Kelly Brown avait une carrière juridique typique. DiplĂ´mĂ©e de la Schulich School of Law de l’UniversitĂ© Dalhousie en 1996, elle a commencĂ© Ă travailler comme avocate salariĂ©e au cabinet Torys en droit des affaires et des sociĂ©tĂ©s. Trois ans plus tard, elle s’est toutefois mise Ă songer Ă une carrière de conseillère juridique d’entreprise. Elle a fait le saut en 2000, quand Molson Coors Canada l’a recrutĂ©e. Aujourd’hui, elle est directrice gĂ©nĂ©rale juridique de Molson Coors Canada, supervisant Ă la fois les affaires juridiques, les affaires gĂ©nĂ©rales et les ressources humaines de la compagnie.
« Ă€ la facultĂ© de droit, on ne m’avait jamais parlĂ© d’avocats travaillant en entreprise », dĂ©clare Kelly Brown. « L’une de mes amies Ă©tait conseillère juridique d’entreprise. Elle m’a dĂ©crit ce qu’elle faisait au quotidien, et m’a dit qu’Ă son avis j’aimerais ce travail. J’ai commencĂ© Ă regarder ce qu’il y avait autour, et ensuite j’ai reçu l’appel de Molson. Je voyais des amis et des collègues faire le passage et on m’encourageait Ă apporter un changement dans ma carrière. »
Le travail dans un service juridique est une option intĂ©ressante. Les conseillers juridiques d’entreprises apprĂ©cient le fait de pouvoir se concentrer sur un mĂŞme client Ă long terme, travailler en dehors des limites de la pratique privĂ©e et bĂ©nĂ©ficier d’un meilleur Ă©quilibre entre leur vie personnelle et leur vie professionnelle. Plus important encore, ils ont le sentiment d’avoir un plus grand impact sur leurs clients.
« Certains croient que le travail de conseiller d’entreprise est plus facile », remarque Kelly Brown. « Ce n’est pas moins d’heures, mais vous avez plus de contrĂ´le sur votre horaire et une plus grande prĂ©visibilitĂ©. Vous travaillez aux cĂ´tĂ©s de vos clients, ce qui fait qu’ils sont moins susceptibles de nourrir des attentes dĂ©raisonnables. Vous bĂ©nĂ©ficiez Ă©galement du fait d’ĂŞtre membre d’une Ă©quipe Ă long terme. Dans la pratique privĂ©e, les relations peuvent ĂŞtre relativement courtes. Autre avantage : plus vous gagnez en expĂ©rience, plus vous endossez un rĂ´le de direction. J’ai la possibilitĂ© de faire valoir mes qualitĂ©s de leader, et le potentiel d’influencer les dĂ©cisions. J’aime vraiment ce travail. »
Le moment est bon pour chercher un poste en entreprise. Selon l’Association canadienne des conseillers et conseillères juridiques d’entreprises, 34 % des services juridiques recruteront au cours des trois prochaines annĂ©es. Les nouveaux enjeux touchant la technologie, la protection de la vie privĂ©e et la gestion des donnĂ©es crĂ©ent de nouvelles opportunitĂ©s pour les juristes. Les choix de carrière en droit ont Ă©galement Ă©voluĂ© au cours de la dernière dĂ©cennie. Le stĂ©rĂ©otype selon lequel les conseillers juridiques sont des avocats de second rang ne tient plus.
« Autrefois, les gens avaient peu d’estime pour les juristes d’entreprises », reconnaĂ®t Kelly Brown. « Mais les entreprises ne les utilisaient pas de la façon dont ils les utilisent maintenant. Certains services juridiques sont si grands qu’ils fonctionnent comme un cabinet d’avocats Ă l’intĂ©rieur duquel les avocats peuvent se spĂ©cialiser. Il existe des services juridiques de taille moyenne, comme le mien, oĂą l’on peut se spĂ©cialiser dans une certaine mesure. Nous traitons de marketing autant que de concurrence et de rĂ©glementation. »
Il existe deux grandes catĂ©gories de conseillers juridiques d’entreprises : les gĂ©nĂ©ralistes et les spĂ©cialistes. Les gĂ©nĂ©ralistes exercent dans des services juridiques traitant une multitude de questions, souvent de petits services comptant un ou deux avocats. Les spĂ©cialistes sont embauchĂ©s pour travailler sur des dossiers ou des projets prĂ©cis au sein de l’organisation.
