De nombreux jeunes avocats vous diront que le travail au sein d’un cabinet peut ĂŞtre exigeant. De longues journĂ©es de travail, Ă des milliers de kilomètres de chez soi, et dans un pays moins dĂ©veloppĂ©, oĂą les clients parlent très peu l’anglais - voilĂ qui est vĂ©ritablement exigeant. Or, si c’Ă©tait Ă refaire, 20 avocats canadiens rĂ©cemment admis au barreau referaient le mĂŞme choix. Ils ont choisi de passer leurs premiers mois au sein de la profession Ă travailler Ă l’Ă©tranger, pour diffĂ©rents organismes de dĂ©fense des droits de la personne et d’aide au dĂ©veloppement juridique, Ă aider des clients qui sont rĂ©ellement dans le besoin.
Tara Kyluik, originaire de Winnipeg, et admise au barreau en 2010, a obtenu un stage Ă Georgetown, en Guyane, oĂą elle travaille sur d’importants projets au sein de la Clinique d’aide juridique de la Guyane.
« Je passe une bonne partie de mes journĂ©es en entrevue avec les clients, dont la plupart sont des femmes. Je traite rĂ©gulièrement de cas de violence familiale ou d’autres questions reliĂ©es Ă la famille, comme les divorces, la garde des enfants, ou la sĂ©paration des biens. Je travaille Ă©galement sur certains dossiers civils et criminels, et doit parfois rencontrer les clients en prison. »
Me Kyluik participe Ă©galement Ă des projets de recherche, dont celui qui consiste Ă retrouver d’anciens clients de la Clinique, ou Ă dresser un compte-rendu des succès de celle-ci, des obstacles auxquels elle fait face, et des domaines oĂą il y aurait matière Ă amĂ©lioration.
La diplĂ´mĂ©e de la FacultĂ© de droit de l’UniversitĂ© de Colombie-Britannique juge que le temps qu’elle passe en Guyane reprĂ©sente une sĂ©rie de petits acquis plutĂ´t qu’une seule grande rĂ©alisation.
« Je me trouve quotidiennement confrontĂ©e Ă des injustices, qui peuvent donner envie d’abandonner. Je crois qu’il faut vĂ©ritablement se concentrer sur les petites choses et se rendre compte que les menus succès et changements mènent, Ă la longue, aux succès et aux changements importants. »
Roger Love, qui a obtenu son diplĂ´me Ă Osgoode Hall et qui a Ă©tĂ© admis au barreau l’an dernier, est en poste auprès de l’organisme Lawyers for Human Rights (LHR), en Afrique du Sud. Il y travaille avec des immigrants et des rĂ©fugiĂ©s venus de toute l’Afrique, ainsi qu’avec des demandeurs d’asile de pays aussi lointains que le Bangladesh ou le Pakistan. Chaque matin, lorsqu’il arrive au bureau, qui est situĂ© dans le quartier de Sunnyside, Ă Pretoria, la salle d’attente est dĂ©jĂ pleine de personnes qui espèrent pouvoir obtenir de l’aide.
« J’aide les clients dès le moment oĂą ils mettent le pied dans la clinique, jusqu’au moment oĂą sont intentĂ©es des procĂ©dures juridiques, s’il y a lieu », explique Me Love.
« Je passe Ă peu près la moitiĂ© de mon temps de travail en consultation avec les clients, alors que trente pour cent de mon temps est occupĂ© Ă rĂ©diger des textes juridiques, dont des mĂ©moires Ă l’intention du Haut commissariat pour les rĂ©fugiĂ©s des Nations Unies, ainsi que de la Commission d’appel des rĂ©fugiĂ©s. Le reste du temps, je fais de la recherche juridique reliĂ©e Ă diffĂ©rents litiges. »
Tout comme l’a fait Me Kyluik, Me Love explique qu’il aurait de la difficultĂ© Ă dresser une liste de ses succès. « Je suis surtout fier de l’ensemble du travail que j’ai accompli. La clinique LHR fournit quotidiennement des services Ă un nombre très important de clients. En cinq mois seulement, j’en ai aidĂ© plus d’une centaine avec leurs problèmes juridiques. »
Selon Me Love, sa plus grande frustration aura Ă©tĂ© reliĂ©e Ă son processus de familiarisation avec les onze langues officielles parlĂ©es en Afrique du Sud. « Heureusement, la plupart des Africains du Sud parlent l’anglais, et ma transition aura donc Ă©tĂ© facile. »
Émilie Simard a obtenu un stage auprès du Barreau du Kenya. Admise au barreau en 2009, après avoir obtenu son diplĂ´me en droit civil Ă l’UniversitĂ© de Laval Ă QuĂ©bec. Autant quelle s’en souvienne, elle a toujours voulu travailler Ă l’Ă©tranger.
« Quand j’ai rencontrĂ© Pascal Paradis, directeur d’Avocats sans frontières Canada, lors de ma deuxième annĂ©e au BaccalaurĂ©at, j’ai tout de suite su que je voudrais faire ce type de mission. Par la suite, il s’agissait de trouver le moyen, et l’Association du Barreau canadien, ainsi que l’ACDI, m’ont offert ma première chance. »
Comme les autres stagiaires, Me Simard a travaillĂ© sur une grande variĂ©tĂ© de projets. « Durant les trois premiers mois, j’ai montĂ© un rapport sur les pratiques en matière de droit des enfants, au Canada, en Grande-Bretagne et en Éthiopie. J’ai aussi aidĂ© dans le dĂ©partement de formation continue des avocats. J’ai assistĂ© Ă quelques confĂ©rences et ai rĂ©digĂ© des comptes rendus. Je fais principalement de la recherche. »
La principale difficultĂ© Ă laquelle Me Simard a dĂ» faire face, a Ă©tĂ© l’adaptation au style de vie dĂ©contractĂ© des Kenyans. Toujours très ponctuelle au Canada, il lui a pris un certain temps Ă s’habituer Ă l’idĂ©e qu’un rendez-vous fixĂ© Ă une certaine heure pouvait finalement avoir lieu quasiment n’importe quand. « Au Kenya, la ponctualitĂ© est un concept très relatif. J’ai vu des confĂ©rences de presse, qui Ă©taient prĂ©vues Ă une certaine heure, commencer une ou mĂŞme deux heures en retard. »
Ă€ la question Ă savoir ce qu’elle attend de son expĂ©rience, Me Simard rĂ©pond : « Je dirais que je me posais beaucoup de questions face Ă mon avenir et que j’Ă©tais venue chercher ici quelques rĂ©ponses. Et je dirais que j’en ai trouvĂ© quelques-unes et que j’espère en trouver d’autres. »
Ava Chisling (avachisling.com) est une avocate en droit des médias, qui travaille à Montréal.