, la technologie virtuelle, la sĂ©paration des services juridiques, etc. (L’universitĂ© Solo Practice offre aussi des cours gratuits en ligne et sur iTunes.)
« MĂŞme si notre siège est aux États-Unis, certains de nos Ă©tudiants et Ă©tudiantes sont canadiens, indique Mme Cartier Liebel. Cela tient au fait que les cours que nous donnons sont de nature gĂ©nĂ©rale et traitent des enjeux globaux relatifs Ă certains domaines de la pratique, en misant sur le cĂ´tĂ© concret. Ces principes s’appliquent, peu importe les particularitĂ©s du territoire dans lequel exerce chaque avocat ou avocate. »
Vous ĂŞtre trop occupĂ©s pour parfaire votre formation? « Avec tout ce qu’ils doivent gĂ©rer, les juristes autonomes ne peuvent pas se permettre de ne pas prendre le temps, rĂ©pond Mme Cartier Liebel. Si vous voulez mener la barque, vous devez savoir naviguer, sinon vous coulerez. »
Quelles que soient les ressources pĂ©dagogiques qu’ils choisissent, les juristes autonomes doivent ĂŞtre prĂŞts Ă poursuivre leur apprentissage, d’annĂ©e en annĂ©e. C’est d’autant plus vrai maintenant que la profession se dirige de plus en plus vers les outils Ă©lectroniques et les services en ligne. « Les juristes autonomes doivent aussi songer Ă remplacer le taux horaire traditionnel par une tarification fondĂ©e sur la valeur du service rendu au client, propose Mme Cartier Liebel. C’est la voie de l’avenir, et c’est ce que veut le client. Les juristes autonomes peuvent profiter de cette rĂ©alitĂ© pour adopter dès maintenant le modèle de facturation que privilĂ©gient les clients. »
En somme, un juriste autonome doit avoir l’esprit d’entrepreneuriat et un bon seuil de tolĂ©rance au risque, la volontĂ© de dĂ©nicher des clients ainsi que la discipline nĂ©cessaire pour persĂ©vĂ©rer malgrĂ© les difficultĂ©s, car difficultĂ©s il y aura. Le nouvel entrepreneur doit aussi avoir les compĂ©tences requises pour administrer son propre cabinet, au moins jusqu’Ă ce qu’il gagne assez d’argent pour engager un technicien et un comptable.
« Il y a encore une chose dont un juriste autonome ne peut se passer : la capacitĂ© de concilier sa vie professionnelle et sa vie personnelle, affirme M. Arfai. Si vous rĂ©agissez au stress engendrĂ© par un revenu prĂ©caire en travaillant sept jours sur sept, vous perdez tous les avantages que vous gagniez en devenant votre propre patron. Les congĂ©s vous permettront de conserver vos relations – et votre santĂ© mentale! »
Ă€ propos de l'auteur
James Careless est journaliste indépendant.