« Pour les postes de gĂ©nĂ©ralistes, il vous faut un peu d’expĂ©rience dans plusieurs domaines, surtout le droit des sociĂ©tĂ©s et des affaires, et peut-ĂŞtre aussi le droit du travail », explique Kimberly MacMillian, associĂ©e chez R. Johnson, une compagnie de recrutement spĂ©cialisĂ©e dans le secteur juridique. « Ou alors, on recherche quelqu’un avec des compĂ©tences très spĂ©cialisĂ©es. Par exemple, nous avons eu une entreprise de construction qui cherchait une personne d’expĂ©rience spĂ©cialisĂ©e en droit de l’immobilier. »
Une expĂ©rience dans certains domaines clĂ©s est essentielle. Les jeunes avocats qui dĂ©sirent travailler en entreprise devraient aller chercher de l’expĂ©rience en droit des sociĂ©tĂ©s, en droit commercial, en litige et en droit de l’emploi et du travail.
« L’expĂ©rience acquise dans un grand cabinet est gĂ©nĂ©ralement plus attrayante, mais il s’agit d’un environnement qui vous amène Ă vous spĂ©cialiser, alors il y a des pour et des contre », explique Kimberly MacMillan. « Selon le type et la qualitĂ© du travail effectuĂ©, l’expĂ©rience en petit cabinet peut tout aussi bien faire l’affaire. »
Lorsque vous examinez les offres d’emploi, rĂ©flĂ©chissez au type de poste que vous recherchez. Kelly Brown recommande notamment d’Ă©tudier la culture des diffĂ©rentes entreprises et de se demander si le travail en entreprise est le bon choix.
« Apprenez Ă vous connaĂ®tre et Ă savoir ce que vous aimez », conseille-t-elle. « Sachez dans quel type d’environnement vous souhaitez travailler. Le travail de conseiller juridique d’entreprise peut diffĂ©rer Ă©normĂ©ment d’une compagnie Ă l’autre. Ce n’est pas du tout la mĂŞme chose de travailler dans une banque, dans une sociĂ©tĂ© technologique ou dans une entreprise d’emballage. Étudiez l’industrie et la culture de l’entreprise. Ă€ quoi ressemble telle ou telle culture? PepsiCo et Coca-Cola, par exemple, ont des cultures et des styles de direction très diffĂ©rents. »
Il vous faudra peut-ĂŞtre attendre votre heure pour faire la transition. Vous pourriez devoir accumuler quelques annĂ©es d’expĂ©rience avant de devenir un candidat intĂ©ressant. « Il faut avoir sept ou huit ans Ă son actif », estime Kimberly MacMillan.
Bien sĂ»r, il y a des exceptions Ă la règle. Kelly Brown n’avait que quatre ans d’expĂ©rience quand Molson lui a proposĂ© un poste d’avocate junior dans son service juridique. Certains avocats vont directement en entreprise grâce Ă leurs stages. D’autres dĂ©nichent des postes en entreprise par l’intermĂ©diaire de collègues qui ont fait le saut.
« Je connais des gens qui ont eu leur poste en entreprise en allant travailler pour un client », raconte Kelly Brown. « Le client est si impressionnĂ© par l’avocat que lorsqu’un poste s’ouvre, il l’embauche. C’est une excellente porte d’entrĂ©e. »
Dans l’ensemble, une carrière en entreprise peut ĂŞtre enrichissante. Kelly Brown croit que le choix des avocats devrait ĂŞtre fait sur la base de ce qui les motive dans leur travail.
« J’ai adorĂ© travailler en entreprise et je n’ai jamais regrettĂ© mon choix », affirme-t-elle. « Ça a Ă©tĂ© une expĂ©rience très positive. J’ai eu une carrière très gratifiante. »
Julie Sobowale est avocate et journaliste. Elle vit Ă Halifax.